« 20 Minutes » avec« Les algues vertes tuent le vivant », dénonce André Ollivro

Agriculture : « Nous sommes face à une pieuvre », dénonce le militant anti algues vertes André Ollivro

« 20 Minutes » avecDepuis vingt-trois ans, le Breton s’est imposé comme l’un des porte-parole de la lutte contre le fléau des algues vertes, qui frappe chaque été sa région
André Ollivro a fondé l'association Halte aux marées vertes et lutte depuis vingt-trois ans contre le phénomène des algues vertes qui pollue sa plage de la Grandville, ici dans son dos.
André Ollivro a fondé l'association Halte aux marées vertes et lutte depuis vingt-trois ans contre le phénomène des algues vertes qui pollue sa plage de la Grandville, ici dans son dos.  - C. Allain/20 Minutes / 20 Minutes
Camille Allain

Propos recueillis par Camille Allain

L'essentiel

  • Tous les vendredis, 20 Minutes propose à une personnalité de se livrer sur son actualité dans son rendez-vous « 20 Minutes avec ».
  • Aujourd’hui, rencontre avec André Ollivro. Ce pionnier de la lutte contre les algues vertes en Bretagne est à l’affiche du film « Les algues vertes » sorti mercredi au cinéma.
  • L’homme plaide pour une transformation complète du monde agricole, mais ne se reconnaît pas dans les actions les plus virulentes de militants écologistes.

Un combattant infatigable. En Bretagne, André Ollivro fait figure de pionnier dans la lutte contre les algues vertes. Après vingt-trois ans de militantisme, l’homme vient de voir son travail être mis à l’honneur. Depuis mercredi 12 juillet et la sortie du film Les algues vertes, le nom d’André Ollivro résonne dans de nombreux cinémas français. « C’est un peu troublant », reconnaît le Costarmoricain, coiffé d’une habituelle casquette à visière courte et d’une vareuse rose saumon usée par le soleil. L’homme a pourtant croisé des dizaines de ministres, dont certains « ont pleuré » en voyant les algues inonder les plages.

Domicilié à Pommeret, l’homme possède une petite bicoque sur les hauteurs de la plage de la Grandville, à Hillion. C’est d’ici qu’il constate chaque année le même phénomène désolant quand les algues vertes viennent s’échouer sur la plage sur laquelle il allait pêcher la coque et ramasser des vers de vase pour aller taquiner le maquereau. Loin, très loin, des actions « coup de poing » de certaines associations environnementales, cet ancien ingénieur spécialiste du gaz tente depuis plus de vingt ans de faire entendre la voix du « Che Guevara des grèves » que ses amis surnomment « Dédé ». La voix grave d’un pirate qui a fêté ses 78 ans il y a deux jours et qui résonne désormais dans les salles de cinéma.

La sortie du film Les algues vertes, c’est une reconnaissance de votre travail ?

C’est surtout une preuve que le sujet avance. Hier (dimanche 9 juillet), je me suis assis à regarder la plage de la Grandville. Je voyais que les algues étaient là, j’étais un peu dépité. Mais j’ai pensé à tout le chemin que nous avions accompli. Depuis quelques années, nous avons gagné des batailles juridiques. Ce film va permettre de faire parler du sujet partout, c’est un saphir qui va permettre d’interroger le modèle agricole dans lequel la Bretagne est enfermée. J’espère qu’il va permettre à l’agriculture de prendre un tournant.

Voir son personnage à l’écran, ça fait quoi ?

C’est un peu troublant de voir quelqu’un jouer votre rôle. Quand j’ai commencé à militer, c’était juste pour que ma plage redevienne propre. Alors oui, ça donne une petite peur. Je le vois aussi comme une reconnaissance d’un combat, qui est perçu comme salutaire pour le grand public. Nous avons mené de nombreuses luttes. Nous avons intenté des procédures en justice pour faire respecter le droit et j’ai la sensation que nous avons fait avancer la cause. Je réalise aujourd’hui que j’ai quelque chose de lourd à porter sur mes épaules. Parce que le sujet ne concerne pas que la Bretagne, ni même que la France. Il est plus large que ça.

Selon vous, à qui peut-on reprocher l’apparition des algues vertes ?

