DROITISATION« Patte-pelu », CV gonflé… Le « JDD » redoute l’arrivée de Geoffroy Lejeune

« Patte-pelu », pro-Zemmour et CV gonflé… Pourquoi le « JDD » redoute l’arrivée de Geoffroy Lejeune

DROITISATIONUn face-à-face est attendu ce mardi entre la rédaction et la direction de Lagardère au sujet de l’arrivée du journaliste d’extrême droite Geoffroy Lejeune à la tête du « JDD »
Geoffroy Lejeune, directeur de redaction du journal « Valeurs actuelles » à la journée du conservatisme à Asnieres-sur-Seine, le 26 septembre 2021.
Geoffroy Lejeune, directeur de redaction du journal « Valeurs actuelles » à la journée du conservatisme à Asnieres-sur-Seine, le 26 septembre 2021. - BUFKENS CEDRIC/SIPA / SIPA
Laure Beaudonnet

Laure Beaudonnet

L'essentiel

  • Lagardère a officialisé vendredi la nomination de Geoffroy Lejeune (ex-Valeurs Actuelles) à la tête de la rédaction du JDD malgré l’opposition quasi unanime de ses salariés « ulcérés », en grève depuis jeudi contre l’arrivée du journaliste d’extrême droite.
  • Dans les colonnes du Figaro, Arnaud Lagardère assure que la nomination de Geoffroy Lejeune, 34 ans, est un choix économique et non idéologique.
  • Un face-à-face est attendu ce mardi entre une rédaction en grève et une direction de Lagardère qui ne semble pas près de plier. A droite de l’extrême droite, le profil de Geoffroy Lejeune fait craindre le pire pour le Journal du dimanche.

«C’est la deuxième fois que le Journal du dimanche ne paraît pas à cause d’une grève », explique un journaliste du JDD, dont la rédaction est mobilisée depuis l’annonce de l’arrivée de Geoffroy Lejeune comme directeur de la rédaction, en remplacement de Jérôme Béglé. Après plusieurs jours d’un mouvement sur fond d’incertitudes, un face-à-face est attendu ce mardi entre une « rédaction résolue » à ne rien lâcher et une direction de Lagardère qui ne semble pas près de plier. « Ça va être assez tendu », anticipe le journaliste.

La nomination de l’ex-directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, magazine d’extrême droite aux idées très conservatrices, coïncide avec la montée en puissance de Vincent Bolloré chez Lagardère depuis plusieurs mois. Jusqu’ici, le JDD avait été plutôt épargné. « C’est Europe 1 et Paris Match qui ont commencé à morfler, on était plutôt à l’abri », explique le même journaliste à 20 Minutes. Même s’il s’en défend, Vincent Bolloré est accusé depuis plusieurs années de placer ses pions de la droite réactionnaire dans les médias qu’il contrôle (C8, CNews, Europe 1, Paris Match et désormais le JDD) pour promouvoir ses opinions. Rappelons que l’absorption par Vivendi de Lagardère a été autorisée par la Commission européenne il y a deux semaines.

Personne ne se souvient de lui au « Point »

Le communiqué de Lagardère publié le 23 juin détaille le CV de Geoffroy Lejeune. « Après avoir commencé sa carrière au Point en 2009, il est recruté par Valeurs Actuelles dont il devient rédacteur en chef du service politique en 2015 avant d’être nommé directeur de la rédaction en 2016 à seulement 27 ans devenant le plus jeune directeur de rédaction française ». Premier problème : Geoffroy Lejeune qui, rappelons-le, a été évincé de Valeurs actuelles pour ses positions jugées trop partisanes (pro-Zemmouriennes) et trop à droite, n’a laissé aucun souvenir à la rédaction du Point. « Il n’y a pas commencé sa carrière, y souffle-t-on à 20 Minutes, il a fait un stage en 2010 », dont il reste seulement une petite brève signée de ses initiales au sujet de Bruno Gollnisch.

Au JDD, Geoffroy Lejeune, ami revendiqué de Marion Maréchal-Le Pen, devrait être accompagné de son ancienne collaboratrice Charlotte d’Ornellas. Cette figure de la droite réactionnaire a démissionné de Valeurs actuelles à l’heure de l’éviction de Geoffroy Lejeune. « Je ne pourrai pas rester dans ce journal, c’est impossible », s’est-elle émue la semaine dernière sur le plateau de L’heure des pros sur CNews, présenté par Pascal Praud, lui-même grand soutien du jeune journaliste proche d’Eric Zemmour.

Le psychanalyste Gérard Miller qui a souvent débattu avec Geoffroy Lejeune sur LCI le décrit comme « un patte-pelu », terme emprunté à la fable Le Chat et le Renard de La Fontaine qui signifie hypocrite. « Ce sont des gens dont la manière d’agir est douce et flatteuse et ils s’en servent à des fins terribles. J’ai débattu avec Lejeune pendant deux ans, c’est un jeune homme aimable, bien élevé à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Il est capable de dire les pires horreurs avec l’apparence de quelqu’un de mesuré », décrit l’ancien chroniqueur de Laurent Ruquier. Et de poursuivre : « J’ai rencontré tous les ténors de l’extrême droite, il est un peu à part. Il fait partie d’une génération de jeunes gens d’extrême droite qui se veulent au second degré, raison pour laquelle il est proche de Gaspard Proust. Ils ne veulent pas se présenter comme ce qu’ils sont, ce sont des militants d’un nouveau look ».

« Des militants d’un nouveau look »

« Geoffroy Lejeune, lui, « a soutenu historiquement la droite très conservatrice avec François-Xavier Bellamy (actuellement vice-président de LR), puis Eric Zemmour d’une manière très forte, donc ce n’est pas un soutien du Rassemblement national », a rappelé le député RN Jean-Philippe Tanguy dimanche sur France Inter. Les rapports étaient notoirement exécrables entre les lepénistes et Valeurs actuelles lors de la dernière campagne présidentielle. Et le tournant pro-Zemmour que Geoffroy Lejeune fera prendre à Valeurs actuelles lors de la dernière présidentielle fera dégringoler le titre. « Entre 2021 et 2022, il a perdu 10 % de ses quelque 100.000 abonnés, la moitié de ses visiteurs en ligne - passant de quatre millions à deux millions –, vu la publicité fondre et le recul de la vente en kiosque », écrit Le Monde.

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Du côté du JDD, voir arriver ce trentenaire qui n’a qu’une ligne sur son CV - celle de Valeurs actuelles - crée la panique. Arnaud Lagardère assure être le seul décisionnaire. Dans une interview au Figaro ce lundi, l’actionnaire du journal a affirmé que la nomination de Geoffroy Lejeune relevait d’un « choix économique et pas du tout idéologique ». Traduction : Vincent Bolloré n’aurait rien à voir là-dedans. En attendant, la grève a été votée et reconduite depuis jeudi et jusqu’à mercredi, à la quasi-unanimité de la rédaction du JDD. « On a deux revendications : l’abandon de cette nomination et la mise en place de l’indépendance juridique de la rédaction », insiste le journaliste. Un droit de véto de la rédaction sur la nomination du directeur de la rédaction comme elle se pratique au Monde. Deux demandes, pour l’heure, écartées par l’actionnaire. Contactés par 20 Minutes, ni la direction de Lagardère, ni Geoffroy Lejeune n’ont donné suite.