Gros sousLéon Marchand va-t-il bientôt rouler sur l’or en dehors des bassins ?

Mondiaux de natation : « Rien à envier à Laure Manaudou »… Léon Marchand va-t-il bientôt rouler sur l’or ?

Gros sousStar annoncée des championnats du monde de Fukuoka et surtout des JO de Paris 2024, le Toulousain a tous les atouts en main pour rentabiliser son image
Léon Marchand après sa victoire sur le 200 m brasse lors des championnats de France à Rennes, le 11 juin.
Léon Marchand après sa victoire sur le 200 m brasse lors des championnats de France à Rennes, le 11 juin.  - Damien Meyer / AFP / AFP
Nicolas Stival

Nicolas Stival

L'essentiel

  • Léon Marchand est la vedette annoncée des championnats du monde de natation qui s'ouvrent dimanche à Fukuoka (Japon) par le 400 m 4 nages.
  • Athlète brillant, à l’aise devant les micros, le double champion du monde exilé aux Etats-Unis a tout pour devenir une immense star du sport français, magnifiée par la vitrine des Jeux olympiques 2024 à Paris.
  • Forcément, les sponsors commencent à s’intéresser au jeune Toulousain de 21 ans, même s’il n’évolue pas dans la discipline la plus lucrative.

Une photo tout sourire sur Instagram et une jolie montre au poignet gauche. Mercredi, Léon Marchand et Omega ont officialisé leur partenariat, quatre jours avant le début des championnats du monde de Fukuoka, au Japon, ce dimanche. Le jeune Français (21 ans), ainsi que le prodige roumain David Popovici (18 ans), champion et recordman du monde du 100 m, sont devenus les ambassadeurs de la marque suisse, chronométreur officiel des Mondiaux de natation et des Jeux olympiques, comme d’autres légendes de leur sport avant eux, tels Federica Pellegrini ou Michael Phelps.

« Des annonces arrivent dans les prochains jours », affirmait déjà le 8 juin dernier lors d’une conférence de presse chez lui, à Toulouse, le nouveau maître tricolore des bassins chlorés. L’étudiant de l’Arizona State University était interrogé sur d’éventuels sponsors, pressés de monter dans le train tracté par le double champion du monde en titre sur 200 m 4 nages et 400 mètres 4 nages, et qui pourrait raboter ce dimanche à Fukuoka le record de Phelps, vieux de 15 ans, sur la deuxième distance (4’03’’84).

« On a eu beaucoup de demandes après les Mondiaux, l’an dernier, poursuivait le (toujours) licencié aux Dauphins du TOEC, dont les intérêts sont gérés par ses parents, anciens nageurs internationaux, et une avocate amie de la famille. J’essaie de rester assez rare au niveau des partenariats. Je n’ai pas envie d’être une pub ambulante ! »

La dernière phrase est prononcée dans un rire. Pour l’instant en effet, le récent quintuple champion de France à Rennes pointe aux abonnés absents dans les spots télé ou sur les affiches 4X3 que d’autres Toulousains, Antoine Dupont en tête, commencent à prendre d’assaut à l’approche de la Coupe du monde de rugby. Avant Omega, Marchand était déjà ambassadeur sportif de la Haute-Garonne, comme Sofiane Oumiha (boxe), Djilali Bedrani et Benjamin Robert (athlétisme). En échange d’interventions auprès de collégiens, ce statut donne droit à une bourse de 1.000 à 2.000 euros, à laquelle s’ajoute une bourse olympique de 2.500 euros pour les athlètes qualifiés pour les JO.

« Le sport olympique par excellence »

Justement, les prochains Jeux de Paris devraient faire changer le champion de dimension. « Pour l’instant, il n’est pas surexposé, il est encore très jeune et il n’y a pas eu de Jeux olympiques depuis 2021, observe Michel Desbordes, professeur de marketing du sport à l’université Paris-Saclay. En natation, il n’y a pas de rendez-vous récurrent comment en Ligue 1 ou en Top 14. Si Laure ou Florent Manaudou ont été connus, c’est grâce à leurs titres olympiques. Si cela se passe bien pour lui aux JO, avec au moins un titre, les sponsors vont se tourner vers lui. C’est quand même, avec l’athlétisme, le sport olympique par excellence. »

Marchand évolue dans une discipline qui ne parle vraiment au grand public qu’une fois tous les quatre ans. Mais la fenêtre qui s’ouvre à lui s’annonce pleine de promesses : compétition à domicile, et éclipse programmée à court terme d’autres grandes stars françaises en sport individuel, comme Florent Manaudou ou Teddy Riner. « Il est jeune, il sait s’exprimer, il étudie aux Etats-Unis donc il parle bien anglais, énumère Michel Debordes. Les sponsors vont s’y intéresser. »

