politiqueLe récit de la semaine « lunaire » qui a précédé le remaniement

Remaniement : Entre réception « sadique » et fuites dans les médias, le récit d’une semaine « lunaire »

politiqueRumeurs, fuites et équilibres politiques ont marqué les jours qui ont précédé l'annonce du nouveau gouvernement, jeudi
La première ministre Elisabeth Borne le 21 juillet, au lendemain du remaniement.
La première ministre Elisabeth Borne le 21 juillet, au lendemain du remaniement. - Jean-Baptiste Autissier -/SIPA / SIPA
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Huit nouveaux entrants, le départ de Marlène Schiappa… Avant l’officialisation de la composition du nouveau gouvernement jeudi, l’étrange semaine l’étrange semaine des « ajustements » ministériels a donné le sentiment d’une improvisation voire de dissonances au sommet de l’exécutif.

Lundi soir, c’est l’entourage du chef de l’Etat, retenu pour un sommet à Bruxelles, qui annonce du bout des lèvres le maintien de la Première ministre à son poste.

Elle n’est pas convoquée à l’Elysée pour démissionner puis être reconduite comme c’est parfois l’usage, mais fait savoir qu’elle « souhaite » procéder à des « ajustements ».

Dès le lendemain, de premiers noms commencent à circuler, surtout parmi les probables sortants : Pap Ndiaye (Education), François Braun (Santé), et Jean-Christophe Combe (Solidarités), tous issus de la société civile portée au pinacle par Emmanuel Macron en 2017.

« Certains n’avaient pas complètement les codes »

Les ministres doivent avoir « la vision, la capacité à diriger leur administration », avait prévenu Elisabeth Borne, en juin, dans Le Figaro.

« Certains n’avaient pas complètement les codes et le gouvernement a pas mal de priorités sur la santé et l’éducation, où il doit donner un coup de collier et donc avoir des profils plus politiques », relève un familier de l’exécutif.

Des questionnements sur les équilibres politiques se posent déjà quand s’ajoute à la liste putative des limogés notamment la ministre déléguée aux personnes Handicapées, étiquetée MoDem, Geneviève Darrieussecq.

Des sources ministérielles et au sein de la majorité s’interrogent sur la dimension du changement. « Plus l’ajustement sera large, plus elle (Elisabeth Borne) aura gagné des points », dit l’un d’eux.

Le bruit circule d’une inimitié entre la Première ministre et son ministre chargé des Relations avec le Parlement Franck Riester, démenti par Matignon.

Une réception jugée « baroque »

« Il faut prendre beaucoup de distance » : Emmanuel Macron tente de dédramatiser l’attente, mardi, à l’occasion du traditionnel dîner des ministres d’avant la pause estivale. Une réception jugée « baroque », voire « sadique » par des conseillers.

Les rumeurs reprennent de plus belle mercredi. Matignon dément tout désaccord sur les « ajustements » à opérer et dépeint une relation de « confiance » à la tête de l’exécutif.

La Première ministre s’attarde à l’Elysée pour les derniers réglages. Ces tergiversations donnent l’image d’un « bras de fer » entre Emmanuel Macron et Elisabeth Borne « autour d’un remaniement qui n’était pas censé en être un », puisque le président espérait initialement minimiser cette séquence, commente un cadre macroniste.

Finalement, l’annonce du nouveau casting un temps espérée mercredi aura lieu jeudi. Le Conseil des ministres est reporté.

Des fuites dans les médias

Le suspense s’apparente à un supplice quand ministres et parlementaires se retrouvent mercredi soir à l’apéritif de fin de session au ministère des Relations avec le Parlement.

Pap Ndiaye n’est pas présent. Mais François Braun, bravache, est venu. Il sera même sur une radio jeudi matin, toujours confiant en son avenir, avant d’être finalement prévenu de son départ à la fin du déjeuner.

Gabriel Attal, étoile montante de la macronie, est pressenti à l’Education. Un communiqué est annoncé pour 17H30.

Mais avant même l’officialisation du gouvernement, remanié avec huit nouveaux ministres, le chapelet des entrants est égrené dans les médias, confirmé officieusement de sources ministérielles ou du camp présidentiel, quand ce n’est pas le ministre lui-même qui l’annonce aux médias.

La venue de François Bayrou à l’Elysée pour officiellement « un moment privé » fait remonter la température. D’autant que des rumeurs donnent le député Horizons Frédéric Valletoux à la Santé, au risque de bouleverser encore les équilibres politiques de la majorité.

Le patron du MoDem est intervenu pour contrer la manœuvre, assure une source parlementaire, ce que dément François Bayrou.

C’est finalement Aurélien Rousseau, directeur de cabinet sortant d’Elisabeth Borne et ancien patron de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France pendant la crise du Covid-19, qui sera choisi pour la Santé, surprise de ce remaniement. Il avait un soutien franc de Matignon, selon une source au sein du camp présidentiel.

Tout a l’air sur des rails, mais le communiqué est retardé par un ultime jeu de chaises musicales.

La séquence du remaniement « a été lunaire », commente un député Renaissance. « Si on avait voulu renforcer le gouvernement, on aurait fait les choses autrement ».

Vendredi matin, Olivier Véran, resté porte-parole, assure que le gouvernement sort « renforcé » de ce remaniement, quand la veille l’entourage du chef de l’Etat soulignait le caractère « technique » des changements.

Finalement Emmanuel Macron explique en ouverture du Conseil des ministres, devant le nouveau gouvernement enfin réuni vendredi, avoir choisi « la continuité et l’efficacité ». Son entourage promet qu’il s’exprimera encore dans les « prochains jours ».