CANDIDAT (mais pas trop)Quelle est la stratégie idéale pour être nommé à Matignon ?

Remaniement : Fidélité, forcing, compétence… Quelle stratégie pour être nommé à Matignon ?

CANDIDAT (mais pas trop)L’hypothèse d’un changement de Première ministre agite la classe politique depuis plusieurs semaines
Elisabeth Borne et Gérald Darmanin.
Elisabeth Borne et Gérald Darmanin.  - Photomontage 20 Minutes / SIPA
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

L'essentiel

  • Cette semaine encore, les rumeurs de remaniement agitent la classe politique.
  • Fragilisée, Elisabeth Borne s’accroche à son poste face aux ambitions croissantes de certains de ses ministres.
  • Pour obtenir (ou garder) Matignon, plusieurs stratégies sont mises en place. On en parle avec Gaspard Gantzer, ancien conseiller en communication de François Hollande, et Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences-Po.

Qui pour entrer dans « l’enfer de Matignon » ? Cette semaine encore, les rumeurs de remaniement agitent la classe politique. Emmanuel Macron, qui souffle le chaud et le froid sur la question, est-il en train de préparer un grand chamboule-tout ? Fragilisée par ce suspense, la première concernée, Elisabeth Borne, s’accroche à son poste face aux ambitions croissantes de certains de ses ministres. Et pendant cette période d’attente et de flottement, chacun tente d’avancer ses pions et d’éviter les faux pas pour obtenir (ou garder) le poste tant convoité. Dans cette drôle de partie de poker, quelle est la meilleure stratégie pour devenir Premier ministre ?

Stratégie 1 : Montrer sa fidélité

« J’ai vu de l’autre côté du miroir. Ce qui m’était apparu comme mystérieux est en réalité très pragmatique, souvent désenchanté. Un président ne remanie que sous la contrainte », expose Gaspard Gantzer, l’ancien conseiller en communication de François Hollande, de 2014 à 2017. Pour obtenir le job rêvé, mieux vaut donc soigner ses relations avec le patron. « Le critère numéro 1, c’est la loyauté au chef de l’Etat. Il faut être à son service, et de ce point de vue là, Elisabeth Borne joue bien le coup. Elle ne cherche pas à rayonner et ne lui fait pas d’ombre », poursuit-il.

Malgré les piques du président à son endroit, la cheffe du gouvernement ne montre aucun signe de fébrilité. Alors qu’une partie de la macronie évoque sa chute à court ou moyen terme, l’intéressée balaye « des rumeurs » et se projette sur les réformes des mois à venir. Elle rencontre notamment syndicats et patronat ce mercredi pour discuter de l’agenda social.

Le risque : « Elisabeth Borne est prête à tout pour continuer à servir l’Etat, au-delà de ses intérêts personnels. Cet esprit de sacrifice et cet effacement abîment cependant son image et risquent d’écorner son autorité, pourtant nécessaire pour construire sa majorité à l’Assemblée nationale », assure Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences-Po et président de MCBG Conseil.

Stratégie 2 : Faire le forcing

Autre stratégie possible : tenter de se rendre indispensable en investissant - voire en saturant - l’espace médiatique. « Manuel Valls s’est en quelque sorte imposé de cette manière en 2014 après la défaite du camp présidentiel aux municipales. Il avait mené campagne dans les médias, comme une candidature, et finalement convaincu François Hollande de le nommer à Matignon. Par sa popularité, son efficacité, et son attelage politique baroque avec Arnaud Montebourg et Benoît Hamon », se souvient Gaspard Gantzer, alors responsable de la communication élyséenne. Cette offensive rappelle la stratégie mise en place ces derniers jours par un certain… Gérald Darmanin. L’hypermédiatique ministre de l’Intérieur, en première ligne lors des récentes violences urbaines, multiplie les rencontres pour se rendre indispensable à Emmanuel Macron, persuadé que son profil permettrait d’élargir la majorité présidentielle à la droite.

Le risque : « Faire pression sur le président pour Matignon peut s’avérer dangereux. L’affirmation de soi ne doit pas se transformer en agression contre le chef de l’Etat. C’est l’erreur qu’avait commise Nicolas Sarkozy lors du second mandat de Jacques Chirac, ce qui l’avait empêché de devenir Premier ministre », indique Philippe Moreau-Chevrolet.

Stratégie 3 : Jouer la compétence

Avoir un C.V. bien rempli et un joli bilan peut s’avérer bien utile à l’heure de postuler pour l’un des postes les plus importants de France. Plus que les qualités politiques, l’étiquette « techno » semble d’ailleurs être privilégiée par le chef de l’Etat au moment de faire son choix. « Pour Emmanuel Macron, on l’a vu, la technicité est primordiale. Les profils nommés à Matignon sont d’ailleurs similaires : deux énarques (Philippe et Castex) et une polytechnicienne (Borne). Jean Castex avait à ce titre le profil idéal pour Macron, très bon techniquement, à la tâche, mais n’ayant aucune chance de lui faire de l’ombre », avance Gaspard Gantzer. Le haut fonctionnaire, qualifié de « couteau suisse » par ses proches, avait d’ailleurs été nommé par le président après avoir travaillé sur le plan de déconfinement post-Covid au printemps 2020.

Le risque : « Emmanuel Macron s’est plutôt illustré par des profils d’exécutants, de collaborateurs, sans poids politique. Mais la situation a changé. Et faute de majorité, le président a terriblement besoin de la droite pour gouverner », prévient Philippe Moreau-Chevrolet. Le délicat contexte politique pourrait donc pousser le chef de l’Etat à avoir besoin d’un profil plus politique pour stabiliser un début de second quinquennat mouvementé.

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