Vases communicantsLa réforme des retraites va-t-elle priver les associations de bénévoles ?

Réforme des retraites : Les associations seront-elles les victimes collatérales de la nouvelle loi ?

Vases communicantsLe monde associatif pourrait souffrir d’une pénurie de bénévoles, contraints de travailler plus longtemps
Les retraités bénévoles sont très actifs dans la solidarité (Illustration)
Les retraités bénévoles sont très actifs dans la solidarité (Illustration) - SYSPEO / SIPA
Romarik Le Dourneuf

Romarik Le Dourneuf

L'essentiel

  • Alors que la réforme des retraites divise le gouvernement et ses opposants, les associations craignent d’êtres victimes de la nouvelle loi, qui pourrait les priver de nombreux bénévoles.
  • Les jeunes retraités représentent une part très active des bénévoles des associations et occupent souvent des postes à responsabilités.
  • En travaillant plus tard, ils risquent d’être moins disponibles pour ce secteur, qui a déjà perdu beaucoup de bras depuis la crise sanitaire.

Auront-ils toujours autant de bénévoles après la réforme des retraites ? Alors que la grande journée de mobilisation contre le projet aura lieu ce jeudi, les débats entre les promoteurs et les opposants à la nouvelle loi font rage. Tous les sujets y passent : économie, santé, justice… Mais certains pans de la société, moins en vue dans l’actualité, sont aussi concernés par l’avenir des futurs sexagénaires.

Le monde associatif, en particulier, s’interroge des conséquences d’un allongement de la durée de cotisation, car il pourrait, lui aussi, pâtir de cette réforme. En effet, en France, on estime à 22 millions, le nombre de bénévoles ou adhérents qui font vivre 1,5 million d’associations. Et parmi eux, entre 33 et 35 % sont des retraités. Une part très importante des effectifs en somme.

Un dirigeant d’association sur deux est retraité

Les seniors y jouent un rôle stratégique. Selon un rapport du Comité d’orientation des retraites daté de 2013, un dirigeant d’association sur deux est un retraité. Un chiffre toujours d’actualité selon Elisabeth Pascaud, administratrice de l’association France Bénévolat : « C’est notamment parce qu’ils ont plus de temps que les plus jeunes », explique-t-elle. Pourtant de plus en plus engagés, ces derniers ne peuvent souvent y consacrer qu’une ou deux heures par semaine, contre une à plusieurs demi-journées pour les retraités. Un rapport de l’association confirme d’ailleurs que les bénévoles très réguliers, environ deux millions de personnes, sont souvent des retraités qui constituent le « squelette des associations ».

Une donnée appuyée par Simon Cottin-Marx, sociologue du monde associatif : « En raison de leur temps disponible et de leur expérience, ils sont souvent en charge des fonctions les plus complexes et les plus chronophages. » Mais le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans pourrait bouleverser cet écosystème. Car une poursuite du travail de quelques années entre directement en compétition avec une activité associative assidue. D’autant qu’elle concerne les catégories aux plus hauts taux de participation à la vie associative (42 % des 55-65 ans et les 44 % des 60-70 ans en 2013).

Des effectifs qui avaient déjà baissé avant la réforme

Et ces catégories de bénévoles ont déjà pâti des réformes précédentes de 2010 et de 2017, explique le dernier rapport de France Bénévolat. Une baisse d’engagement a été constatée en 2019 et due à des « difficultés accrues de fin de carrière, qui engendrent un besoin de souffler » et « à la pratique croissante du cumul emploi/retraite avec la nécessité pour un nombre croissant de retraités de travailler ».

Ces obstacles à la disponibilité s’ajoutent à d’autres, étrangers à cette réforme, mais qui touchent aussi durement les associations, comme le souligne Elisabeth Pascaud : « Les retraités arrivent plus tard, donc en moins bonne santé. Ensuite, de plus en plus d’entre eux doivent se consacrer à leur famille, avec toujours plus de personnes dépendantes. Et, par ailleurs, le Covid-19 a fait fuir de nombreux bénévoles qui craignaient pour leur santé. » Entre un tiers et la moitié des bénévoles retraités auraient arrêté leurs activités, selon Simon Cottin-Marx.

Les associations misent sur les jeunes pour combler cette perte

Pour le sociologue, il ne fait aucun doute que le monde associatif, qui représente 1,5 million d’équivalents temps plein, va souffrir de cette réforme des retraites : « Les retraités sont un des principaux moteurs des associations. La réforme risque de fragiliser cette main-d’œuvre gratuite, principalement dans le domaine de la solidarité, l’aide aux devoirs, le sport, les banques alimentaires… Des domaines qui ne seront pas couverts par les entreprises privées. »

Petite consolation tout de même du côté des associations qui constatent une augmentation de l’engagement chez les jeunes : « S’ils ne peuvent être aussi disponibles que les retraités, cela augure tout de même un renouvellement et le dynamisme du monde associatif en France. » Pour preuve, près de 70.000 nouvelles associations sont créées chaque année.




Les jeunes sont d’ailleurs une cible privilégiée des associations qui travaillent sur leurs motivations et leurs contraintes pour mieux les attirer et les intégrer. Au travers, par exemple, d’une communication plus moderne et plus axée sur eux. Certains partenariats, en lien avec le service civique ou des collectivités territoriales, permettent aussi de proposer des missions de courte durée qui sont parfois le premier lien entre un bénévole et une association.