PROCES« J’ai merdé totalement », lance le dentiste Guedj face à ses victimes

Marseille : Face à ses victimes, l'ex-dentiste Lionel Guedj reconnait avoir « merdé totalement »

PROCESEn cette dernière ligne droite de son procès en appel, Lionel Guedj, ancien dentiste marseillais accusé de mutilations dentaires, a tenté de plaider les blessures involontaires après avoir reconnu avoir dévitalisé des dents saines
Lionel Guedj devant le tribunal, lors de l'ouverture du procès de ce dentiste à Marseille en première instance
Lionel Guedj devant le tribunal, lors de l'ouverture du procès de ce dentiste à Marseille en première instance - Nicolas TUCAT / AFP / AFP
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Lionel Guedj, ex-dentiste marseillais, est poursuivi aux côtés de son père pour avoir mutilé des centaines de patients. Ce procès en appel doit se poursuivre jusqu'au 30 juin.
  • Condomané en septembre à huit ans de prison, Lionel Guedj avait promis à ses patients des «sourires de star». Mais certains ont vu leurs bouches complètement édentées, sans aucun motif médical, avec des séquelles à vie.
  • Depuis l’ouverture du procès en appel en mai dernier, le mea culpa est pour l'ex-denstiste difficile. Lionel Guedj se montre au contraire agressif, remettant en cause les expertises. Mais ce jeudi, lors de son interrogatoire, l'ancien dentiste le plus riche de France a reconnu avoir « merdé totalement ».

Soudain, la phrase est lâchée. Depuis plusieurs minutes déjà, l’ancien dentiste des quartiers nord Lionel Guedj échange à bâtons rompus avec l’avocat général de la cour d’appel, depuis son box, dans la Caserne du Muy de Marseille. Le praticien a été condamné en première instance à huit ans de prison ferme pour avoir mutilé plus de 300 de ses anciens patients en dévitalisant des dents saines de manière injustifiée. Et depuis l’ouverture du procès en mai dernier, le mea culpa est pour lui difficile. Lionel Guedj se montre au contraire agressif, remettant en cause les expertises, et accusant les victimes de mensonges. Interrogé à maintes reprises les semaines précédentes sur la cause de ces dévitalisations, l’ancien dentiste plaide l’oubli, quand il ne défend pas son choix, pied à pied.

Et après des jours consacrés à l’audition des nombreuses victimes, l’heure est venue, cruciale, de l’interrogatoire de Lionel Guedj. En début d’audience, son avocat lui chuchote à l’oreille ce qui semble être le discours à tenir. Lionel Guedj écoute attentivement, hoche la tête, prend des notes sur ce calepin qui ne le quitte pas. Puis la longue journée s’écoule lentement quand, soudain, la question est posée par l’avocat général. « Avez-vous dévitalisé des dents saines ? » demande Patrice Ollivier-Maurel. « Par erreur, oui, peut-être », lance Lionel Guedj. Des victimes s’exclament face à ce qui sonne comme un premier aveu : « j’étais plus direct dans la thérapeutique. C’est une erreur thérapeutique. »

« Je suis allé beaucoup trop vite »

L’ancien dentiste, qui tente de plaider les blessures involontaires, poursuit d’une voix chevrotante, en fixant son avocat : « les erreurs ont été aggravées par la rapidité qu’il y a eue et l’enchaînement des patients. C’est ma faute. Je voulais donner un rendez-vous en moins une semaine. Je ne voulais pas que le client attende. » L’ancien dentiste le plus riche de France, qui confond à plusieurs reprises dans ses déclarations les termes « client » et « patient », pouvait recevoir jusqu’à 70 personnes par jour dans son cabinet. Il est accusé de leur avoir systématiquement proposé le même plan de traitement : la pose massive de prothèses, très rémunératrices, à un rythme effréné. Un succès qui lui aurait monté à la tête, tente-t-il d’expliquer à la cour.


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« Je pense… Je suis certain que je suis allé beaucoup trop vite dans l’étude de chaque cas. L’examen clinique a été bâclé. Si j’avais pris le temps de faire les choses, on aurait pu essayer d’autres thérapeutiques pour essayer de soigner. » Et d’insister un peu plus tard : « Je reconnais que c’était des bêtises. Pris dans ce système, j’ai merdé totalement. »

« C’est aussi de la fierté mal placée »

« Après ça, si vous voulez, c’est aussi de l’orgueil, de la fierté mal placée, poursuit Lionel Guedj. Je me sentais capable. A l’époque, j’avais un côté surhumain. Je me dis que je vais arriver à tout gérer, je vais arriver à tout contrôler. » Un sentiment de toute-puissance nourri selon lui par sa rémission d’un lymphome de Hodgkins. Alors qu’il ouvre son cabinet à l’âge de 25 ans, Lionel Guedj est diagnostiqué de cette forme de cancer, à un stade très avancé. Il jongle alors pendant des mois entre son cabinet, qu’il ne cesse pas, et les chimiothérapies, avant de s’en sortir. Et à l’écouter, lorsque sa mise en examen intervient, Lionel Guedj se serait ensuite enfoncé dans une théorie du complot, à base de jalousie de son entourage et de mensonges en cascade de ses patients. « En disant que tout le monde m’en voulait, c’était une façon de masquer la réalité à moi-même », explique-t-il, en réponse à une question de son avocat sur ce point.


notre dossier sur l'affaire lionel guedj

« J’ai l’impression qu’on a un petit peu avancé, monsieur Guedj, même si ce n’est pas un grand pas, se félicite l’avocat général. La prochaine fois que je prendrais la parole, ce sera pour les réquisitions. Donc, s’il n’y a plus de complot, le bidouillage de radios, c’est vous ? » Les enquêteurs ont retrouvé dans le cabinet du dentiste des radios grossièrement falsifiées de certains patients de Lionel Guedj qui, à ce moment-là, est dans le viseur de la Sécurité sociale pour ses pratiques. Et depuis le début de l’enquête, Lionel Guedj nie avoir falsifié des radios, accusant plutôt son ancien associé ou ses secrétaires : « non ! Le complot, on le voit bien dans ce dossier, où il y a des anomalies importantes ! » Le visage de l’avocat de Lionel Guedj, Me Julien Pinelli, se crispe.

Le procès doit durer jusqu’au 30 juin prochain.

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