C’est une réponse un peu facile mais c’est un peu la faute à tout le monde. Au départ, c’était surtout par méconnaissance des conséquences. On a arraché les haies, remembré les champs, bouché les fossés pour faire de la place aux immenses cultures de maïs. On a transformé les champs en immenses usines sans penser aux conséquences des déjections animales. On a fait un plan Marshall pour transformer l’agriculture et soi-disant la moderniser. Mais avec quelles conséquences sur la santé publique et sur l’environnement ? Les algues vertes tuent le vivant. Avant, j’allais pêcher dans l’estuaire du Gouessant. Aujourd’hui, c’est juste un désert puant ! Des erreurs ont été commises. Mais on ne peut pas reprocher à certains qui ne savaient pas d’avoir été dans le mur. Par contre, maintenant, on peut reprocher à ceux qui savent de ne pas avoir de bons comportements pour préserver la planète pour nos générations futures.

La solution, c’est une refonte complète de notre agriculture ?

Il faut un nouveau plan d’ampleur pour transformer le modèle. Mais avant toute chose, il faut effacer la dette des paysans. Aujourd’hui, beaucoup d’exploitants sont locataires de leurs terres. Ils se sont tellement endettés qu’ils ne peuvent pas se reconvertir, c’est impossible. Il faut redonner la campagne à la Bretagne et baisser la densité animale sur ce territoire. Sans cela, nous aurons toujours autant de nitrates dans nos cours d’eau. Si nous voulons améliorer les choses, il faut imposer une baisse de la production et vérifier que ce soit effectivement fait. Beaucoup des produits qui sont faits ici partent à l’étranger. Est-ce ce modèle que nous voulons encourager ou une production locale pour une consommation locale ?

La profession agricole dénonce souvent « l’agribashing » consistant à dénigrer les paysans.

Les algues vertes, ce n’est pas la faute d’un agriculteur, eux sont pris dans un engrenage. La faute revient à ceux qui la cautionnent, qui font tout pour l’entretenir. Le problème c’est que nous sommes face à une pieuvre. J’ai même appelé ça une « mafia de l’agroalimentaire ». Quand on voit que des maires siègent à la chambre d’agriculture ou dans les banques, on comprend mieux comment certaines décisions sont prises. Ce que j’attaque, c’est un processus et surtout pas les hommes. Je ne suis pas pour aller dans les fermes pour dénoncer tel ou tel comportement. Ces gens-là n’y sont pour rien. Ils agissent dans les règles. Ce que je veux, c’est encourager un type d’agriculture qui permette aux paysans de vivre décemment, en respect de leur santé et de l’environnement.

La plage de la Grandville, à Hillion, est toujours le théâtre d'échouages d'algues vertes au printemps. Plus personne ne vient s'y baigner.
La plage de la Grandville, à Hillion, est toujours le théâtre d'échouages d'algues vertes au printemps. Plus personne ne vient s'y baigner. - C. Allain / 20 Minutes

Vous ne semblez pas cautionner les actions « coups de poing » de certains militants écologistes ?

Non, pas vraiment. Je ne serais pas allé vider un train de sa marchandise (en référence à une action menée contre un train de fret en Bretagne). J’ai longtemps été militant syndical et j’ai toujours respecté les biens et les personnes. On a tout intérêt à être tranquille et à ne pas agresser les gens. On voit que les choses bougent, que l’État a pris le sujet en main. On s’aperçoit qu’on ne prêche pas dans la mer, même si tout prend beaucoup de temps.

Oui mais l’État autorise encore des extensions de fermes usines par la voix de son préfet, comme à Landunvez.

C’est pour ça qu’il faut redonner du pouvoir aux communes. Mais avec des moyens. Des maires acceptent parfois l’installation de fosses à lisier juste à côté d’un cours d’eau, sans penser aux conséquences. C’est avant tout parce qu’ils n’y connaissent rien. Parfois, ils font appel à des bureaux d’études pour évaluer l’impact. Mais ce sont des filiales de ceux qui veulent agrandir à tout prix. Tout est biaisé. Il faut redonner plus de place à la démocratie participative et locale. On ne va pas braquer tout le monde. L’État ne veut pas se retrouver avec des barrages d’agricultures dans toute la Bretagne.

La Terre a connu la semaine dernière son jour le plus chaud depuis le début des relevés météorologiques. Craignez-vous les conséquences du réchauffement climatique ?

Evidemment. Parce que le réchauffement des eaux a des conséquences multiples sur l’environnement et notamment sur le développement des bactéries. Nous n’avons plus d’excuses aujourd’hui. A une époque, nous n’avions pas toutes les connaissances. Je suis bien placé pour le savoir, car j’ai travaillé sur les chaudières à condensation à gaz. A cette époque, on ne prenait absolument pas en compte l’impact qu’elles pouvaient avoir sur l’atmosphère. Nous savons désormais que notre industrialisation concourt à ce réchauffement. On n’a plus le choix.

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