Pause pipi (4/5)C’est quoi la parurésie, la peur de faire pipi en public ?

Qu’est-ce que le syndrome de la vessie timide, cette peur de faire pipi en public ?

Pause pipi (4/5)Pour les personnes souffrant de parurésie, impossible ou presque d’aller aux toilettes hors de chez soi
Pour les personnes souffrant de parurésie, impossible de faire pipi dans des toilettes publiques.
Pour les personnes souffrant de parurésie, impossible de faire pipi dans des toilettes publiques. - Nicolas Chauveau / SIPA
Anissa Boumediene

Anissa Boumediene

L'essentiel

  • Voilà un geste élémentaire du quotidien : uriner. Indispensable au point qu’à 20 Minutes, on a décidé de se pencher sérieusement sur le sujet.
  • Faire pipi, c’est simple. Mais en pratique, on se heurte à des considérations physiques et psychologiques parfois insoupçonnées, et à des habitudes qui ne sont pas toujours bonnes.
  • Et parmi ces considérations physiques et psychologiques insoupçonnées : la parurésie, ou syndrome de la vessie timide, qui empêche d’aller dans des toilettes publiques ou même chez des proches. C’est le thème de ce quatrième volet de notre série « Pause pipi ».

L’envie a beau être là, se faire de plus en plus pressante, il n’y a rien à faire. Pour les personnes souffrant de parurésie, ou syndrome de la vessie timide, impossible de faire pipi en public. On ne parle pas seulement d’un pipi sauvage en plein air, mais de l’incapacité à le faire dans des toilettes publiques et même chez des proches.

Un blocage physique qui découle d’un blocage psychologique. Et qui peut pourrir le quotidien. Comment ce syndrome se développe-t-il ? Peut-on s’en défaire ? 20 Minutes vous explique les dessous de ce trouble méconnu, mais plus répandu qu’on ne le pense.

Un blocage psychologique

En pratique, la parurésie est donc « un trouble d’anxiété sociale. Ceux qui en souffrent ont peur d’utiliser les toilettes pour uriner si d’autres personnes se trouvent à proximité. Il peut interférer avec les principales activités de la vie telles que le travail, les relations sociales et les voyages, indique l’Association internationale de la parurésie ». Le Dr Simon R. Knowles et le Dr Jason Skues, chercheurs à l’université de Melbourne, en Australie, et auteurs d’une étude publiée en 2016 sur le sujet, vont plus loin : « Alors que les personnes se sentent généralement à l’aise d’uriner dans l’intimité de leur propre maison, des difficultés surviennent lorsqu’elles se trouvent dans un environnement où d’autres peuvent les entendre ou les observer en train d’uriner ».

D’ailleurs, « ce n’est pas un motif de consultation observé en urologie, parce que la cause n’est pas physiologique, indique le Dr Anthony Giwerc, chirurgien-urologue à l’hôpital Saint-Louis, à Paris. Ces personnes vont se crisper et bloquer leur périnée, comme un réflexe qui va empêcher la miction ».

Un blocage dont « il faut déterminer la cause, parce que ce syndrome est souvent le signe d’autre chose. D’une pathologie qui, la plupart du temps, se révèle être une phobie sociale, avec une anxiété de performance et une peur d’être jugé, précise Stéphane Rusinek, psychologue et professeur de psychologie à l’université de Lille. Ce trouble est assez fréquent en cas de phobie sociale, même s’il peut être lié à une autre phobie. C’est d’ailleurs très souvent en recevant des patients souffrant de phobie sociale que leur parurésie est abordée. Dans 90 % des cas de syndrome de la vessie timide, il y a un terrain un peu anxieux derrière ».

« Certaines soirées se transforment en cauchemar »

Quand on parle de vessie timide, « cela peut faire sourire, mais au quotidien, la vie devient rapidement compliquée, confie Théo, la trentaine. Je ne peux pas pisser dans les bars, les trains, les avions, ni même chez des potes ou chez ma belle-famille. A un tel point qu’un jour, je suis allé sept fois aux toilettes durant un vol long-courrier de plus de quatorze heures, en vain. Je n’ai réussi à faire pipi qu’une heure avant d’arriver, se souvient le jeune homme. Et, quand je vais dans ma belle-famille, je préfère aller aux toilettes publiques dans le centre-ville, pour faire pipi en toute intimité ».

Pour le trentenaire, « certaines soirées se transforment en cauchemar : dans un bar, si je sais que des gens attendent derrière, impossible d’y arriver. Un soir de Fête de la musique, j’ai fait la queue une vingtaine de minutes aux toilettes d’un fast-food, mais comme je savais qu’il y avait du monde derrière moi, je n’ai pas pu. Quand je passe des heures la vessie pleine à craquer, que je meurs d’envie de faire pipi et que pas une goutte ne sort, ça fait vraiment mal physiquement. J’envie les mecs qui pissent entre deux voitures, j’en serais incapable ».

Longtemps, Théo a pensé qu’il était « chelou. Jusqu’au jour où j’ai entendu parler de ce syndrome, avec un nom scientifique, des symptômes, des causes, et que j’ai découvert que je n’étais pas seul ». Le jeune homme n’est effectivement pas seul : selon l’Association internationale de la parurésie, ce syndrome toucherait « environ 7 % de la population », surtout des hommes.

Un accompagnement adapté pour sortir de la parurésie

Au bout de longues années à souffrir, Théo « rêve de trouver une solution ; je n’en peux plus, mais je crains qu’il n’y ait pas grand-chose à faire à part des thérapies chelous ». Heureusement, un accompagnement a priori pas « chelou » existe, avec des résultats rapides. « Il ne s’agit pas de se lancer dans une psychothérapie qui durerait des années, rassure Stéphane Rusinek. La parurésie peut être prise en charge très rapidement, en quelques séances, grâce à une thérapie cognitive et comportementale ».

Ainsi, « s’il est établi que le patient a simplement peur d’être vu ou entendu quand il urine, il est possible de s’attaquer à cette problématique en lui apprenant à gérer son anxiété, puis en faisant de "l’exposition", poursuit le psychologue. On va mettre en place un accompagnement pour apprendre à se départir de sa peur, en commençant par les endroits publics qui font le moins peur, prescrit-il. Il peut s’agir du premier café qu’on va trouver. Puis, une fois qu’on s’est habitué à aller aux toilettes dans ce café ou d’autres, tenter l’étape d’après, un restaurant par exemple. Et pour s’assurer que la thérapie fonctionne, on liste toutes les stratégies d’évitement que pourrait utiliser le patient pour les empêcher : ne pas boire, uriner juste avant de sortir… »

Une méthode qui fonctionne, assure l’Association internationale de la parurésie. « C’est un trouble facilement traitable. De nombreuses études montrent que la thérapie cognitive et comportementale sur 8 à 12 séances, ou un atelier sur un week-end, aide au moins quatre personnes sur cinq qui en souffrent ».

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