savoir-faireLe mythique chausseur Clergerie passe sous pavillon américain

Clergerie s’envole pour l’Amérique, au prix d’une délocalisation et de pertes d’emploi

savoir-faireEn difficulté financière, l’entreprise fondée par Robert Clergerie n’avait trouvé grâce qu’aux yeux d’un seul repreneur potentiel, une entreprise californienne
Des paires de chaussures sont exposées dans l'une des boutiques Robert Clergerie à Paris, le 29 novembre 2005.
Des paires de chaussures sont exposées dans l'une des boutiques Robert Clergerie à Paris, le 29 novembre 2005. - Damien MEYER / AFP
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

De la Drôme à la Californie, le mythique chausseur Clergerie, symbole du savoir-faire français en difficulté depuis des années, est repris par une entreprise américaine. La société, placée en redressement judiciaire fin mars, tombe dans l’escarcelle de Titan Footwear, selon une décision du tribunal de commerce de Paris datée de jeudi et que l’AFP s’est procurée. « Les administrateurs judiciaires sont favorables à la proposition de Titan (Footwear), c’est la seule option qui permet d’éviter une liquidation sèche », souligne la décision.

En difficulté financière, l’entreprise fondée en 1981 à Romans-sur-Isère (Drôme) par Robert Clergerie n’avait trouvé grâce qu’aux yeux d’un seul repreneur potentiel : Titan Footwear, une entreprise californienne qui se dit spécialisée dans la chaussure « haute couture ». Filiale du groupe américain Titan Industries, elle détient déjà des marques de chaussures haut de gamme, telles Daniel X Diamond et Badgley Mischka, et indique avoir réalisé un chiffre d’affaires annuel brut de 50 millions de dollars en 2022.

Clergerie, qui exportait ses souliers jusqu’à Hollywood lors de son âge d’or et a habillé les pieds de Lauren Bacall à Madonna, a souffert de la conjoncture défavorable qui frappe également de plein fouet le prêt-à-porter. Titan Footwear l’a donc rachetée pour 700.000 euros, avec des « investissements initiaux (relance activité et marque) » d’un montant de 6,5 millions, selon les termes de l’offre enregistrée mi-juin au greffe du tribunal de commerce de Paris et confirmés par l’avocat de l’entreprise.

Délocalisation et coupes dans les effectifs

Si le groupe a promis de conserver une fabrication « minimum dans les ateliers de Romans », il compte s’adosser à une société espagnole dont « les collaborations se font en Inde, en Chine et au Maroc » pour délocaliser une partie de la production, peut-on lire dans l’offre de reprise. Ce serait une rupture historique pour le chausseur, qui était jusqu’ici l’un des derniers à fabriquer en France des chaussures en cuir dans son usine, tout comme Paraboot, J.-M. Weston ou Heschung.

Le plan de reprise validé par le tribunal opère également des coupes nettes dans les effectifs de Clergerie, Titan Footwear ne s’étant engagé à garder que 45 % du personnel. Dans le détail, une trentaine d’emplois sont conservés (sur environ 90) pour la partie production, une douzaine (sur environ 20) pour le design et le marketing et une vingtaine (sur plus de 30) pour la commercialisation des produits. Mais cette offre « risque d’être améliorée » avec davantage de maintien en emploi, selon une source proche du dossier à l’AFP.

« Ils se sont engagés à maintenir les effectifs pendant deux ans, mais après, qu’est-ce qu’ils vont faire ? On a peur qu’ils gardent la marque et produisent intégralement à l’étranger », s’était ému auprès de l’AFP Christophe Chanron, délégué syndical CFE-CGC, au tribunal de commerce de Paris le 14 juin.