PROCESLes parties civiles étrillent les « sérial fraiseurs frénétiques » Guedj

Marseille : Les dentistes Guedj « sérial fraiseurs frénétiques » étrillés par les avocats des parties civiles

PROCESCe vendredi était marqué par le début des plaidoiries des parties civiles dans le procès en appel de Lionel et Jean-Claude Guedj
Lionel et Jean-Claude Guedj en 2022
Lionel et Jean-Claude Guedj en 2022  - Christophe Simon / AFP / AFP
Mathilde Ceilles

Mathilde Ceilles

L'essentiel

  • Ce vendredi était marqué par le début des plaidoiries des parties civiles au procès en appel de Lionel et Jean-Claude Guedj, deux dentistes accusés de mutilation dentaire dans leur cabinet des quartiers Nord de Marseille.
  • Les avocats ont rapporté le calvaire des victimes, dans l’impossibilité de se réparer dans une procédure qui dure depuis déjà une décennie.
  • Ils ont aussi fustigé l’attitude de Lionel Guedj dans ce procès, l’accusant d’avoir feint des problèmes de santé en début d’audience.

A la barre de la cour d’appel, Me Mattei vient pousser un « cri de désespoir, un appel au secours ». Celui de ses trois clients, patients de Lionel Guedj, l’ancien dentiste le plus riche de France accusé de mutilations dentaires dans son cabinet des quartiers Nord de 2006 à 2012. Ce vendredi marquait le début des plaidoiries des parties civiles dans ce procès hors norme, dans lequel plus de 300 victimes ont poursuivi en justice leur praticien. L’une de ses clientes, âgée aujourd’hui de 65 ans, est une « phobique du dentiste ». Quand elle consulte Lionel Guedj, conseillée par des voisins, elle est « désespérée », selon son avocate. « A l’époque, il lui restait 17 dents, dont deux atteintes de carie, résume Me Mattei. Il lui a dévitalisé 16 dents. Et depuis, c’est un enfer quotidien. Depuis, c’est des antibiotiques tous les mois. »

Les uns après les autres, les nombreux avocats des parties civiles rapportent la souffrance de leurs clients, édentés, dont la santé a été sacrifiée par cet ancien dentiste « sur l’autel de la cupidité ». Son père Jean-Claude a aussi été condamné en première instance, accusé d’avoir agi comme son fils à ses côtés. En dévitalisant des dents saines et posant des prothèses très rémunératrices à la chaîne, jusqu’à 70 patients par jour, Lionel Guedj était parvenu à engendrer un chiffre d’affaires colossal, lui permettant de se constituer un patrimoine estimé à plus de 12 millions d’euros.

Un dentiste « malade imaginaire »

« Il y a une trahison de toute une profession, ajoute Me Marc Ceccaldi, avocat de 57 victimes. Le serment d’Hippocrate dit de ne pas résister à la soif de gain. Et, eux ils ont fait plus odieux. Ils ont non seulement pas résisté à la soif de gain, mais ils sont des serial fraiseurs frénétiques. » Rien que pour les victimes dont l’avocat représente les intérêts, Lionel Guedj aurait dévitalisé 580 dents. « C’est ce qui correspond à 20 bouches, calcule Me Ceccaldi. C’est vertigineux. »

Face à cela, Lionel Guedj est accusé par l’avocat d’avoir d’abord joué les « Molières ». A l’ouverture de son procès en appel, Lionel Guedj était absent, faisant valoir d’importants problèmes de santé en raison d’un pacemaker défectueux. L’expert médical mandaté par la cour d’appel a conclu que le pacemaker… n’existait pas, et que Lionel Guedj était tout à fait en état de comparaître. Lors de sa première apparition dans le box, l’ancien dentiste semblait hébété, marchant avec difficulté.

« C’est le malade imaginaire sans le talent de Molière, s’agace Me Ceccaldi. Il s’est présenté souffreteux dans sa première apparition dans le box, s’excusant des malaises pouvant ponctuer son intervention. Et puis n’est pas Molière qui veut. Le naturel narquois, le naturel arrogant, le naturel accusateur est revenu au galop. » « On a tous compris qu’ils se moquent du monde et qu’ils altèrent la réalité », s’emporte Me Ceccaldi. « C’est très irritant pour les parties civiles qui sont épuisées. »

« Un scandale judiciaire »

La procédure dure en effet depuis plus de dix ans, et beaucoup attendent depuis des années de l’argent pour pouvoir se faire soigner, faisant dire à un autre avocat de parties civiles, Me Anthony Joheir qu’il s’agit là non seulement d’un « scandale sanitaire », mais aussi « d’un scandale judiciaire. »

« Ce procès en appel était prévisible, probablement cynique, parce que c’est rebelote pour ces personnes-là, note Me Louis Saint-Pierre. Mais mes clients ne sont pas venus avec le même message. Il y a plus de colère de devoir repasser par cette case. Et il y a plus d’incompréhension. Il y a plus de déception de voir ce positionnement nouveau affiché par Lionel Guedj, arrivé clopin clopant. »

Et de conclure : « Comme avocat, ce procès a été une leçon d’humilité pour moi. Pendant sept longues années, je n’ai eu aucune solution concrète à proposer à des clients blessés dans leur chair, en difficulté. C’est long sept ans à regarder passer les choses comme ça. Et ce procès m’a heurté comme citoyen et comme personne. Car qui va payer pour les réparations au final ? Ça va être en grande partie la collectivité à travers le fonds de garantie, pour une somme proche de dix millions d’euros de dommages et intérêts. » Le procès durera jusqu’à vendredi prochain.