PROCÈSAu procès d’une figure du narcobanditisme, l’enquête déjà fragilisée

Marseille : Au procès d’une figure du narcobanditisme, l’enquête déjà fragilisée

PROCÈSKamel Meziani, 38 ans, présenté comme une tête de réseau des stupéfiants à Marseille, est jugé pour un double assassinat. Déjà acquitté dans une autre affaire en avril dernier, « souris » pourrait encore filer, en l’absence de preuve solide
Kamel Meziani, narco marseillais, était l'un des fugitifs les plus recherchés de France
Kamel Meziani, narco marseillais, était l'un des fugitifs les plus recherchés de France - Interpol / Interpol
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • Kamel Meziani 38 ans est jugé depuis ce lundi par la cour d’assises d’Aix-en-Provence.
  • Ex-chef d’un des plus puissants réseaux de trafic de stupéfiants de Marseille est suspecté d’être le commanditaire d’un double meurtre, perpétré en 2016.

Impassible dans le box des accusés, Kamel Meziani, accusé de récidive de meurtre, en l’espèce un double assassinat commis à Marseille en 2016, est resté silencieux tout au long de ce premier jour d’audience à la cour d’assises d’Aix-en-Provence. Silencieux, ou presque. Un très calme « non, non pas du tout » ont été ses seules paroles, lorsque le président de la cour crut qu’il demandait la parole. Pour son portrait, les seuls éléments portés à la connaissance de la cour ont été un caractère « courtois, calme et posé », mais capable de perdre « son esprit critique sous la pression ». Un esprit critique pourtant affûté, avec son QI « énorme », évalué à 137.

Surnommé « souris », Kamel Meziani, jean gris et veste blanc cassé, a la carrure d’une personne qui a comme principale occupation la musculation depuis sa détention à l’isolement depuis 18 mois. Celui après qui la police et la justice française ont couru pendant de nombreuses années, a suivi les débats avec attention. Pourtant il ne fut pas certain que cette audience se tienne aujourd’hui, ses conseils ayant déposé un recours contre le mandat d’arrêt international émis à son encontre en 2018 dont ils contestaient le bien-fondé. Une requête que ses trois avocats, Raphaël Chiche, Keren Saffar et Thomas Hugues Vigier, ont finalement décidé d’abandonner, persuadés de l’innocence de leur client dans ce dossier.

Car, à vrai dire, ce même dossier pour lequel Kamel Meziani a été condamné à 30 ans de prison en son absence, pendant sa cavale, repose sur bien peu de choses : un témoignage anonyme et une certitude policière. Celle que le chef du réseau de trafic de stupéfiants de la cité des Oliviers A ne peut être étranger à une affaire concernant des personnes opérant sur son territoire.

L’origine de ce règlement de comptes se trouverait dans une vengeance. Un des meurtriers condamné en première instance dans ce dossier, Sofiane Tatoui, un gérant de point de vente pour le compte du boss des Oliviers A a été tabassé par un jeune aux dents longues qui s’était vu refuser l’autorisation d’écouler son cannabis sur « son magasin ». La vengeance n’aurait alors pas tardé, et les armes à parler.

« Aucune » preuve matérielle, admet l’enquêtrice

« Kamel Meziani a donné son autorisation [à ce règlement de comptes] », a soutenu devant la cour l’enquêtrice de la brigade criminelle de la police judiciaire de Marseille. « Parce que ça se passe comme ça dans les réseaux [de vente de stupéfiants] ». Un argument d’autorité étayé par des renseignements fournis par un témoin sous X, qui assure que « Sofiane Tatoui était allé demander l’autorisation de se venger » à son patron. Bénédiction aurait été donnée avec armes - un révolver et une kalach - un véhicule - un T-max, et une balise GPS positionnée sur le véhicule des victimes. Une affirmation doublée par celle d’Antoine Silva, survivant de la fusillade (il était un des trois passagers de la voiture, il est parvenu à prendre la fuite à pied). Rapportant ses propos de mémoire, l’enquêtrice, laissait entendre que ce témoin et partie civile, tenait la même version que celle rapportée par le témoin sous X.

Mais la défense n’a pas mis longtemps à tailler en brèche le récit policier. Car si lors de sa garde à vue, Antoine Silva évoque bien « une autorisation », celle-ci référait plutôt, une fois lecture donnée des procès-verbaux d’auditions, à celle refusée d’écouler des stupéfiants, et non à celle de tuer, a corrigé la défense. Reste alors l’affirmation du témoin sous X. Et pour les avocats de Kamel Meziani, celle-ci ne peut pas tenir. « Il dit que Sofiane serait allé demander l’autorisation à Kamel de se venger. Mais Kamel était en Espagne depuis le 15 octobre (après avoir fui un coup de filet de la police sur son clan lancé cinq jours auparavant). On a les fadettes (registre téléphonique) qui le prouvent. Il y a un mensonge et nous allons le prouver », ont commenté les avocats.

L’audition prévue du témoin sous X, ce mardi à 14 heures, semble déjà déterminante dans cette affaire. Car en dehors de ce témoignage, le dossier n’est pas bien épais. Il n’y a, en effet, « aucune » preuve matérielle de l’inculpation de Kamel Meziani dans ce dossier, a concédé l’enquêtrice. A l’âge de 38 ans, celui qui est présenté comme un « éminent narco trafiquant » marseillais n’en a, quoi qu’il advienne lors de ce procès, pas fini avec la justice. Il est également mis en examen dans un autre double meurtre qu’il est accusé d’avoir commis en août 2021.