DEBATPas de « RSA sous conditions » à Lyon mais une « lutte contre le non-recours »

Réforme du RSA : La métropole de Lyon mise sur la « lutte contre le non-recours »

DEBATL’expérimentation de l’accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA a commencé mi-mai dans les dix-huit territoires sélectionnés. Parmi eux, la métropole de Lyon, l’un des seuls départements de gauche
Le Sénat examinait le projet de loi du gouvernement sur le « Plein emploi », la majorité a voté, entre autres, pour la suspension du versement de l’aide sociale lorsque l’allocataire ne respecte pas ses engagements ainsi que l’inscription automatique à la liste des demandeurs d’emploi (Illustration)
Le Sénat examinait le projet de loi du gouvernement sur le « Plein emploi », la majorité a voté, entre autres, pour la suspension du versement de l’aide sociale lorsque l’allocataire ne respecte pas ses engagements ainsi que l’inscription automatique à la liste des demandeurs d’emploi (Illustration) - Mourad ALLILI/SIPA / Sipa
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • Dans le cadre du projet de loi du « plein-emploi », dix-huit territoires en France ont lancé une expérimentation d’un accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA.
  • La métropole de Lyon en fait partie. Pour elle, pas question de faire travailler les prestataires « sous conditions ». Elle mise sur « la lutte contre l’exclusion sociale et pour une amélioration des droits ».
  • Les premiers retours d’expériences en deux mois de test permettent d’observer que « la création de postes » fait partie de l’amélioration de l’accompagnement des allocataires avec « une augmentation de 30 % de personnes qui se sont rendues aux rendez-vous » information-orientation.

Il y a quinze jours, le projet de loi « Plein emploi » proposé par le gouvernement a été durci par le Sénat. La majorité a voté, entre autres, pour le « contrat d’engagement » qui impose 15 heures d’activité d’insertion pour recevoir le revenu de solidarité active (RSA) ainsi que la suspension du versement de l’aide sociale (de 607,75 euros par mois, pour une personne seule) si l’allocataire ne respecte pas ses engagements.

Autant de mesures qui avaient convaincu Stéphane Troussel de retirer la Seine-Saint-Denis d’un test de ces dispositifs dans plusieurs territoires en France. Le président PS de ce département avait jugé que cet accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA était en réalité une façon de « réduire les droits sociaux et stigmatiser les plus pauvres », réagit-il une nouvelle fois auprès de 20 Minutes. « Ce qui est également problématique, c’est que le projet de loi est en train d’être voté alors que les expérimentations viennent à peine de commencer [mi-mai] et doivent durer jusqu’à fin 2024 », ajoute-t-il.

« C’est l’humain d’abord »

Sans la Seine-Saint-Denis, il ne reste que trois territoires de gauche « en test », dont la métropole de Lyon. « On s’est dit qu’il valait mieux monter dans le bateau et prouver qu’en mettant les moyens, on pouvait accompagner d’une meilleure manière les prestataires », explique Emeline Baume, vice-présidente de la métropole (EELV), en charge, entre autres, de l’économie sociale et solidaire.

Sur le débat du « RSA sous conditions », le positionnement de la métropole reste clair malgré le vote du Sénat. « Pour nous, ce sont 15 à 20 heures d’accompagnement et pas d’activité. C’est l’humain d’abord, assure-t-elle. On a une politique de lutte contre l’exclusion sociale et pour une amélioration des droits. Ce qui nous importe, c’est que la personne puisse avoir accès à tout ce à quoi elle peut prétendre et retrouver sa place dans la société. »

Depuis mi-mai, 1.300 allocataires de Givors et Grigny, deux communes qui ont souffert de la désindustrialisation, bénéficient de cet accompagnement renforcé. « Les premiers retours d’expériences montrent que le créneau de 14h30-16 heures, le mardi ou le jeudi, est celui pour lequel les personnes se déplacent le plus pour assister à la réunion d’information-orientation (RIO) », constate l’élue. Pour cette expérimentation, la collectivité s’engage à proposer une rencontre en physique dans les quinze jours après la demande de RSA contre trois mois dans le processus habituel.

Des débuts de tendance en deux mois d’expérimentation

« Le nombre de personnes qui se sont rendues à ces rendez-vous a augmenté de 30 %, s’exclame la vice-présidente. On a simplement passé des appels plutôt qu’envoyer un e-mail et laissé le choix aux allocataires. » Autre nouveauté : l’analyse complète des droits auxquels l’allocataire peut prétendre. « Le Sytral, la Caf… Tous les acteurs sont présents pour vérifier que les prestataires ont bien les aides auxquels ils ont le droit, insiste-t-elle. On est vraiment dans une posture de lutte contre le non-recours ». En deux mois, 60 % d’ouverture de droits pour des abonnements aux transports en commun ont été réalisées.

« C’est grâce à la création de postes de travailleurs sociaux qu’on obtient ces résultats », déclare Emeline Baume. Des emplois qui ont pu voir le jour grâce à l’enveloppe du gouvernement d’environ 720.000 euros. « Le vrai débat autour du plein-emploi, c’est de savoir jusqu’où vont aller la mobilisation de l’argent public et l’investissement social. Et donc, comment le gouvernement va faire pour affecter autant de moyens après la fin de ces expérimentations, dans tous les bassins de vie en besoin ? », conclut-elle. Sur la totalité de la métropole, près de 45.000 personnes sont au RSA, en Seine-Saint-Denis, il y a 100.000 allocataires.

Les débats à l’Assemblée nationale auront lieu cet automne.