à bout de souffleUn centre pour soigner les burn-out des pros de la santé et l’hôpital

Toulouse : Un centre pour soigner les burn-out des professionnels de santé et l’hôpital

à bout de souffleFace à la pénurie d’effectifs et la hausse des cas de burn-out chez les professionnels de santé, le CHU de Toulouse a créé un centre de prévention à l’épuisement professionnel des soignants
Ce centre veut prévenir les risques d'épuisement professionnel chez les soignants, fortement touchés par le burn-out.
Ce centre veut prévenir les risques d'épuisement professionnel chez les soignants, fortement touchés par le burn-out.  - Quentin Top / SIPA
Lucie Tollon

Lucie Tollon

L'essentiel

  • Le phénomène ne fait que s’accentuer depuis le Covid-19 : le burn-out chez les soignants est plus visible que jamais avec 50 à 66 % de cas.
  • En pleine crise d’effectifs, le CHU de Toulouse, à Purpan, a décidé de créer un centre de prévention à l’épuisement professionnel des soignants (Peps) pour aider le personnel présent et prévenir les risques de burn-out.
  • Ouvert depuis mai, le centre s’est déjà occupé d’une vingtaine de professionnels des secteurs privé et public victimes d’épuisement physique, émotionnel et mental.

Un cache-misère ou une main tendue ? Depuis le mois de mai, le centre hospitalier universitaire de Purpan à Toulouse a créé un centre de prévention de l’épuisement professionnel des soignants (Peps). En clair, un site physique pour prévenir et agir contre les burn-out des professionnels de santé loin d’être épargnés par leurs conditions de travail. En effet, 50 à 66 % des soignants sont concernés par le burn-out depuis la période Covid. Etat d’épuisement physique, émotionnel et mental sont autant de symptômes que ces personnels connaissent dans ce système de santé à l’agonie. « Il y a une charge de travail majorée, un manque d’effectif, une relation avec les patients qui a changé… Toutes ces raisons ont amené à une hausse de cet épuisement professionnel », constate le Pr Patrice Hérin, à la tête du Peps.

« Je devais faire le travail de collègues en arrêts maladie pour Covid, ou épuisement… Je faisais ce travail par vocation mais je n’ai pas su voir mes limites. J’étais devenue un robot. Je n’éprouvais plus aucune empathie pour les patients et même mes collègues. Un matin, je me suis réveillée en pleurant de rage, incapable de me lever… J’ai compris que c’était trop tard », témoigne une infirmière dans un hôpital public de la banlieue toulousaine en arrêt pour burn-out depuis cinq mois déjà. Celle qui préfère rester anonyme confie : « J’aime mon travail. Je sais pourquoi je le fais. Mais dans ces conditions, il est impossible pour moi de reprendre. Je ne m’en sens plus capable ni physiquement, ni mentalement. Je n’en peux plus et je ne suis la seule… »

Soigner les soignants

Dans ce tout nouveau centre, unique en France et financé en totalité par le CHU, le professeur et son équipe de psychologues se lancent alors dans une mission périlleuse : soigner les maux des soignants. « Ces patients – un peu particuliers – doivent nous être adressés par un médecin du travail ou un médecin traitant qui estiment que le soignant-patient doit être pris en charge. Seuls les professionnels libéraux peuvent venir d’eux-mêmes. Ensuite, on s’occupe d’eux », développe le Pr Patrice Hérin. En effet, qu’ils soient du public ou du privé, interne ou au secrétariat, toutes les personnes travaillant dans les soins peuvent se tourner vers ce nouveau centre.

« Ici, on s’intéresse aux trois temps de l’épuisement. On prévient, en informant des risques et des symptômes. On prend en charge la maladie en tant que telle via un suivi individuel ou un travail de groupe et enfin on évite la rechute et on réintègre le soignant », ajoute le médecin. En tout, depuis le mois de mai, ce sont une vingtaine de personnes – autant du privé que du public, du cadre de santé, aux aides soignants en passant par des secrétaires médicales – qui ont franchi la porte du Peps.

« On ne fait pas d’eux des résilients »

Si, l’accompagnement se fait d’abord psychologiquement, ce Peps ne se veut pas impassible face au système de santé. « On ne fait pas d’eux des résilients. Il y a bien évidemment une prise en charge organisationnelle à mettre en place. La médecine du travail est là pour faire remonter les problèmes et améliorer le quotidien des soignants. Nous ne réintégrons pas ces gens pour qu’ils subissent le même traitement », admet le médecin spécialisé dans le travail. Une dernière tâche qui n’est pas des moindres pour ce centre en plein test : accompagner la réorganisation de l’hôpital pour prévenir autant que faire se peut, les burn-out.

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Mais au détriment de qui ? « On a l’impression que le gouvernement n’a jamais les moyens de rien pour la santé. Si une infirmière revient à un poste différent après son arrêt maladie, qui occupera le sien ? Si une aide-soignante se met en mi-temps, qui pour prendre ses heures ? Aider l’un, c’est empirer le cas d’un autre, à l’heure actuelle », souffle une aide-soignante du CHU, amère en fumant sa clope durant une de ses rares pauses. Cette dernière, qui, elle aussi souhaite rester discrète, derrière ses 15 ans de carrière, salue tout de même ce « petit pas de géant pour notre santé mentale ». Ce centre, elle ne le critique pas, « loin de là », mais accuse ce qui a poussé à le créer.