reportageAu salon du Bourget, l’avion reprend ses airs de rock star

Aviation : « Magique », « dingue », « iconique » … Au salon du Bourget, l’avion reprend ses allures de rock star

reportageLe salon du Bourget, temple de l’aviation, a rouvert ses portes au public ce vendredi, après quatre ans d’absence. Ici, l'avion ressemble plus à une star mondiale qu'à un moyen de transport, transformant le public en fans adolescents
L'A380, dont les vols sont quasiment à l'arrêt, reste l'une des attractions phares du salon du Bourget
L'A380, dont les vols sont quasiment à l'arrêt, reste l'une des attractions phares du salon du Bourget - JLD/20 Minutes / JLD/20 Minutes
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Après quatre ans d’absence, la faute au coronavirus, le salon du Bourget, qui réunit l’élite de l’aviation mondiale, rouvre ses portes au public ce week-end.
  • Dès ce vendredi, les visiteurs se sont pressés en masse pour revoir ces géants des airs, véritables stars mondiales dont le public cite les noms, les exploits et vantent la grandeur. Ici, on ne rêve pas d'avion, on en est fan.
  • 180.000 visiteurs sont attendus sur les trois jours ouvert à la foule, dans un Bourget qui ressemble au Stade de France un soir de concert de Coldplay.

Au salon du Bourget,

Oubliez l’évidence. Oui, bien sûr, depuis qu’il regarde le ciel, l’homme rêve de voler : Icare, Leonard de Vinci, et même « l’enfant aux yeux de lumières qui voit passer au loin les oiseaux », pour reprendre notre dernière victoire à l’Eurovision. Mais au salon du Bourget, qui rouvre ses portes au public après quatre ans d’arrêt, l’avion est moins un rêve qu’une véritable rock star. Et les yeux du public sont davantage teintés de la fascination d’un ado qui croiserait son chanteur favori que de la candeur d’un marmot. Ici, le Rafale se la joue Miley Cyrus, l'A380 a des airs d’Harry Styles, et le show de la patrouille de France est plus attendu que celui de BTS.

La filiation commence dès la gare du Bourget, où le RER dégueule sans cesse de nouvelles hordes de fans, pressés de rencontrer leurs idoles. On est plus proche du concert que du simple salon d’exposition.


Les avions civils fascinent ici autant que les avions militaires
Les avions civils fascinent ici autant que les avions militaires - JLD/20 Minutes

Pour voir toutes ces vedettes, certains sont prêts à mettre le prix - et à faire des kilomètres. Michel est descendu de Belgique pour l’occasion. « Cadeau de ma femme pour mes 60 ans », sourit-il en la zieutant d’un œil ému par cette attention. Mais gaffe à la larme à l’œil, car l’homme est décidé à rentabiliser le séjour en ouvrant bien ses mirettes. « Je veux tout voir ! », ne cesse-t-il de s’enflammer.

Il a déjà le regard qui pétille en bulles de champagne « juste » après une photo avec la mascotte officielle du salon, alors imaginez lorsqu’il va croiser sa superstar favorite : le Rafale - sa casquette à l’effigie de l’avion de chasse était un bon indice. « Depuis tout petit, je suis fasciné par les avions militaires. Les voir en vrai, assister à un meeting aérien en tribune, c’est dingue… ».

Plus « Top Gun Maverick » que Greta Thunberg

Au Bourget, l’aviation semble à des années-lumière de la crise du Covid-19 et de la crise existentielle qu’elle traverse pour son bilan écologique - un Paris-New York aller-retour représente 1,75 tonne de CO2, soit la quasi-totalité des émissions annuelles auxquelles un Français devrait se limiter pour respecter les objectifs climatiques. Une remise en cause qui s’oublie vite sur le tarmac, devant le spectacle des bolides fendant le ciel. « Ce n’est pas pour des trains qu’on verrait autant de monde », nargue Jérémie, la réplique incisive pour ne pas laisser à son hot-dog le temps de refroidir. Et pour ce qui est du réchauffement de la planète, « trouvez moi un autre moyen d’aller en Tunisie en deux heures, et O.K., j’arrêterai de prendre l’avion ».


