avec ou sans cornet ?Pluie, canicule...La glace au défi d’une météo de plus en plus imprévisible

Consommation : Pluie ou canicule, la glace face au défi du dérèglement climatique

avec ou sans cornet ?« Y a plus de saison ma bonne dame »… Avec ce mois de juillet bien tristounet sur la moitié nord de la France, la glace, produit climatique par excellence, doit s’adapter
Une glace sous la pluie, ça vous tente ? Les Français, pas trop.
Une glace sous la pluie, ça vous tente ? Les Français, pas trop. - CanVa / CanVa
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Vous avez sûrement déprimé sous cette pluie inhabituelle de juillet et début août, mais ça y est, en direct, juste pour vous : la météo annonce un vrai week-end ensoleillé.
  • Une bonne nouvelle pour les glaciers. Sorbets et boules à la fraise ou au chocolat sont extrêmement dépendants d’une bonne météo estivale.
  • Si cette saison n’est pas non plus catastrophique, le différentiel de température entre juillet 2022 et juillet 2023 inaugure le prochain grand défi des glaciers.

Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, Fiona ne conclut jamais un repas sans proposer en dessert, je cite, « une bonne glace, miam miam miam ». Tout comme on connaît tous un ami obsessionnel qui a des envies de raclette même par 30 degrés en août - « et alors, on s’en fout que ce ne soit pas de saison, c’est délicieux non ? » –, la glace a ses aficionados jusqu’au-boutistes, prêts à nier ciel gris, hiver ou vent frisquet pour un cône et trois boules. Mais loin de ces rares fans hard-core, le petit monde du sorbet reste soumis à la météo.

Pour le meilleur et pour le pire. En 2022, le thermomètre explose tout en France : chaleur record en été, température record sur l’année et ventes records pour les glaces. 1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires, selon l’Association des Entreprises des Glaces. L’été 2023 est moins propice au débat « Boule chocolat ou vanille ? » : un juillet extrêmement pluvieux sur une bonne moitié du pays, après des mois de mai et de juin qu’on pourrait qualifier scientifiquement de « franchement pas ouf ».

Il pleure sur les glaces comme il pleut sur la ville

Conséquence : une baisse de - 3,7 % des volumes de ventes en juin et juillet selon le cabinet d’expert NielsenIQ. Nicolas Léger, directeur de l’équipe analytique, confirme : « La glace est un produit extrêmement dépendant des conditions climatiques. La corrélation entre la météo - températures et ensoleillement compris - et les volumes écoulés est évidente ». La comparaison des ventes semaine par semaine rend le tout encore plus édifiant. Prenons la semaine du 18 juin, jour le plus chaud de l’été 2022. En 2023, un an plus tard et 13 degrés en moins, 17,2 % de glaces en moins s’y sont vendus.

« J’espérais mieux pour le mois de juillet, mais la météo n’était pas avec nous », acquiesce Jean-Pierre, créateur et gérant de la boutique Reys, glaces éternelles à Paris. Il a toujours un œil rivé sur une multitude de logiciels de prévisions météo, plus ou moins précis et à plus ou moins long terme. Le temps qu’il fera demain, dans la quinzaine ou au cours du mois n’a pas de secret pour lui. Du moins en théorie - car un glacier le sait mieux que personne : aussi décisive soit-elle, la météo est une science bien inexacte.

Le prix, faible frein

Nous sommes presque à la mi-août, et ça y est, le soleil vient de se rappeler qu’il avait le droit de briller en été. Déjà trop tard pour sauver la saison française. « Un mois faible comme l’a été juillet ne peut se compenser » estime Nicolas Léger. Rassurez-vous, votre glacier préféré ne va sans doute pas mettre la clé sous la porte. Si la saison est bien molle en matière de volume, le chiffre d’affaires, lui, est au beau fixe : + 9,9 % de chiffre d’affaires sur la période juin juillet selon NielsenIQ, soit 52,3 millions d’euros supplémentaires, en raison de prix plus élevés avec l’inflation.

Les glaces de chez Reys
Les glaces de chez Reys - Reys

« En bord de mer, une boule qui coûtait 2,50 euros il y a un an sera difficilement trouvable à moins de 3 euros », annonce Bruno Aïm, président de la Confédération nationale des glaciers de France. Un léger frein « mais de bien moindre importance que les conditions climatiques », précise Nicolas Léger. La glace combine deux avantages : elle est vécue comme un achat plaisir et un achat de vacances. Conclusion : « Le prix est un critère moins vital que pour d’autres produits », poursuit l’expert de NielsenIQ.

Pas si ouf que ça le réchauffement climatique

Si on pouvait imaginer que le réchauffement climatique serait une aubaine pour les glaciers, le bilan est sérieusement à nuancer. Certes, la hausse des températures prolonge de plus en plus la saison jusqu’en septembre. Mais « il ne s’agit pas seulement de réchauffement mais de dérèglement », tempère Nicolas Léger, donnant une météo plus capricieuse, plus de pluie en été, plus de tempêtes, d’inondations… « L’été est fondamental et ultra-dominant pour les ventes », rappelle Nicolas Léger. « Si la météo y devient moins fixe, c’est une mauvaise nouvelle pour le secteur ». Peu importe qu’il fasse deux degrés de plus en janvier février s’il fait frisquet en juillet-août.

La Glacerie Paris accueille les clients, mais par beau temps de préférence
La Glacerie Paris accueille les clients, mais par beau temps de préférence - La Glacerie Paris

Si ce cru 2023 n’a donc rien de catastrophique, il annonce le défi à venir : répondre à une météo d’été de moins en moins fixe. Soulagement pour le milieu, la matière première est particulièrement adaptable. « C’est l’avantage de faire de la glace artisanale », plaide Jean-Pierre. « Si les prévisions indiquent un lendemain particulièrement beau et chaud, je peux passer commande jusqu’à 22-23 heures pour plus de stock chez mes fournisseurs. J’estime mes stocks à la semaine et je m’adapte chaque jour si besoin. Et puis s'il y a une rupture de stock une journée, ce n’est pas la fin du monde ».

S’adapter à l’imprévisible

Côté pluie, David, de La Glacerie Paris, estime également que le sujet n’est pas un souci : « Un bon produit dans les règles de l’art peut se stocker pendant deux ans. Au pire, on ne travaille pas la matière et on la ressort quand il fait plus beau ». Reste une norme peu adaptable : le personnel. Code du travail oblige, celui-ci est beaucoup moins flexible que la glace elle-même. « Je n’ai pas de saisonniers et les contrats et horaires sont fixés longtemps en avance », explique Jean-Pierre. Conséquence : « Si pendant une semaine il pleut, je ne peux pas leur dire ''Au fait, vous ne bossez que 20 heures et pas 35''. »

Pas de solution pour les jours pluvieux, mais en cas de forte canicule, David fait appel à des renforts lorsque cela est possible via des sociétés spécialisées. Tel est le métier « faits d’à-coups, de pics, de baisses… et d’adaptation. C’est un travail permanent de jonglage et d’équilibriste. » De quoi relativiser notre pression à nous au moment de choisir devant l’étal réfrigéré entre un parfum pistache ou un parfum citron (Fiona conseille la pistache, si jamais).

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