Maudits pollensQu’est-ce que l’asthme d’orage, cette crise allergique due aux intempéries ?

Vigilance orange : Qu’est-ce que l’asthme d’orage, cette crise allergique due aux intempéries ?

Maudits pollensLes épisodes orageux de juin ont provoqué une hausse des passages aux urgences pour détresse respiratoire
Les épisodes orageux font exploser les pollens et les rendent encore plus allergisants.
Les épisodes orageux font exploser les pollens et les rendent encore plus allergisants. - CATERS/SIPA / SIPA
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Mi-juin, de violents orages ont éclaté dans l’Hexagone, provoquant une hausse des hospitalisations pour des cas de détresse respiratoire.
  • Lundi 19 juin, 13 départements étaient en vigilance orange, et le temps est resté instable le lendemain.
  • Alors qu'a lieu la Semaine mondiale de l’allergie, 20 Minutes s’intéresse à l’asthme d’orage, où comment les épisodes orageux ont pour effet secondaire de causer des réactions exacerbées chez certaines personnes allergiques aux pollens.

EDIT : Alors que de nombreux départements ont été placés en vigilance orange aux orages, ce mardi 11 juillet, nous vous proposons de relire notre article publié mi-juin, lors d'un épisode similaire.

Ca va tonner, et ça va tousser. Après un week-end émaillé de nombreux épisodes orageux, treize départements allant du Centre-Val-de-Loire à la Bourgogne, de la Champagne et à la Lorraine, restaient en vigilance orange lundi 19 juin pour des orages pouvant être violents, localement accompagnés de grêle et de fortes rafales de vent jusqu’à 80/90 km/h, voire très localement 100 km/h. Une météo instable toujours au programme le lendemain, avec une nouvelle dégradation orageuse qui a concerné une grande partie du pays, prévoit Météo-France.

Phénomène concomitant aux orages du week-end, une hausse des passages aux urgences pour détresse respiratoire a été observée. Nombre de patients ont été pris en charge pour des crises d’asthme sévères, en lien direct avec la météo. Ils ont été pris de ce que l’on appelle « l’asthme d’orage ». Kézako ? 20 Minutes vous explique.

Des « bombes de pollens »

Sur le site du Réseau national de surveillance des risques aérobiologiques (RNSA), la toute dernière carte du risque allergique dans l’Hexagone est majoritairement parée de rouge. « Le risque d’allergie sera moyen à élevé pour les pollens de graminées qui restent bien présents sur toute la France pour gêner les allergiques à la faveur d’un temps chaud et ensoleillé ». Rien d’inhabituel en cette période estivale.

« Ce qui est problématique en revanche, c’est que nous sommes dans une longue période chargée de pollens, sans répit depuis l’arrivée des pollens de bouleau en décembre, souligne Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l’Inserm et épidémiologiste des maladies allergiques et respiratoires. Pour faire le parallèle avec un autre phénomène météorologique – les bombes d’eau, nous sommes soumis à des bombes de pollens, présents sur une longue durée et en grande quantité. La combinaison de ce phénomène avec cette météo spéciale, marquée par des chaleurs intenses et des épisodes orageux, fait naître le risque d’asthme d’orage ».

La tempête avant le calme

« Il est possible que les allergiques soient gênés au début de certains gros orages car la concentration de pollens augmenterait rapidement près du sol avec les forts vents descendants qui amènent les pollens de graminées des couches d’air supérieures vers les couches d’air proches du sol, confirme le RNSA. Puis, les nombreux orages qui traverseront le pays s’accompagneront de fortes averses de pluie qui viendront donner un peu de répit aux allergiques en venant plaquer les pollens au sol ». Mais avant de savourer le retour au calme, les allergiques risquent d’abord de souffrir du vent de tempête qui précède l’orage. En pratique, « avant qu’il ne pleuve, le début d’un épisode orageux se manifeste par de fortes bourrasques, explique Isabella Annesi-Maesano. La pression de l’air change, des tourbillons se forment, et le vent qui s’intensifie va brasser les pollens qui, avec la forte humidité de l’air, vont se gorger d’eau ».

Mais par quels mécanismes l’orage peut-il rendre les pollens plus virulents ? « Les bombes de pollens se fragmentent : en se gorgeant d’eau, les pollens explosent, la membrane externe du grain de pollen - l’exine - s’ouvre et libère des particules submicroniques contenant davantage d’allergènes, détaille l’épidémiologiste. Puis tout retombe. Or, contrairement aux pollens classiques qui s’arrêtent au niveau du nez, affectent la muqueuse nasale et donnent lieu à la rhinite, ou rhume des foins, en cas de terrain allergique, si elles sont inhalées, ces particules submicroniques pénètrent profondément dans l’arbre bronchique et peuvent déclencher une crise d’asthme d’orage très virulente ».

« Cela doit faire peur »

Et « si beaucoup semblent découvrir ce phénomène, l’asthme d’orage n’est pas un phénomène nouveau : il est décrit par d’autres pays depuis une vingtaine d’années, notamment au Royaume-Uni ou en Italie, ajoute Isabella Annesi-Maesano. Et fin 2016, durant le printemps austral, il y a eu un épisode d’asthme d’orage massif à Melbourne, en Australie, au cours duquel 9.000 personnes se sont rendues aux urgences, et 9 ont perdu la vie. Ce week-end, notamment en Ile-de-France, on a observé en même temps que les violents orages un pic de passage aux urgences pour des cas de détresse respiratoire ».

Et « si jusqu’à présent, ces crises d’asthme d’orage touchaient des personnes ayant un terrain allergique, la nouveauté qu’on observe en France, c’est que cela affecte désormais aussi des personnes ayant un asthme bien contrôlé, suivies par un médecin et sous traitement, s’inquiète l’épidémiologiste. On voit des patients asthmatiques, non seulement atteints de rhinite, qui, en raison de l’excès de pollen et de particules submicroniques dues à l’orage, ont fait une crise. L’organisme n’arrive plus à gérer. Or, quand on sait que les épisodes orageux augmentent avec le réchauffement climatique, cela doit faire peur ».