Championnat du monde, compte Instagram et défilés de mode, comment le pâté-croûte est-il devenu tendance ?
ÇA ENVOIE DU PÂTÉ•Depuis plusieurs années, le pâté-croûte est passé de « ringard » à la pointe de la mode, au point d’avoir désormais, des défilés au fil des saisons et des milliers de followers sur InstagramElise Martin
L'essentiel
- Selon le dictionnaire Larousse, le pâté-croûte est « une préparation composée de viande, de poisson, de légumes, etc., enfermée dans de la pâte et cuite au four ». Les habitants de Lyon et de Reims préfèrent l’appellation « pâté-croûte » tandis que le reste de la France utilise « pâté-en-croûte ».
- Apparu au Moyen-Âge et popularisé grâce aux écrivains romantiques, ce plat opère un « retour en force » depuis quelques années et casse son image « ringarde » qui lui colle à la peau depuis le XXe siècle.
- Cette hype s’explique par la création d’un championnat du monde mais aussi un « retour aux bons produits locaux » et un engouement certain d’une clientèle « plus jeune ».
«Campagne », « terroir » ou encore « grands-parents ». Le pâté-croûte* réveille, pour certains, « un souvenir d’enfance » quand pour d’autres, c’est « un truc dégueu gélatineux ». Pourtant, depuis plusieurs années, entre championnat du monde et compte Instagram aux milliers d’abonnés, ce plat, apparu au Moyen-Âge et popularisé grâce aux écrivains romantiques, opère un « retour en force » et casse son image « ringarde » qui lui colle à la peau depuis le XXe siècle, relate La conciergerie gastronomique.
Au point d’être devenu à la mode et d’avoir désormais ses propres défilés pour présenter des collections au fil des saisons, comme le fait la maison Verot. 20 Minutes s’est rendu en terre sainte du pâté-croûte (Lyon) pour savoir comment cette hype est née.
Des centaines de kilos de pâté-croûte vendus tous les mois
Passage obligé des touristes comme des locaux, les Halles Paul Bocuse donnent le ton des tendances en matière de charcuterie. Les grandes maisons, comme Cellerier, confirment d’ailleurs l’intérêt grandissant pour ce mets. Francis Vial, employé mais surtout passionné, l’explique par « la facilité à le manger ». « C’est quelque chose de pratique à partager. Et puis, c’est un plat très élaboré ! ». Derrière sa vitrine, ce jeune de 21 ans présente les spécialités du moment : canard-abricot, porc-volaille-parmesan, avec de la morille ou de la pistache…
À quelques stands, chez Bobosse, Alexiane et Héloïse, deux Belges repartent tout sourire, « pâté-croûte sous le bras », en direction de la gare. « On ne pouvait pas partir sans ! On n’en a pas des comme ça chez nous », lancent ces trentenaires. De l’autre côté du comptoir, Dina Tuduri, sourit : « C’est vraiment notre produit phare ! C’est d’ailleurs celui qui rencontre le plus de succès dans la catégorie charcuterie à la coupe. Rien qu’au mois de juin, on en a vendu plus de 400 kg ! » La responsable précise que la meilleure période de ventes se déroule lors des fêtes de fin d’année. Quant aux profils des clients ? « Tout le monde l’adore », répond-elle du tac au tac.
Francis Vial, lui, a observé « de plus en plus de diversité » dans sa clientèle, historiquement « un peu âgée ». « L’image du pâté-croûte a vraiment évolué ces dernières années. D’après moi, le concours international y est pour quelque chose ! »
Du plat de « papa » à celui des jeunes blogueurs
Ce n’est pas Arnaud Bernollin qui dira le contraire. En 2009, avec Gilles Demange, Audrey Merle et Christophe Marguin, trois autres Lyonnais, il crée le Championnat du monde de pâté-croûte pour « départager [leurs] copains cuisiniers qui se vantaient de faire le meilleur », raconte le trésorier de l’association. Ils étaient également motivés par l’envie de « redonner ses notes de noblesse » à cette « quintessence de la gourmandise, de la gastronomie et de la maîtrise technique culinaire charcutière et pâtissière », selon les mots d’Arnaud Bernollin.
Il ajoute : « C’est une spécialité assez dingue techniquement et gustativement qui était tombée complètement dans la médiocrité à cause de son industrialisation. » Pour le commun des mortels, le pâté-croûte, qui n’était plus forcément servi au restaurant, se résumait à ce qu’on trouvait dans les supermarchés : une barre feuilletée avec une croûte jaune épaisse et du foie gras au milieu.
Au-delà de la visibilité que la compétition a pu donner à cette entrée – le monde entier s’y intéresse –, sa popularité pourrait également s’expliquer par « un retour à la bonne bouffe ». « Le plus surprenant, c’est de voir que ce "plat de papa" est devenu très populaire chez les jeunes, que ce soit des consommateurs, des chefs qui se lancent ou ceux qui tiennent des blogs », expose l’un des fondateurs de la compétition.
Le pâté-en-croûte déringardisé grâce à Instagram ?
Moins de dix ans après la création du championnat du monde, le compte Pâté_croûte_france est né sur Instagram. Ce compte a sa part du pâté dans toute cette hype. Aujourd’hui, près 40.000 personnes y sont abonnées. A l’origine, Julien Perret, la trentaine, le crée parce qu’il adore ça, « un peu au second degré ». Enfant, ce Bourbonnais était nourri aux pâtés à la viande. Alors, quand il débarque à Paris, il cherche un équivalent et le ramène en soirée. « Même si tout le monde râlait, c’était mon pâté-en-croûte** qui était dévoré en premier », se souvient-il. Après trois mois de « fausses critiques », des charcutiers le mettent au défi de goûter les leurs.
« C’est devenu vite sérieux. Pour moi, c’était à la fois un monument de la gastronomie française et un truc désuet, confie-t-il. Je me suis alors lancé le défi, à ma manière et par les réseaux sociaux, de tenter de le déringardiser. Je voulais montrer que ce n’était pas qu’un parpaing figé qui a toujours le même goût et qui est réservé aux vieux, quinqua, acariâtres, auprès d’un nouveau public. » Là où le championnat du monde touche les plus expérimentés, Instagram s’adresse davantage aux plus jeunes, avec un côté « esthétique » de la photographie. « Un pâté-en-croûte, c’est hypergraphique, très visuel, notamment le moment de la découpe ! Donc ça fonctionne bien sur ce type de média », assure Julien Perret.
Des versions végétariennes et sucrées
Chaque mois, sans même créer du contenu en particulier, ses vidéos cumulent des millions de vues et de nouvelles personnes s’abonnent à « pâté_croûte_france ». Face à cet engouement, l’influenceur créé un concours « amateurs » et même une peluche. « Le compte a apporté le côté pop culture au pâté-en-croûte », constate-t-il.
Selon lui, cette mode n’est pas près de retomber. « La tendance du retour aux bons produits locaux, qui nous a gagnés durant le Covid-19, est une tendance lourde. En plus, ça vient de chez nous, ça a une longue histoire, c’est un vrai plat gastronomique pour les chefs. On en est vraiment qu’au début car il reste encore beaucoup de gens à conquérir. » Comme les végétariens ? « De nombreuses maisons de charcuterie proposent désormais des recettes sans viande ni poisson ou même des versions sucrées », conclut-il.
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