Heureux comme Michel qui a fait bon voyage
Heureux comme Michel qui a fait bon voyage - JLD/20 Minutes

Cet attrait pour les géants des cieux s’exporte d'ailleurs bien au-delà du Bourget. Le trafic aérien a repris son rythme préCovid, et Boeing tout comme Airbus tablent sur un doublement de la flotte mondiale d’ici à vingt ans. Et s’il y a bien des stands vantant les efforts écologiques à venir, ou l’avion « vert » du futur, ils attirent moins les foules que les bons vieux monstres de kérosène. Ici, personne ne veut écorner les stars de son adolescence.

« Té-ma la taille des ailes »

Car ce n’est pas tous les jours qu’on peut pique-niquer à l’ombre d’une aile d’Airbus, découvrir les vieux coucous de la Seconde Guerre mondiale ou s’engueuler au téléphone dans un dialogue presque surréaliste :

« - Non, on n’avait pas dit qu’on se retrouvait devant le Mirage mais devant le Rafale ! Je t’attends ! » »


Audrey se rend chaque année au salon du Bourget, notamment pour l'une de ses stars : le Rafale.
Audrey se rend chaque année au salon du Bourget, notamment pour l'une de ses stars : le Rafale. - JLD/20 Minutes

Même lorsque les monstres aériens ne sont pas en démo et restent solidement cloués au sol, ils suscitent des commentaires extatiques. « Té-ma la taille des ailes », « on peut visiter ? », « c’est un vrai A-380, c’est immense !!! ». Audrey profite d’habiter l’Ile-de-France pour venir à chaque fois que le salon s’ouvre, sans se lasser. « Se dire que ces monstres pesant plusieurs tonnes arrivent à décoller et à voler, c’est magique. Et puis l’idée d’être dans le ciel… Comment s’en lasser ? », interroge-t-elle dans un sourire.

Le ciel bleu éclatant lui permet autant de mieux admirer les mythes en fer et en os que d’enfourner ses lunettes de soleil à la Top Gun. Et tant qu’on est dans le classique, ses avions favoris : l’A-380 « qui hélas ne vole plus beaucoup », le boeing 747, « la reine des avions », Madonna version géante des cieux, et le Rafale, « bijou de technologie » et star incontestée du salon. L’attente pour tester le simulateur de vol de l’avion de chasse est plus longue qu'au Space Mountain à Disneyland. Quant aux vrais avions, exposés au stand Dassaut, les vigiles ne cessent de crever le cœur des fans en annonçant « qu’on ne peut rentrer à l’intérieur que sur invitation officielle ».

Et maintenant, l'Espace

« Si j’avais du refaire ma vie, que je n’avais pas été flic, j’aurais été pilote de chasse », confie Fabrice, 47 ans. C’est sa première au Bourget : « je n’avais jamais pu y aller et je trouvais ça dommage ». Et malgré le tarif de la bière et du hot-dog - 20 balles tout de même -, le policier qui rêvait des cieux est « épaté, notamment par la qualité d’usinage des pièces dans les entrepôts. C’est un travail impressionnant ». Ici, tout fascine, même les détails.


Un gros avion de plus pour la satisfaction de la foule
Un gros avion de plus pour la satisfaction de la foule - JLD/20 Minutes

Preuve en est, 180.000 visiteurs sont attendus sur l’ensemble du week-end. Les salles de classe ne se sont pas trompées non plus, et des hordes d'enfants accompagnées de professeurs bien patients affluent sur le tarmac. « On ne verra pas Thomas Pesquet ? », s’exclame un élève, particulièrement déçu. Au salon du Bourget, le ciel fascine toujours autant. Mais face aux désirs toujours plus grands des hommes - et des enfants -, il ne suffit presque plus.