INTERVIEWPour vos papiers, allez dans les « titrodrômes », dit la ministre

Titres d'identité : « Allez-y, vous aurez un rendez-vous rapidement », assure la ministre Dominique Faure

INTERVIEWLa ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité fait un point sur l'objectif de réduire à 30 jours l'attente pour refaire ses papiers d'identité
La ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure, le 22 mai 2023.
La ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure, le 22 mai 2023. - T. Samson / AFP / 20 Minutes
Rachel Garrat-Valcarcel

Propos recueillis par Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Attendre pour renouveler ses papiers d'identité, c'est plutôt habituel. Mais depuis deux ans, les délais sont devenus délirants.
  • Alors qu'un premier plan pour y remédier avait été établi en 2022, le problème est toujours là un an plus tard.
  • La ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure, a pris de nouvelles mesures récemment. On fait le point avec elle.

A l’approche des vacances et des examens, comme souvent, les mairies sont débordées par les demandes de renouvellement de titres d’identité. Mais depuis deux ans, les temps d’attente pour un simple rendez-vous sont devenus délirants : 70 jours d’attente en moyenne, parfois plus de 100 jours dans certains secteurs.

Après un premier plan au printemps 2022, les mêmes problèmes sont revenus sur la table au printemps 2023. Un nouveau plan, mené par la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure, a été présenté. Objectif : réduire à 30 jours l’attente avec un rendez-vous d’ici l’été. Dominique Faure fait un point d’étape pour 20 Minutes.

Pourquoi on en est arrivé à de tels délais, là, il y a encore quelques semaines ?

La raison principale, c’est l’augmentation du nombre de demandes de passeports et de cartes nationales d’identité. En 2019, il y en avait 9 millions ; en 2022, 12 millions, et on est actuellement sur un rythme de 14 millions. Au fur et à mesure que l’on se structurait pour absorber cette demande, il y en avait plus ! Voilà pourquoi on a encore redéployé de nombreuses mesures cette année.

Paye-t-on encore le retard pris à cause du Covid-19 ?

Oui, il y a l’effet de ces papiers qui n’ont pas été demandés pendant deux ans, principalement. S’ajoute tout un tas de petits facteurs qui ont contribué à l’augmentation des délais. Davantage de sites Internet demandent des pièces d’identité pour des paiements, par exemple. Avec l’augmentation des fraudes, le niveau de sécurité a été surélevé. Un certain nombre d’administrations demandent aussi des pièces d’identité qu’elles ne demandaient pas avant. Le Brexit est également un facteur, avec le fait que l’on n’avait pas besoin auparavant de passeport pour aller en Angleterre, une pièce d’identité suffisait.

Quelles mesures ont été mises en place ?

Il y en a trois. La première, c’est le déploiement de dispositifs de recueil d’empreintes digitales [les petites machines qui numérisent les empreintes digitales], supplémentaires sur tout le territoire ; nous sommes passés d’environ 4.000 dispositifs à plus de 6.000 en un peu plus d’un an. S’ajoute le déploiement d’opérations coup de poing [les « titrodrômes »], en convainquant des collectivités locales d’embarquer cinq ou dix de ces dispositifs. La Première ministre en avait annoncé 30 en avril, nous en sommes à 32 *.

La seconde mesure, c’est l’augmentation du montant de la dotation aux collectivités pour ces démarches, de 48 à 100 millions d’euros cette année. L’aide peut aller jusqu’à 23.000 euros par dispositif de recueil, contre un peu plus de 12.000 euros auparavant.

Et puis la création d’une plateforme, en novembre dernier, permettant de centraliser les rendez-vous en ligne. Aujourd’hui, la plupart des communes y sont raccordées.

Concrètement, si je veux refaire mes papiers, ça se passe comment ?

Il faut d'abord rappeler qu’on n’a jamais mis quinze jours pour délivrer un passeport ou une pièce d’identité, il y a un certain nombre de vérifications qui demandent de s’y prendre un peu à l’avance.

Il faut aller sur la plateforme de rendez-vous en ligne ants.gouv.fr pour trouver un rendez-vous et surtout préremplir son dossier : cela fait gagner du temps. Si sur cette plateforme, vous n’en obtenez pas un qui vous convient, il y a la géolocalisation de tous les sites où se trouvent des dispositifs de recueil. Vous pouvez soit téléphoner, soit vous y rendre, et vous aurez un rendez-vous si vous êtes dans une situation d’urgence.

Aujourd’hui, dans ces fameuses opérations coup de poing dans 32 villes, le délai de rendez-vous est quasi nul. Mais comme ils ne sont pas forcément encore tous raccordés à la plateforme, ce n’est pas visible. Je dis donc aux personnes qui cherchent à faire des titres « allez-y, vous aurez un rendez-vous rapidement ». On parle de 75.000 places de rendez-vous supplémentaires par mois en plus des 1,6 million de créneaux habituels.

La question du faible nombre de dispositifs de recueil d’empreintes digitales est ancienne. Même certaines petites préfectures n’étaient pas forcément bien dotées. A-t-on été trop vite dans la sécurisation des titres d’identité en laissant de côté certains pans du territoire… ce qu’on paye aujourd’hui ?

