exploitCinq traileurs (et mutants) sont venus à bout de la Chartreuse Terminorum

Ultra-trail : Incroyable première, cinq mutants sont venus à bout de la Chartreuse Terminorum en moins de 80 heures

exploitAlors que la course de 300 km et 25.000 m de dénivelé positif ne comptait aucun finisher depuis son lancement en 2017 à Saint-Pierre-de-Chartreuse (Isère), ils sont cinq à l’avoir finie ce lundi
Le Vauclusien Sébastien Raichon restera le premier finisher de l'histoire de la Chartreuse Terminorum, qu'il a bouclée en 71h26, ce lundi matin à Saint-Pierre-de-Chartreuse (Isère).
Le Vauclusien Sébastien Raichon restera le premier finisher de l'histoire de la Chartreuse Terminorum, qu'il a bouclée en 71h26, ce lundi matin à Saint-Pierre-de-Chartreuse (Isère). - Chartreuse Terminorum / Chartreuse Terminorum
Jérémy Laugier

Jérémy Laugier

L'essentiel

  • Incroyable course d’ultra-trail, sans le moindre balisage ni recours au GPS, la Chartreuse Terminorum fait office depuis 2017 de « Barkley à la française », avec ses 300 km et ses 25.000 m de dénivelé positif.
  • Quarante coureurs ont tenté, depuis vendredi matin à Saint-Pierre-de-Chartreuse (Isère), de devenir les premiers à finir les cinq boucles de 60 km.
  • Contre toute attente, cinq athlètes amateurs sont parvenus à entrer dans l’histoire de la course, qui a été remportée par l’impressionnant Sébastien Raichon, arrivé avec plus de 8h30 d’avance sur la barrière horaire de 80 heures.

En une seule édition, la course d’ultra-trail impossible à boucler depuis 2017 s’est trouvé pas moins de cinq héros ce lundi. Avec ses 300 km et 25.000 m de dénivelé positif à braver en moins de 80 heures, le tout sans le moindre balisage ni recours au GPS, la Chartreuse Terminorum avait pourtant tout du casse-tête insoluble pour les 40 participants annuels. Mais « la Barkley à la française », sur laquelle personne n’avait jusque-là su finir ne serait-ce que quatre des cinq boucles (de 60 km donc), a officiellement changé de statut : elle est humainement faisable. Parti du camping de fortune de Saint-Pierre-de-Chartreuse (Isère) à 4h48 vendredi avec lampe frontale, carte et boussole, Sébastien Raichon est arrivé en grand vainqueur à 4h14 ce lundi, soit 71h26 d’efforts, entrecoupées de rares microsiestes.

Une vingtaine de personnes étaient là pour accueillir cet athlète amateur, dont le nom restera à tout jamais dans l’histoire du jeune ultra isérois. Le vainqueur du monstrueux Tor des Glaciers (450 km balisés et 32.000 m de D +) en septembre 2022, dont le profil n’avait pas été retenu par Lazarus Lake pour participer en mars à la Barkley (200 km et 20.000 m de D + dans le Tennessee), n’avait pas perdu son sens de l’humour au moment de rejoindre le camp de base de la possible course d’ultra la plus dure au monde. « Je suis désolé d’arriver à une heure pareille, s’est-il marré, comme le raconte Le Dauphiné Libéré. Ça va tout le monde, vous n’êtes pas trop endormis là ? Je vais vous raconter une petite blague à la limite. »


Mickaël Berthon, Benoît Bachelet, Albert Herrero Casas, Nicolas Moyroud et Sébastien Raichon ont tous passé trois jours et trois nuits dans la forêt d’exception de la Grande Chartreuse depuis vendredi matin.
Mickaël Berthon, Benoît Bachelet, Albert Herrero Casas, Nicolas Moyroud et Sébastien Raichon ont tous passé trois jours et trois nuits dans la forêt d’exception de la Grande Chartreuse depuis vendredi matin. - Chartreuse Terminorum

« Plus de huit heures de marge, c’est beaucoup »

C’est l’histoire d’un professeur d’EPS vauclusien de 51 ans qui savait qu’il allait réussir l’impossible, et ce dès sa première participation à la Chartreuse Terminorum : « Je pensais bien pouvoir finir cette course mais ce n’était pas si facile quand même. Je n’étais pas du tout dans la forme de ma vie, je l’ai fait au mental. Mon corps a tellement l’habitude de faire des trucs comme ça que même si je ne suis pas au top, ça passe ». Et comment, puisqu’il est arrivé avec plus de 8h30 d’avance sur la barrière horaire fixée à 80 heures.

