REPORTAGEDeux ans après la visite de Macron à Bassens, l’amertume

Macron à Marseille : « Il n’a pas de parole »… Deux ans après sa visite, l’amertume des habitants de la cité Bassens

REPORTAGELe président de la République, qui revient lundi à Marseille, s’était fait plaisir avec un bain de foule dans la cité Bassens où il avait également passé deux heures en tête-à-tête avec des habitants et des acteurs associatifs
Emmanuel Macron, à la cité Bassens de Marseille lors de sa visite de 2021. De mémoire d'habitants, on n'avait jamais vu autant de costume-cravate en même temps à la cité.
Emmanuel Macron, à la cité Bassens de Marseille lors de sa visite de 2021. De mémoire d'habitants, on n'avait jamais vu autant de costume-cravate en même temps à la cité. - Alexandre Vella / 20 Minutes / 20 Minutes
Alexandre Vella

Alexandre Vella

L'essentiel

  • Emmanuel Macron est attendu ce lundi à Marseille pour une visite de trois jours.
  • Il présentera en quelque sorte l’acte II du plan « Marseille en grand ».
  • En 2021, lors du premier volet, il s’était rendu à la cité Bassens, dans les quartiers nord, laissant un souvenir amer.

Depuis deux ans, le local associatif n’a pas changé. On y trouve les mêmes canapés marocains, la même table basse, les mêmes pâtisseries. Mais ce mercredi 21 juin, celles-ci sont pour les habitants de Bassens, une cité déshéritée des quartiers nord de Marseille, qui y préparent une fête des voisins. Car c’est dans ce même local associatif des « femmes de Bassens » qu’Emmanuel Macron, attendu pour trois jours à Marseille ce lundi, était venu s’asseoir en septembre 2021 pour un échange à huis clos de deux heures avec une dizaine d’habitants et d’acteurs associatifs de la cité avant un bain de foule qui avait donné quelques sueurs froides à ses agents de sécurité.



« La même merde »

« Il est venu chez nous, on l’a bien reçu. Il nous a dit : ''Je vous inviterai à l’Elysée et vous y verrez accroché le tableau que vous venez de m’offrir.'' Mais en fait non. », rembobine, amer Nanou, directrice de l’association. Le président de la République avait pris le temps d’écouter les multiples inquiétudes des habitants pris entre enclavement, trafic de stupéfiants, enclavements et absence de mixité sociale et de répondre à leurs nombreuses attentes en matière de logement, de manques d’activités et de transport.

Et si Emmanuel Macron a bien mis les milliards sur la table avec son « plan Marseille en grand », notamment pour les écoles et les tramways, vue de Bassens, « rien n’a changé ». « Ça reste la même merde », observe un client de l’alimentation générale, le seul commerce de la cité. Plus grave, il a déçu les habitants en n’honorant pas sa promesse d’invitation. « Il n’a pas de parole. C’est pire encore que de manquer de respect », enfonce Nanou. Pourtant, les femmes de l’association ont bien tenté d’entretenir la flamme. « Au printemps 2022, j’ai envoyé un mail à la présidence de la République pour lui rappeler ça. Ça m’a pris comme ça, un matin. J’ai reçu un mail de refus. J’ai recommencé ce printemps et là j’ai reçu un mail de refus et un courrier expliquant que son agenda ne le lui permettait pas », raconte Samira, qui conclut : « Alors, on comprend, hein, que c’est le président et qu’il est hyperoccupé. Mais il ne faut pas promettre des choses qu’on ne fera pas ou au moins déléguer à un secrétaire ou quoi. » « Pourtant on y avait cru, on ne va pas mentir. C’était la première fois qu’un homme d’Etat venait dans le quartier », regrette Nanou.



Sur le square de la cité, des animateurs de quartiers donnent aux enfants une initiation à la boxe sur un ring improvisé avec une poignée de plots plastiques qui servent également aux entraînements de foot. L’association a loué pour cette fête des voisins qui intronise l’été un « ventriglisse », un jeu d’eau en structure gonflable installée sur le petit et vétuste city stade. Dans la cité et le long de la route s’entassent pneus, encombrants, cadavres de voitures et autres déchets en tous genres. Le dernier grand ménage remonte au déplacement présidentiel. « Finalement, c’est la seule chose bénéfique. Depuis, walou, nada », exprime Farida. « Si, on a les CRS plus souvent », corrige-t-elle. « Et parfois, ils mettent des amendes pour défaut d’assurance… »

A l’orée d’une nouvelle visite présidentielle de trois jours à Marseille qui ne prévoit, vraisemblablement, pas de séquence « retour à Bassens », ce ressentiment est partagé par toutes les personnes rencontrées qui étaient présentes pour l’échange à huis clos : « On m’a pris pour un imbécile », apprécie pour sa part Nasser, un jeune habitant de Bassens de 24 ans qui dénote par un parcours singulier et éclectique, entre ses activités de jockey professionnel, d’acteur et de musicien. « Emmanuel Macron m’a serré la main et m’a dit, dans les yeux qu’il m’inviterait. » Mais Nasser, amer également, ne désespère pas : « L’amertume c’est bien. Ça permet de se souvenir. Et soit on gagne, soit on apprend. » Et il continue à se battre contre la violence des narcotrafics en ayant notamment fait partie de la délégation qui est montée au parlement en mai dernier interpeller députés et sénateurs. Depuis le début de l’année 2022, il y a eu 55 règlements de comptes et autant de mères qui ont perdu leurs fils.

Pour l’heure, le programme précis de cette seconde visite présidentielle du plan « Marseille en grand » n’est pas connu. Mais il se murmure qu’une séquence dans la cité de La Busserine est prévue : « En tout cas, s’il avait voulu revenir je lui aurai dit : ''C’est même pas la peine.'' On va voir s’il va à La Busserine faire le même cirque quel accueil il aura, mais qu’il ne compte pas sur nous », conclut Nanou.