Je pense que c’était à l’époque une bonne décision, parce qu’il y avait un rythme régulier de demandes plus faible qu’aujourd’hui, très lissé dans le temps. Mais avec le Covid-19 et l’augmentation des coûts des transports, on s’est aperçu que ce maillage du territoire est absolument nécessaire. On n’allait pas demander à nos citoyens de faire 100, 200 kilomètres pour faire renouveler un titre. Beaucoup ont dû le faire, mais même écologiquement, ce n’est pas sain. Oui, on a changé de stratégie, au service des citoyens.

Il y avait déjà eu un engorgement l’année dernière à la même époque. On connaît la saisonnalité des demandes : à l’approche des examens et de l’été, c’est plus fort. Doit-on s’attendre à pareille crise l’année prochaine ?

On ne démontera les opérations coup de poing que quand on sera certain qu’on peut avoir un rendez-vous dans un délai raisonnable. La hausse de la dotation est pérennisée pour 2024 et les dispositifs supplémentaires ne vont pas disparaître. Nous sommes en ordre de marche pour un gros volume, je pense qu’il sera encore là en 2024. Après, on verra.

D’ici là, je suis confiante sur le fait qu’on arrivera à un délai de trente jours cet été comme on s’y est engagé, voire moins au fur et à mesure que les demandes vont baisser.

Il y a un autre sujet sur lequel vous avez été très demandée ces dernières semaines, c’est la question des « violences contre les élus ». A Saint-Brévin, le maire attaqué à son domicile a démissionné, ne se sentant pas assez soutenu par l’Etat. Êtes-vous en contact avec la nouvelle maire de la commune ?

Je suis en contact étroit avec elle, par téléphone. Nous nous voyons bientôt. C’est une maire extrêmement courageuse, qui ne va pas reculer, qui me rappelle à quel point ce CADA [centre d’accueil des réfugiés] est extrêmement bien intégré sur sa commune. Elle pense que l’opposition est l’affaire de trois, quatre personnes, grand maximum de sa commune, qui drainent 15, 20 personnes à l’extérieur. Donc, on ne va pas reculer devant des extrémistes qui veulent faire de Saint-Brévin un symbole.

Elle a une équipe soudée et elle se sent très bien accompagnée par le préfet et les gendarmes. On avait perçu une différence entre ce qui était fait et ce que le précédent maire percevait. On a donc notamment dit aux gendarmes d’être plus visibles quand ils passent pour qu’il y ait un sentiment de sécurité.

On parle beaucoup de « violences contre les élus » en général. Lutte-t-on bien contre quand on met tout dans le même sac : violences crapuleuses ou venues de l’extrême droite… ?

On les met toutes dans le même sac, comme vous dites, par le fait que toutes nous remontent. Nous avons réussi à faire passer le message à tous les élus locaux qu’il faut tout nous faire remontrer, très tôt, même un graphe sur la mairie. On a eu 900 signalements au premier trimestre de cette année. Seuls 7 % concernent des violences physiques. Mais pour le reste, les menaces, on peut les mettre en perspective, les voir monter, et en trouver l’origine. On peut donc évaluer : si on surprotège le maire avec des gendarmes partout, ce n’est pas sain. Et si on sous-protège, ce n’est pas bon du tout non plus.

Sur ce sujet, nous sommes bien entendus dans l’action : création d’un centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus, loi engagement et proximité, loi suivant la proposition de Nathalie Delattre pour permettre aux associations de se porter partie civile, instructions aux magistrats et circulaires aux préfets...

Il y a actuellement des rumeurs de remaniement gouvernemental. Dans ce contexte, cela pose-t-il problème pour vous, ministre, dans votre travail vis-à-vis de vos équipes, de l’administration, de vos interlocuteurs… Qui peuvent se dire : « Peut-être que dans trois semaines, elle ne sera plus là… »

Sincèrement, non. J’ai connu, en tant qu’élue locale, les veilles d’élection où on se dit toujours « Elle ne sera peut-être plus maire demain… » J’ai connu, quand j’ai gagné les municipales pour la première fois, les équipes un peu figées de perdre leur maire. Ici, étonnamment, oui, on lit la presse, on voit que ça parle de remaniement, mais on est au travail. Le président de la République et la Première ministre sont évidemment légitimes à conduire ce genre de réflexion sur un remaniement, mais je ne sens pas du tout un gouvernement paralysé. Je suis une sportive, une ancienne élue locale, j’ai aussi été dans le privé, j’ai un certain recul par rapport à ces choses-là.

* Voici la liste des communes concernées : Amiens, Angers, Arras, Bayonne, Béziers, Brest, Cesson-Sévigné, Chalon-sur-Saône, Chartres, Châtenay-Malabry, Creil, Créteil, Evry-Courcouronnes, Gradignan, Laval, Le Havre, Lyon, Mondeville, Nancy, Neuilly-Plaisance, Nice, Pau, Plœuc-l’Hermitage, Reims, Roubaix, Rouen, Saint-Grégoire, Saint-Pierre-des-Corps, Saint-Priest, Salon-de-Provence, Saône, Sète, Toulouse.