MOBILISATIONDépart à la retraite à 64 ans, la mesure qui cristallise les oppositions

Réforme des retraites : Pourquoi le départ à 64 ans est le point de crispation des oppositions

MOBILISATIONLe report de l’âge de départ à la retraite concentre les critiques des opposants, au grand dam du gouvernement, qui tente de mettre en avant les autres mesures
Francois Ruffin, Mathilde Panot et Boris Vallaud en meeting commun contre la réforme des retraites.
Francois Ruffin, Mathilde Panot et Boris Vallaud en meeting commun contre la réforme des retraites.  - ISA HARSIN/SIPA / SIPA
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Le gouvernement a présenté la semaine dernière son projet de loi de réforme des retraites.
  • Une mesure cristallise la colère des oppositions : le recul de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
  • La majorité ne souhaite pas se laisser enfermer sur la question de l’âge, très impopulaire dans l’opinion, pour mieux défendre les autres mesures du projet de loi.

Le premier round de la mobilisation contre la réforme des retraites se déroule ce jeudi. La grève contre la proposition de loi du gouvernement s’annonce très suivie, notamment dans l’éducation et les transports. L’opposition politique se prépare aussi à livrer une belle bataille en commission de l’Assemblée nationale fin janvier et dans l’hémicycle le 6 février. Car malgré les efforts de « pédagogie » de la majorité pour défendre son « projet de justice », une mesure cristallise la colère des opposants : le recul de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Sauf pour les travailleurs handicapés qui pourront toujours partir en retraite à partir de 55 ans, et ceux en invalidité à 62 ans.



« C’est normal que l’âge polarise les débats »

Le front syndical comme les partis d’opposition sont farouchement opposés à cet allongement de la durée de travail. « L’objectif de cette réforme, c’est faire travailler tous les salariés plus longtemps. Pour beaucoup de Français, cela reviendra à prendre sa retraite dans un moins bon état de santé », s’agace Eric Coquerel, député insoumis. « C’est injuste et d’autant plus absurde qu’à cet âge, la moitié de ces personnes n’a pas d’emploi », ajoute le président de la Commission des finances. Un sentiment partagé par une large majorité de Français, rapportent plusieurs enquêtes d’opinion. Ainsi, 71 % des personnes interrogées se disent contre le report de l’âge légal à 64 ans, selon un sondage Ifop pour le JDD.

« C’est normal que l’âge soit le sujet qui polarise les débats. Tout le monde peut se projeter sur cette proposition, se demander, "quel impact aura-t-elle sur ma vie ?" Ce n’est pas théorique, c’est du concret. C’est tout l’enjeu des manifs et des grèves : élever les consciences, forcer les gens à s’interroger et se positionner », abonde David Guiraud, député LFI du Nord.

« Si on veut conserver notre système, il faut réformer »

Dans la majorité, on justifie cette mesure pour « sauver » le système de retraites. « Il y avait quatre actifs pour financer un retraité dans les années 1950. On est à 1,7 aujourd’hui. L’opposition se cristallise sur l’âge, mais si on veut conserver notre système de répartition, sans baisser les pensions ni augmenter les cotisations, il faut réformer », assure Benjamin Haddad, député de Paris et porte-parole du groupe Renaissance. « Jean-Luc Mélenchon fait le fanfaron autour de l’âge, mais s’il était un vrai homme de gauche, il devrait défendre cette réforme de justice sociale », ajoute Prisca Thevenot, porte-parole Renaissance et députée des Hauts-de-Seine. « Cet âge est une modalité, qui nous permet de mieux prendre en compte la pénibilité, les congés proche aidant, les carrières longues, les inégalités femme-homme… ».

Les marcheurs espèrent bien ne pas se laisser enfermer sur la question de l’âge, très impopulaire dans l’opinion et faire émerger dans le débat les autres mesures du projet de loi. « Jusqu’ici, les Français se sont focalisés sur l’âge, ça les choque ou les rend furieux, mais ils n’entendent pas encore toutes les mesures à côté : le minimum retraites à 1.200 euros, la prise en compte des carrières hachées... A nous de faire de la pédagogie pour montrer qu’en fin de compte, les plus faibles vont être les plus gagnants », poursuit François Patriat, président du groupe Renaissance au Sénat.

« Ils ont essayé d’enrober la cacahuète »

Des éléments pas suffisants pour Thomas Ménagé, député RN du Loire. « Ils ont essayé d’enrober la cacahuète avec du sucre pour mieux faire passer la mesure d’âge. C’est de bonne guerre, dit-il. Mais ce n’est pas parce qu’il y a du bon, qu’il n’y a pas du très mauvais. Avec les 64 ans, la balance penche clairement du mauvais côté », ajoute-t-il, précisant que son parti votera uniquement certaines mesures du texte.

L’opposition a d’ailleurs trouvé un argument de poids dans les propos tenus en avril 2019 par un certain… Emmanuel Macron. Ce jour-là, le président de la République évoquait cet allongement de la durée de travail. « Est-ce qu’il faut reculer l’âge légal, aujourd’hui à 62 ans ? Je ne le crois pas, assurait le président de la République. « Tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, ce serait assez hypocrite ».

Quid des carrières longues ?

Ceux qui ont commencé à travailler tôt pourront toujours partir plus tôt. Actuellement, un début de carrière avant 20 ans peut permettre un départ anticipé de deux ans, et une entrée dans la vie active avant 16 ans peut donner droit à une retraite anticipée de quatre ans.

Ce dispositif sera « adapté » avec un nouveau « niveau intermédiaire » : ceux qui ont débuté avant 20 ans pourront partir deux ans plus tôt, soit 62 ans; ceux qui ont commencé avant 18 ans pourront faire valoir leur droit à la retraite quatre ans plus tôt, soit 60 ans; ceux qui ont démarré avant 16 ans pourront terminer leur carrière six ans plus tôt, soit 58 ans. De cette manière, personne ne sera « obligé de travailler plus de 44 ans », selon le gouvernement. Les périodes de congé parental seront à l'avenir prises en compte, ce qui sera « plus juste pour les femmes », selon le gouvernement.