businessComment Barbie « ken » le marché du jouet depuis plus de soixante ans

« Il y a elle, et le reste du monde »… Barbie, plus de soixante ans d’un règne sans partage

businessLa sortie du film « Barbie », ce mercredi, consacre une nouvelle fois la poupée blonde aux yeux bleus, soixante-quatre ans après sa naissance. Comment expliquer une telle longévité au sommet ?
Le rayon Barbie d'un magasin de jouets, illustration
Le rayon Barbie d'un magasin de jouets, illustration - SYSPEO/SIPA / SIPA
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • «On ne peut être et avoir été », paraît-il. Barbie, si. Elle était la reine dès sa sortie en 1959. Elle est encore la seigneure des poupées en 2023. Et elle sera probablement encore en train de plier le game en 2070.
  • Dans le monde des jouets, particulièrement propice aux effets de mode, une telle longévité demeure exceptionnelle. Peu d'autres jouets peuvent se vanter d'avoir été la star de 63 Noël consécutifs.
  • A l'occasion de la sortie du film éponyme, 20 Minutes revient sur les secrets de cette durée de vie XXL soigneusement entretenue par Mattel. Car pour garantir son succès, Barbie ne chôme pas, loin de là.

A 64 ans passés - elle les a fêtées le 9 mars -, Barbie aurait l’âge de prendre sa retraite, même en France. Mais la poupée en est loin. Pas une seule ride, toutes ses dents, et encore une domination sur un marché du jouet qu’elle n’a cessé de mettre au pas depuis ses débuts. Pour se repérer : 58 millions de Barbie se vendent encore chaque année dans le monde dans 150 pays - plus de 100 par minute, et plus d'un milliard depuis sa création. En 2022, 20 % des filles âgées de 4 à 14 ans évoquaient spontanément Barbie comme l’un de leur jeux-jouets préférés *, pour en faire la marque la plus citée pour cette catégorie d’enfants. La proportion monte même à 33 % parmi les 4-6 ans. Et gare à celle qui n’en ont pas : Barbie est le jouet le plus envié.

« En France, elle est quatrième sur le marché du jouet », renseigne Frédérique Tutt, experte marché des jeux et jouets chez Circana. Devant elle : Pokémon, Vtech Baby et la Pat'Patrouille. Des jouets généralement pour des marmots plus jeunes, « ce qui fait de Barbie la vraie numéro 1 pour les filles de plus de 4 ans ».

« Barbie, ce n'est même plus une marque, c'est un type de jouet à elle seule »

Premier secret de ce règne sans fin : l’écart qu’elle a creusé avec la concurrence dès son arrivée, désormais quasi-irattrapable. « Quand on pense à une poupée, on pense automatiquement à Barbie. Tout comme quand on pense à un jeu à construire avec des briques, c’est directement Lego que l’on visualise, reconnaît Bruno Bokanowski, directeur de la filière Jouets et Jeux d’Infopro Digital. Barbie, ce n’est même plus une marque, c’est un type de jouet à part entière ».

Delphine Quelin, consultante pour Junior City, institut d’études spécialisé dans la jeunesse, ajoute un nouveau diamant à la couronne : « Dans le domaine de la poupée, il y a Barbie, et le reste du monde ». Parfois, des épiphénomènes parviennent à percer et prendre quelques parts de marché, comme actuellement les Rainbow High ou les W.i.t.c.h.s il y a quelques décennies. Mais ça ne dure jamais très longtemps. D'autant que Barbie peut s’adapter à tout. Bruno Bokanowski : « Si la mode est aux fées, une poupée Barbie Fée sortira dans la foulée. Mattel a une telle avance qu’ils n’ont qu’à rester éveillés et suivre les tendances pour être certains de ne jamais être dépassés ».

Une barbie adaptable et consensuelle

Et pour suivre les tendances, Barbie se multiplie, se diversifie, se métamorphose. Oubliez l’image iconique de la blonde aux yeux bleus et aux formes pulpeuses qui choquait l’Amérique des années 1950 : « 55 % des poupées que nous vendons dans le monde n’ont ni les cheveux blonds, ni les yeux bleus », affirmait récemment Lisa McKnight, directrice générale de la marque. Barbie est un metamorph : 9 formes de corps, 22 teintes de peaux et 76 coupes de cheveux, énumère Frédérique Tutt. Le tout avec le plus beau C.V. du monde : astronaute, mathématicienne, footballeuse… On ne va pas lister l'ensemble des 200 métiers qu'elle a exercés.

Pas la peine non plus d'avoir peur du temps qui passe, il joue en sa faveur. « Barbie est devenu un jouet transgénérationnel. La mère qui a eu une Barbie enfant est heureuse d'en offrir une à sa fille », note Delphine Quelin. Les décennies passant ont également refroidi les polémiques, développe la consultante : « On a dépassé les débats des années 1980 et 1990 disant que Barbie allait créer une génération de bimbos et de pétasses. Aujourd’hui, Barbie est devenue consensuelle et socialement acceptée. »

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Garder Barbie en vie et rappeler son souvenir en permanence

Mais ne pensez pas qu'un tel succès est automatique. Pour conserver son trône, Barbie ne chôme pas, au contraite, le secret de sa longévité tient en sa suractivité et son omniprésence médiatique. « Barbie ne se suffit pas, il faut rappeler son souvenir. Elle a besoin de vivre », indique Bruno Bokanowski. Un film donc, mais aussi des séries, des dessins animés, une chaîne Youtube (11 millions d’abonnés tout de même)… Ce qu’on appelle dans le milieu des « activations marketing ». « L’enfant doit avoir vu Barbie à la télé pour avoir envie d’en acheter une », résume le directeur. Et voilà Barbie passée de la femme-objet à une héroïne pour les marmots : elle est le troisième personnage de fiction préféré des 4-10 ans, derrière Miraculous et la Reine des Neiges.

« Etre une licence transmédia est indispensable pour durer. Les licences pèsent 25 % du marché du jouet », souligne Delphine Quelin. Entre autres exemples : Spider-Man, Pokémon et à peu près toutes les franchises Disney. Fort de ce côté « Vu à la télé », Barbie se décline alors en bien des objets : 45 catégories de produits exactement, incluant la nourriture, le fitness et la mode. Pour la spécialiste : « Aujourd’hui, il y a tellement de produits annexes qu’une fille peut respirer Barbie du matin au soir si elle le souhaite. »

Barbie invincible ?

Mais la poupée n’est pas invincible. Car lentement, son influence s'érode face à un adversaire encore plus puissant qu’elle : « Il y a encore quelques années, Barbie attirait les filles entre 7 et 12 ans, se remémore Delphine Quelin. C’est de moins en moins le cas en raison des écrans, qui arrivent de plus en plus tôt chez les enfants et les font délaisser les jouets. Barbie dure rarement jusqu’au collège, alors que c’était la norme avant ».

Désormais, Barbie fait plus le bonheur des 5-8 ans. « Les enfants commencent à jouer avec plus tôt, mais la délaisse également beaucoup plus tôt ». Barbie tente donc une percée chez les plus jeunes, avec la sortie de My first Barbie, une gamme adaptée aux plus petits avec des formes plus rondes. S’adapter. Innover. Ne jamais s’arrêter. Tels sont les prix du succès.

* Etude barométrique Junior#Crush (les centres d’intérêt des enfants à travers 20 Top 10). Tracking réalisé au printemps 2022.