Démocratie participativeLa votation sur les trottinettes peut-elle mal tourner pour Hidalgo ?

Trottinettes en libre-service : La votation de l’interdiction peut-elle mal tourner pour Anne Hidalgo ?

Démocratie participativeLa maire de Paris a annoncé samedi 14 janvier la tenue d’une votation pour ou contre le maintien du service de trottinettes électriques en libre-service
Les trottinettes électriques en libre-service disparaîtront-elles des rues parisiennes ? Les électeurs trancheront le 2 avril.
Les trottinettes électriques en libre-service disparaîtront-elles des rues parisiennes ? Les électeurs trancheront le 2 avril. - AFP / AFP
Guillaume Novello

Guillaume Novello

L'essentiel

  • Dimanche 2 avril, les électeurs parisiens seront invités à se rendre dans l’isoloir pour se prononcer sur le maintien ou non du service de trottinettes en free-floating, comme l’a annoncé samedi la maire Anne Hidalgo.
  • Cette annonce a pris tout le monde par surprise, personne ne s’attendant à une votation sur un tel sujet. C’est d’ailleurs le premier référendum local organisé par la capitale depuis la révision constitutionnelle de 2003.
  • Jusqu’à présent, une seule métropole avait eu recours à un tel procédé, Strasbourg, en 2011, sur la question du passage aux 30 km/h. Les leçons de cet échec, qui a eu des conséquences durables, peuvent aider à imaginer à quoi va ressembler la votation parisienne.

L’annonce d’Anne Hidalgo de la tenue le 2 avril d’une votation sur le maintien ou non des trottinettes en libre-service a pris tout le monde de court. A commencer par les opérateurs. « C’était la surprise totale ! On s’attendait à tout mais pas à ça », indique-t-on au sein de l’un d’entre eux. Pour preuve, après l’envoi d’un communiqué où ils saluent « la décision de consulter les Parisiens », ils ont décidé d’un black out médiatique total, histoire de peaufiner leur stratégie. De même les élus du groupe Changer Paris, s’ils se disent « surpris qu’Anne Hidalgo appelle les Parisiens au vote sur le chaos qu’elle a organisé elle-même », n’avaient pas arrêté lundi leur position sur ce scrutin.

Il faut dire que c’est la première fois qu’une telle votation est organisée à l’échelle de la capitale. Permis par la révision constitutionnelle de 2003, le référendum local n’a d’ailleurs été que très rarement utilisé par les moyennes et grosses villes. Cela a néanmoins été le cas à Strasbourg en 2011 au sujet du passage d’une grosse partie de la ville aux 30 km/h.

« Quand on a décidé de soumettre cette proposition au vote, il était évident que le oui allait l’emporter, se souvient Alain Jund, alors adjoint vert à l’urbanisme auprès du maire PS Roland Ries. Dans les conseils de quartier, on sentait une appétence pour cette mesure et tous les arguments étaient au vert. C’était une telle évidence que seuls ceux qui étaient contre ont fait campagne, comme l’Automobile Club, la CCI… »

« Ne se déplacent que les haters »

Et finalement, à l’issue du dépouillement des 50.121 bulletins recueillis par courrier, c’est le non qui l’emporte à 54,9 %. « C’est clair qu’on n’a pas assez fait campagne », regrette l’écologiste, toujours élu local à Strasbourg. « Roland Ries voulait faire d’une pierre deux coups avec du participatif et de l’écologie, commente un Strasbourgeois qui a bien suivi la campagne. Mais en 2011, c’était peut-être trop avant-gardiste et c’est aussi le problème du participatif, ne se déplacent que les haters et pas ceux qui sont favorables sans plus. »

« On va réfléchir à comment emmener les gens dans les urnes », indique-t-on d’ailleurs au sein d’un des opérateurs, laissant entendre une mobilisation prochaine. Ces derniers craignent en effet un taux de participation très faible qui pourrait les désavantager et surtout, se basant sur les derniers scrutins nationaux, ils constatent que « ceux qui se déplacent dans les urnes sont majoritairement des personnes âgées », peu adeptes des trottinettes électriques. La municipalité a en effet annoncé une votation physique même si les modalités de lieux ne sont pas encore précisées. Une consultation électronique aurait été ainsi sans doute beaucoup plus favorable aux opérateurs même si lors d'un récent appel à témoignages, 20 Minutes avait reçu près de 70% de contributions en faveur de l'interdiction.

Les écologistes en ordre de bataille

De même avec ce vote, la municipalité déplace l’affrontement sur un terrain qu’elle connaît bien, celui de l’élection, que les opérateurs maîtrisent beaucoup moins. Dès l’annonce, David Belliard, l’adjoint écologiste en charge de la voirie et résolument opposé au maintien du service, postait sur Twitter le lien d’une plate-forme « Apaisonsnosrues » afin de débuter la mobilisation. « On va s’en parler cette semaine, regarder comment faire pour mobiliser les militants », abonde Frédéric Badina, conseiller écolo à la mairie de Paris. En revanche Rémi Féraud, président du groupe socialiste au Conseil de Paris, indique que son groupe encouragera à aller voter mais sans forcément faire campagne pour le oui ou le non.


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Mais l’arme du référendum local est à manier avec précaution. Car si la défaite de 2011 n’a pas empêché la réélection de Roland Ries aux municipales de 2014, « la question des 30 km/h est depuis un sujet tabou, même au sein de la nouvelle majorité écologiste », déplore Alain Jund. C’est sans doute pour ça que Grenoble a décidé de s’en passer pour adopter la limitation à 30 km/h.

« C’est un micro-sujet »

Et c’est probablement également pour ça qu’Anne Hidalgo a choisi ce sujet mineur pour en faire l’objet d’une votation : un bide sur les trottinettes électriques ne l’empêcherait pas de dormir. « C’est un micro-sujet, dénonce Nelly Garnier, élue LR d’opposition. Il y a des sujets autrement plus impactant qui auraient pu être soumis au vote des Parisiens comme le crack, la taxe foncière, le réaménagement du Trocadéro. » Même les écologistes auraient aimé des référendums sur « des sujets plus structurants comme les JO », commente Frédéric Babina, même s’il trouve « plutôt chouette de remettre les Parisiens au cœur de la décision ».

Gilles Jund, lui, est revenu des référendums locaux. Il s’interroge sur la pertinence d’une consultation sur toute une ville sur ce type de sujets : « On est en train de lancer la construction de nouvelles lignes de tram et certains nous demandent un référendum. Mais le changement génère souvent de la crispation et, après coup, les gens opposés trouvent que le tram, finalement c’est très bien. » L’élu s’interroge également sur le périmètre des votants : les utilisateurs, les seuls riverains, les habitants d’autres communes ? Un point que n’ont pas manqué de souligner les opérateurs dans leur communiqué où ils déplorent que soient exclus de cette votation « les Franciliens et les étrangers qui vivent et font vivre Paris au quotidien ».

Enfin, concernant la maire de Paris, il y a toujours le risque que le référendum vire à la question personnelle. « J’aimerais que ce ne soit pas une votation pour ou contre Anne Hidalgo [qui a appelé à voter non] », espère Frédéric Babina. « Il y a une attente des Parisiens de dire leur insatisfaction sur la gestion par Anne Hidalgo de la question des mobilités », serpente Nelly Garnier, qui ne bouderait pas son plaisir si la maire PS se prenait les pieds dans le tapis. « Le référendum cristallise toutes les difficultés, les inconforts, conclut Alain Jund. Et la réponse est toujours autre que la question posée. »