CRISE MAJEUREEn cas d’apocalypse zombie, où faut-il se réfugier pour survivre ?

Où faut-il se réfugier en France pour survivre à l'apocalypse zombie ?

CRISE MAJEUREUne étude a classé les départements français en fonction de leur capacité à lutter contre une vague zombie
Silhouettes de mains de zombies. Illustration
Silhouettes de mains de zombies. Illustration - Sian Lewis/Future Publi/REX/SIPA / SIPA
Laure Beaudonnet

Laure Beaudonnet

L'essentiel

  • Une étude menée par Rentola classe les départements en fonction de leur capacité à affronter une apocalypse zombie.
  • Les Bouches-du-Rhône arrivent premiers tandis que la Seine-Saint-Denis finit dernier du classement.
  • En réalité, en cas d’apocalypse zombie ou de crise majeure provoquant une rupture de normalité, il n’existe pas vraiment de lieu où on puisse être réellement en sécurité. De plus, la résilience sera peut-être assurée par l’entraide plutôt que par un retour à un état bestial.

On pose le décor. La France vient de vivre une catastrophe majeure -pandémie, explosion d’une centrale nucléaire, rupture des approvisionnements alimentaires…-, des hordes d’individus violents viennent piller les villes pour survivre et imposer leur domination. C’est le chaos. Dans ce contexte d’apocalypse zombie -même si on ne parle pas de « vrais » zombies comme dans The Walking Dead-, où faut-il se réfugier en France pour espérer s’en sortir ? C’est la question que s’est posée Rentola, une plateforme de logements locatifs, dans son étude « Meilleurs et pires départements français où survivre à une apocalypse zombie » parue mi-juin.

Sur la base de cinq critères -vulnérabilité, cachettes, approvisionnements, mobilité et sécurité- elle a produit un classement des départements les plus sûrs en cas de crise majeure. Si l’étude manque un peu de transparence quant au critère qui a fait chuter la moyenne de la Seine-Saint-Denis, dernière du classement, ou qui a favorisé les Bouches-du-Rhône, grand vainqueur, on a sauté sur l’occasion pour se pencher sur cette question sensible. Où faut-il déménager pour être en sécurité en cas d’effondrement de la société ?



On vous rassure, vous avez peu de chance de croiser un groupe de morts vivants mangeurs de cervelle. L’imaginaire apocalyptique utilise la figure du zombie parce qu’elle est protéiforme, elle représente une angoisse diffuse et la peur de l'autre. « Ce ne sont pas réellement des zombies mais des hommes dangereux. C’est ce qu’on retrouve dans la fiction populaire Mad Max », explique Bertrand Vidal, sociologue, maître de conférences à l’université Paul-Valéry Montpellier-3 et auteur de Survivalisme, êtes-vous prêts pour la fin du monde (Arkhe, 2018). « Le survivalisme est devenu un marché car on est dans la peur de l’effondrement. On a vécu la pandémie du Covid-19 en 2020, il y a la menace climatique, la guerre en Ukraine… », énumère-t-il.

« Les zombies sont là, pas besoin d’inventer une fiction »

L’idée que la société risque de s’effondrer paraît de plus en plus réaliste. La mentalité survivaliste s’installe dans notre culture, elle est alimentée par les séries (Yellowjackets, The Last of Us), les jeux vidéo, la littérature et même la télévision avec Koh-Lanta. « Cela nourrit l’idée que tout peut s’effondrer et qu’il faudrait retourner à des compétences primitives pour s’en sortir », note Bertrand Vidal. Mais les peurs sont multiples. Pour certains, la pénurie d’eau est une source d’angoisse, d’autres se focalisent sur les centrales nucléaires, les feux de forêt, la pollution. Rentola a plutôt vu dans cette grille de lecture une opportunité d’observer le territoire de façon un peu inédite dans le cadre de l’étude du marché locatif. Difficile de conseiller d’aller dans tel ou tel département dans ce contexte. D’autant que les zombies sont déjà bien installés sur le territoire français.

« Le Larousse définit le zombie comme une "personne qui a un air absent, qui est dépourvue de toute volonté", signale Alexandre Boisson, cofondateur de SOS Maires, qui promeut la résilience et l’autonomie des communes. J’invite nos concitoyens à demander à leur maire si le Dicrim (Document d’information communal sur les risques majeurs) est à jour. Vous dites à cette personne que plusieurs alertes ont été données par l’Anssi, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, sur les risques de cyberattaques sur les chaînes d’approvisionnement », signale le spécialiste de la sécurité publique. Concrètement, la nourriture qu’on trouve dans les commerces dépend d’Internet. Si un pirate s’amuse à hacker les chaînes d’approvisionnements alimentaires, les magasins vont rapidement se retrouver vides. « Vous vous apercevez vite que votre interlocuteur est absent et dépourvu de toute volonté. Les zombies sont là, pas besoin d’inventer une fiction », ironise-t-il.

Analyser le territoire sous l’angle des supermarchés, des pharmacies, de la densité de la population, des armes en circulation, comme le fait cette étude, répond parfaitement à l’ambiance survivaliste actuelle. « La densité de la population est un trope dans l’imaginaire survivaliste dès les années 1960-1970 », reprend Bertrand Vidal. A cette époque, le contexte de guerre froide, aux Etats-Unis, fait craindre une attaque de l’URSS et un hiver nucléaire. En suivant cette idéologie, les grosses villes avaient plus de chances d’être ciblées. « Il faut aller sur des territoires où la population est la moins dense. Mais, selon ce scénario, dix ans après la grande apocalypse, la population des villes s’entre-déchire, des hordes de barbares déferlent dans les campagnes. Il faut réfléchir à un lieu de population avec une faible densité mais où on peut reconstruire une communauté. Plutôt que le cliché du bunker isolé, il faut imaginer des communautés de résilience », décrit le spécialiste de l’imaginaire survivaliste qui relativise cette idée de pillage généralisé. « Les études montrent qu’on ne retourne pas forcément à un état de sauvagerie quand la société s’effondre, c’est dans l’imaginaire », insiste le sociologue.

« Les producteurs locaux ne sont pas en capacité de nourrir tout le monde »

Après le passage ravageur de l’ouragan Katrina, en août 2005, les médias décrivent un territoire meurtri par des bandes armées. Par la suite, des études, dont celles menées par le centre de recherche sur les catastrophes de l’université du Delaware, ont montré l’inverse. « Les gens ne basculent pas tout à coup dans des comportements antisociaux. Ils vont plutôt aider leurs voisins, venir au secours d’étrangers », note Tricia Wachtendorf, chercheuse à l’université du Delaware, dans une séquence de Vers un monde altruiste de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade (2015) citée dans Télérama.

Alors ? On oublie les bunkers et on compte sur nos voisins pour surmonter la vague zombie ? Alexandre Boisson n’y croit pas trop. « Les producteurs locaux ne sont pas en capacité de nourrir tout le monde. En Ile-de-France, avec 12 millions de personnes qui chercheraient de la nourriture, les jardins partagés se feraient ravager, insiste le spécialiste de la résilience alimentaire. Dans un contexte où la France a 12 millions d’armes en circulation, si nous arrivons à une situation non maîtrisée de rupture de normalité avec peu de résilience alimentaire et des gens armés, nous sommes dans une situation chaotique ». Après un mois de blocage et de pénuries, c’est, selon lui, une situation que personne n’est capable de gérer. Morale de cette étude de Rentola : la menace zombie est une affaire plus sérieuse qu’on ne le croit. On est à l’abri nulle part.

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