recaléPap Ndiaye, un pari raté à la tête de l’Education nationale

Remaniement ministériel : Pap Ndiaye, un pari raté à la tête de l’Education nationale

recaléHomme de gauche, l’historien n’a jamais réussi à imprimer sa marque face à un président Macron omniprésent
Pap Ndiaye n'ira plus à l'Elysée avec Elisabeth Borne.
Pap Ndiaye n'ira plus à l'Elysée avec Elisabeth Borne. - Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Invité surprise du gouvernement Borne en 2022, Pap Ndiaye, premier ministre noir de l’Education nationale, n’aura jamais réussi à dépasser le statut de symbole. Il cède donc son poste 14 mois après son arrivée à Gabriel Attal. Classé à gauche, réputé homme d’écoute, de réflexion et de dialogue, Pap Ndiaye promettait une rupture de ton par rapport à son prédécesseur Jean-Michel Blanquer, qui s’était mis à dos une grande partie du monde enseignant au bout de cinq années rue de Grenelle.

Las, la nomination de cet universitaire de 57 ans, spécialiste de l’histoire sociale des Etats-Unis et des minorités, a sonné comme un énième coup politique d’Emmanuel Macron et n’aura pas permis de resserrer les liens avec une République des enseignants en déshérence. La faute à beaucoup d’inexpérience et à un chef de l’Etat omniprésent et omnipotent sur l’école. « C’était écrit d’avance. C’eût été miraculeux qu’il réussisse en politique. Il n’était pas fait pour cela. Qu’il n’y arrive pas, les responsables sont ceux qui l’ont nommé. Pas lui ! », résume un ancien ministre.

Pas soutenu par les autres ministres

Visé régulièrement par des petites phrases assassines venues du cœur de la Macronie, Pap Ndiaye s’en va après avoir essuyé une violente polémique alimentée par les droites après ses propos visant la branche média du groupe Bolloré, en particulier CNews qu’il a qualifiée, mi-juillet, de chaîne « d’extrême droite ». Si une partie de la gauche s’est offusquée, le ministre n’aura pu que constater la faiblesse de ses soutiens dans son propre camp. Jusqu’à ce que Macron concède à le défendre au nom de la « liberté d’expression », quatre jours après ces propos.

A propos de cet universitaire ciblé par des procès en wokisme conduits par la droite et l’extrême droite, un ministre commente : « Il n’est pas dans les trucs tordus. Mais il n’a pas réussi à se départir de l’image de wokiste en chef, alors qu’objectivement il n’a rien fait pour accréditer la thèse ». « Faut-il jouer le jeu du buzz tous les jours, clasher quelqu’un, un adversaire politique en étant aussi cruel que possible, avec les controverses surjouées ?…. C’est un jeu que j’ai bien repéré mais qui ne m’intéresse pas du tout », confiait Pap Ndiaye l’hiver dernier à l’AFP.

Le rêve inachevé de la mixité scolaire

Rue de Grenelle, Pap Ndiaye a voulu mettre en avant des débats peu évoqués par Jean-Michel Blanquer, comme la mixité sociale, ou tenté une approche différente sur la laïcité. Cependant, si la forme a changé, le fond reste le même, critiquent les syndicats d’enseignants qui jugent que le seul décisionnaire en matière éducative se trouve à l’Elysée. La feuille de route de Pap Ndiaye apparaît en effet largement dictée par Emmanuel Macron qui lui laisse peu de place, se réservant la primauté de toutes les grandes annonces, par exemple sur la revalorisation salariale des enseignants en avril.

Autant de couleuvres à avaler pour un ministre qui a dû aussi en rabattre sur son plan sur la mixité sociale et scolaire. Après des mois d’attente, il s’était finalement contenté en mai de donner des objectifs généraux aux recteurs, laissant deviner un manque de soutien politique. Mais Pap Ndiaye avait balayé les critiques, satisfait au contraire d’avoir « gagné tous ses arbitrages financiers ».

Loin des émeutes

A bon droit, le budget de l’enseignement scolaire restera, et de loin, le premier de l’Etat à 64,2 milliards d’euros en 2024 (+3,9 % par rapport à 2023). La traduction notamment d’une revalorisation inconditionnelle de la rémunération enseignante couplée au « pacte » qui prévoit une hausse de rémunération conditionnée cette fois à de nouvelles missions, un « pacte » qui se révèle compliqué dans sa mise en musique en raison de l’hostilité des syndicats.

A son bilan, face au défi majeur posé par la crise du recrutement des enseignants, Pap Ndiaye a lancé le chantier des concours dans le premier degré ramenés à bac + 3 contre bac + 5 actuellement. Mais le ministre passe à côté de l’émotion suscitée par le suicide de la jeune Lindsay dans le Nord, harcelée - la famille l’accuse de manquer de « sincérité » –, alors que le sujet lui tient personnellement à cœur. Début juillet, les émeutes soulèvent d’importantes questions éducatives et de discriminations. Mais Pap Ndiaye, qui avait par le passé, en temps qu’historien, affirmé qu’il fallait assumer la « notion de violences policières », est resté en retrait. Encore une fois.

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