« Il faudra soit plus de passages techniques pour rendre cette Terminorum vraiment plus compliquée, soit que la course soit plus longue, a confié Sébastien Raichon à l’organisation de la course après son arrivée. Car là, dans des conditions sèches et pas trop chaudes, il y avait de la marge. Plus de huit heures de marge, c’est beaucoup, et je ne pense pas être le seul à pouvoir faire ça. Aux organisateurs de voir ce qu’ils veulent faire de leur course, car je ne sais pas si c’est bien pour la Terminorum de pouvoir avoir cinq finishers chaque année. » »

Car si Sébastien Raichon s’est envolé seul devant, il a été rejoint dans le désormais cercle des finishers de l’épreuve environ 4h30 plus tard par Mickaël Berthon (35 ans). Accompagnateur de moyenne montagne isérois installé depuis quelques mois à Saint-Pierre-de-Chartreuse, celui-ci rêvait de finir sa « course d’une vie », pour sa quatrième participation. Les yeux brillants, il a longuement embrassé la symbolique roche située à l’arrivée de la Chartreuse Terminorum.


Mickaël Berthon (35 ans) s'est classé en deuxième position, ce lundi lors d'une Chartreuse Terminorum qu'il tentait pour la quatrième fois.
Mickaël Berthon (35 ans) s'est classé en deuxième position, ce lundi lors d'une Chartreuse Terminorum qu'il tentait pour la quatrième fois. - Chartreuse Terminorum

Benoît Bachelet ne croyait pas du tout en son exploit avant le départ

Le Catalan Albert Herrero Casas et le Grenoblois Benoît Bachelet, qui avaient tout comme Mickaël Berthon fini trois boucles de l’épreuve en 2022, ont suivi, tout comme Nicolas Moyroud, dernier finisher arrivé avec deux heures d’avance sur la barrière horaire. Pas d’Aurélien Sanchez donc, puisque le héros français de la Barkley 2023 a abandonné après trois tours et 9 livres récupérés sur 15 (une pratique là aussi calquée sur la mythique course américaine) dans la quatrième boucle.

Ancien hockeyeur professionnel des Brûleurs de loups et de l’équipe de France, Benoît Bachelet (48 ans) nous confiait avant le départ : « Je suis conscient de mes capacités et je fais partie de ceux qui ne croient pas qu’il soit possible de finir cette course ». Il a su se convaincre du contraire, durant trois jours et trois nuits. Mais comment a-t-on pu passer d’aucune édition à quatre boucles validées à cet impensable millésime 2023 avec cinq finishers, plus le record d’Alice Juramy, première femme depuis 2017 à finir deux boucles (120 km) ?


Une météo parfaite et « un élan collectif »

« Ils ont su profiter de conditions météo excessivement bonnes, puisque nous n’avons pas subi le moindre orage ou la moindre averse, explique l’organisateur Benoît Laval. Nous avions par exemple déjà eu droit à une édition avec 25 cm de boue par endroits. A l’image de Sébastien Raichon, qui nous a quand même bluffés, on voit que ces coureurs de très haut niveau étaient parfaitement préparés. » Pour le fondateur de l’équipementier sportif Raidlight, il y a aussi eu « un élan collectif » : « Quand on est épuisé au bout de trois boucles, mais qu’on apprend que d’autres sont cette fois repartis sur un quatrième tour, ça pousse à aller tester encore davantage ses limites ».

Et à finalement avoir son nom gravé, quelques dizaines d’heures plus tard, sur un trophée en bois. Jamais édité depuis 2017, ce dernier n’a été fabriqué par un artisan de Saint-Pierre-de-Chartreuse… que dimanche après-midi. « J’ai compris que le moment était venu, qu’il y aurait des finishers cette année, sourit Benoît Laval. Ça correspond à l’état d’esprit de cette course de ne rien offrir d’autre qu’une entrée dans l’histoire de la Chartreuse Terminorum. Je suis très content car le but n’a jamais été de créer une course impossible, mais une course aux frontières du possible. A nous de réfléchir maintenant à la rendre un peu plus dure pour l’année prochaine… »