Lors des Mondiaux de Budapest l'an dernier, Léon Marchand avait remporté l'or sur 200 m 4 nages devant l'Américain Carson Foster et le Japonais Seto Daiya, après celui sur 400 m 4 nages. Il avait aussi obtenu l'argent sur 200 m papillon.
Lors des Mondiaux de Budapest l'an dernier, Léon Marchand avait remporté l'or sur 200 m 4 nages devant l'Américain Carson Foster et le Japonais Seto Daiya, après celui sur 400 m 4 nages. Il avait aussi obtenu l'argent sur 200 m papillon.  - Chine Nouvelle / Sipa

Didier Poulmaire partage totalement cet avis. Spécialisé dans la gestion fiduciaire, l’avocat a accompagné Laure Manaudou au faîte de sa gloire, dans les années 2000, ainsi que Yoann Gourcuff.

« « Laure a pu signer un contrat avec la famille Pinault à hauteur de cinq millions d’euros. Il y a eu beaucoup de travail sur le sportif et sur l’image. C’est l’une des athlètes qui a fait le plus de couvertures de Paris Match ou d’Elle. Depuis, aucun sportif olympique n’a retrouvé ces montants-là. C’est une chance incroyable pour un athlète français de faire partie des favoris et de pouvoir briller dans des Jeux à domicile. L’objectif naturel pour Léon Marchand, c’est d’atteindre le même niveau de contrat. Il n’a rien à envier à Laure Manaudou. Se fixer des objectifs inférieurs, ce serait passer à côté de son potentiel. » »

La famille Manaudou incarne un âge d’or de la natation française, au côté des Alain Bernard ou Camille Lacourt, entre autres, qui ont bien su faire fructifier leur image. Mais les temps ont changé. « Il y a 10 ou 15 ans, il fallait avoir un avocat, un agent et un attaché de presse, reprend Didier Poulmaire. Aujourd’hui, on est passé dans une nouvelle ère, où l’on doit maîtriser la production de contenus, via une plateforme de gestion de ces contenus. »

En clair, le sportif est devenu son propre média, à travers les réseaux sociaux, et n’a plus forcément besoin de passer par les relais jusque-là classiques (télé, presse écrite) pour se « vendre » et exposer ses partenaires. « La plateforme va délivrer des droits audiovisuels pour le streaming, avec Netflix et Amazon par exemple, de la gestion d’image pour les sponsors, l’utilisation des droits pour les contenus non rémunérés ou les opérations caritatives », reprend l’avocat.

Plusieurs épreuves donc plusieurs occasions de se montrer

Par rapport à d’autres sportifs, un judoka ou un boxeur par exemple, Léon Marchand présente un énorme avantage : il dispute plusieurs épreuves lors d’une même compétition. Outre ses deux titres planétaires sur 200 et 400 m 4 nages l’an passé, le Toulousain avait remporté l’argent sur 200 m papillon. Une médaille qui pourrait prendre des reflets dorés au Japon. Egalement à l’aise en brasse, il peut aussi s’aligner sur les relais 4x100 m 4 nages et 4x200 m nage libre.

« Il va pouvoir gagner quatre ou cinq médailles, comme Martin Fourcade le faisait en biathlon, relève Michel Desbordes. C’est assez comparable d’ailleurs. Il peut rater deux courses, il va en avoir au moins deux autres pour se rattraper. Un athlète qui ne fait que le 100 m n’a pas cette possibilité. »

« Si l’argent me motivait, je ne ferais pas de la natation »

L’avantage est énorme pour son exposition médiatique et compense en grande partie le fait qu’il passe l’essentiel de son temps aux Etats-Unis, alors que sa base de supporteurs se trouve en France. « Il y a un risque qu’il n’exploite pas tout son potentiel si l’organisation mise en place autour de lui ne tient pas compte de ce fait », suggère Didier Poulmaire, qui cite l’exemple de Tony Parker, l’ancien meneur des San Antonio Spurs, lequel aurait pu selon lui pu encore mieux rentabiliser son image.

Ceci dit, Marchand ne pense pas « gros sous » tous les matins, quand il enfile bonnet et maillot avant de se jeter à l’eau. « Si l’argent me motivait, je ne ferais pas de la natation, sourit-il. Aux Etats-Unis, mon statut amateur ne me permet pas de gagner d’argent avec des sponsors ou des médias. Désormais, les Américains ont le droit, mais en tant qu’étranger, je ne peux conclure des partenariats qu’en dehors du pays, en France ou au Japon par exemple. »

Et pas question pour l’heure de sortir du système universitaire US, où il s’épanouit tout en éclatant les records en NCAA. « Je suis venu pour ça, je ne vais pas en sortir parce que des sponsors veulent me financer. Je pourrai le faire plus tard. » L’avenir du « Frenchie » s’annonce doré, dans et hors des bassins.