InterviewL’extrême droite de Vox va-t-elle s’imposer aux législatives espagnoles ?

Elections législatives en Espagne : « Que l’extrême droite entre au gouvernement serait une première »

InterviewLes Espagnols sont appelés aux urnes dimanche 23 juillet. Pour la première fois de son histoire moderne, le pays fait face à une possible entrée de l’extrême droite dans son gouvernement
Les trois chefs de partis candidats aux élections législatives espagnoles Pedro Sanchez (PSOE), Yolanda Diaz (Sumar) et Santiago Abascal (Vox) débattent à la télévision le 19 juillet 2023.
Les trois chefs de partis candidats aux élections législatives espagnoles Pedro Sanchez (PSOE), Yolanda Diaz (Sumar) et Santiago Abascal (Vox) débattent à la télévision le 19 juillet 2023. - Juan Carlos Rojas/LaPresse/Shutt / SIPA
Ludivine Trichot

Propos recueillis par Ludivine Trichot

L'essentiel

  • Les élections législatives se déroulent dimanche 23 juillet en Espagne.
  • Selon un sondage Ipsos, réalisé pour le journal « La Vanguardia », le parti d’extrême droite Vox obtiendrait 12,6 % des voix. En cas de coalition avec le Parti populaire, ils pourraient obtenir une majorité absolue et ainsi gouverner.
  • Sophie Baby, maîtresse de conférences et auteure de « Histoire de l’Espagne du temps présent : franquisme, transition et démocratie », nous éclaire sur la situation.

A situation de crise, élections de crise. Les Espagnols sont appelés aux urnes dimanche 23 juillet pour des législatives anticipées convoquées par Pedro Sanchez, le Premier ministre socialiste du pays. Cette décision fait suite à l’échec de son parti aux élections régionales de mai. Le PSOE (socialistes), le Parti populaire (libéral conservateur), Sumar (extrême gauche) et Vox (extrême droite), vont s’affronter, ou s’allier, pour conquérir le parlement.

Selon un sondage Ipsos, réalisé pour le journal « La Vanguardia », Vox obtiendrait 12,6 % des voix. En cas de coalition avec le PP, qui recueillerait 35 % des votes, ils pourraient gouverner avec une majorité absolue. Selon ce scénario, même si le PSOE et Sumar s’alliaient, ils n’auraient pas suffisamment de sièges pour diriger le pays.

Sophie Baby, maîtresse de conférences et auteure de « Histoire de l’Espagne du temps présent : franquisme, transition et démocratie », nous éclaire sur la situation.

Pedro Sanchez a-t-il pris un risque en demandant ces élections anticipées ?

Il a parié sur un passage à l’offensive pour essayer de maintenir sa majorité au pouvoir. Il voulait profiter de sa présidence à l’UE, profiter de l’aura internationale que ça confère, pour mettre les Espagnols face aux alliances entre son grand rival, le Parti populaire, et Vox. Ces deux partis ont déjà construit des coalitions dans les gouvernements régionaux suite aux élections. Malgré ce qui est dit, le Parti socialiste ne s’en est pas si mal sorti aux dernières élections. C’est surtout Podemos qui s’est effondré. Les sondages donnent le Parti populaire en tête, mais tout va dépendre du poids des alliances. Le nouvel allié du PSOE doit être consistant. Ce qui va faire ces élections, ce sont les coalitions qui vont en découler avec Vox ou Sumar. Ça va se jouer à très peu.

Si le PP a la majorité absolue, c’est réglé. Si ce n’est pas le cas, il y aura peut-être plusieurs semaines de discussions avec Vox et on peut se retrouver dans la même situation que 2019 parce qu’il n’y a aucun gouvernement qui se forge. Si c’est le cas, Sumar pourrait avoir une chance de trouver une coalition stable avec le PSOE. Le pays a toujours gouverné en coalition, mais que l’extrême droite en fasse partie ce serait une première.

« Vox a une stratégie qui lui permet de prendre une importance bien supérieure à la réalité de son corps électoral »

Cette montée de l’extrême droite en Espagne est-elle dangereuse ?

Le parti Vox est un parti très récent puisqu’il date de 2014. Il est formé surtout de transfuges du Parti populaire. C’est un parti qui est monté en flèche vers 2018, mais maintenant il stagne dans les sondages. Cependant, Vox a réussi à s’imposer dans le paysage politique et ce n’est pas une mince affaire. Le groupe a une stratégie qui lui permet de prendre une importance bien supérieure à la réalité de son corps électoral. Le parti en lui-même ne va pas gagner les élections, mais en Espagne ce qui compte ce sont les coalitions. Si Vox s’impose aux côtés du PP, c’est symboliquement important. Cela voudrait dire que ce petit parti d’extrême droite devient un parti gouvernemental, ça le crédibilise. S’ils parviennent à cette alliance, ils ne voudront pas juste signer des accords mais faire pression pour exiger des postes au gouvernement.

Comment se traduirait une entrée de l’extrême droite au gouvernement en Espagne ?

Les conséquences de l’extrême droite au pouvoir on a déjà pu les voir dans les gouvernements régionaux. Il y a des discours antiféministes, des lois antisociales, notamment contre la communauté LGBT. Lors des dernières marches gay dans le pays, Vox a réussi à obtenir de certaines mairies d’enlever le drapeau arc-en-ciel de leur devanture. Les incidences culturelles et sociales seront évidentes si Vox arrive au pouvoir. Ils mènent une bataille idéologique forte en Espagne.

Il y a des manifestations qui brandissent le spectre du fascisme, une vraie mobilisation contre la montée de l’extrême droite s’installe dans le pays. En France, on est habitués à se mobiliser. Pour eux, c’est nouveau.