DIAGONALE DU LOL (2/4)Derrière ce nom grivois, « Montcuq » n’est pas que du poulet

Entre attractivité et ruralité, « Montcuq » est vraiment bien plus que son nom

DIAGONALE DU LOL (2/4)Montcuq, dans le Lot, vit paisiblement tout en oubliant son nom
Dans le bourg, la statut du petit Montcuquois montre ses fesses aux visiteurs
Dans le bourg, la statut du petit Montcuquois montre ses fesses aux visiteurs - L.F. / Canva
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Il y a les noms de villes ridicules, ou celles qui, malgré elle, entrent dans l’histoire pour une raison absurde sur les réseaux sociaux… En tout cas, la France regorge de lieux LOL.
  • Toute la semaine, avec sa série d’articles « La diagonale du LOL », 20 Minutes part à la découverte de ces villes qui ont un paragraphe « Culture Internet » sur leur fiche Wikipédia.
  • Aujourd’hui, Montcuq, petit village du Lot qui quarante ans après un célèbre sketch de Prevost tente d’être bien plus que son nom.

Note au lecteur : Avant de me rendre sur les lieux du tant attendu reportage à Montcuq, au sein de la rédaction de 20 Minutes, les gloussements et autres blagues hasardeuses ont traversé l’open space. Il m’a par exemple été proposé de me rendre dans une rôtisserie pour « vérifier si Montcuq était bien du poulet », ou demandé si « le chemin était étroit jusqu’à Montcuq ». Bien sûr, l’expression « Avoir Montcuq entre deux chaises » a elle aussi été suivie par quelques rires. Mais, au risque de vous décevoir, nous éviterons formellement de nous limiter à ce simple nom grivois pour décrire le village de Montcuq.

De notre envoyée spéciale à Montcuq (à prononcer « Monkuk »),

Il est 14 heures ce lundi et le Café du centre est encore bien prisé sur la jolie place de Montcuq, dans le Lot. En terrasse, randonneurs et cyclistes de passage dégustent des plats typiques du Quercinois en écoutant de la variété française. A l’intérieur, la sono crache les tristes paroles de chanson Mon vieux de Daniel Guichard et dénote avec l’ambiance générale. « Tu vois, ce n’était pas la misère. Ce n’était pas non plus le paradis », murmurent trois amies attablées et courbaturées de leurs randonnées sur le GR65, mieux connu sous le nom de chemin de Compostelle.

Au comptoir, Maurice, la petite vingtaine se marre avec ses collègues et même son concurrent d’en face, le serveur du Café de France : « tu finis à quelle heure toi ? Dans une heure ? On se capte après ? » Au comptoir, pour Maurice, ça ne fait aucun doute, Montcuq est bien plus que son nom. « Le village est vraiment joli. Quand vous vous baladez au milieu, vous avez des ruelles assez sympathiques qui ressemblent bien à la vielle époque, raconte-t-il, en pointant du doigt le donjon du XIIe siècle qui s’impose sur le bourg. Et la tour médiévale, ce n’est pas quelque chose qu’on a dans tous les villages ! »

L’héritage de Daniel Prevost

En quittant la terrasse, les petites marches mènent à une jolie rue en pente et dont le nom fait aujourd’hui toute la renommée du bourg : la rue du Petit rapporteur. En 1976, un désormais célèbre sketch du comédien Daniel Prevost marque un vrai tournant pour la petite commune de 1.800 habitants : « pour la première fois à la télévision, je vais vous montrer Montcuq. » Et quarante-sept ans plus tard, son héritage reste encore bien ancré dans la commune.

Alain Lalabarde, maire de Montcuq.
Alain Lalabarde, maire de Montcuq. - Lina Fourneau

Dans sa petite mairie, au sommet de la fameuse rue, le maire de Montcuq Alain Lalabarde - en chemisette et sandalettes - s’en réjouit et se dit encore surpris : « personne n’aurait pensé à l’époque que ça allait perdurer jusqu’en 2023. Alors à quoi bon mal prendre ces blagues grivoises, il faut se saisir d’opportunités. Ça nous a surtout permis de faire connaître la commune. » « En 1977, il y avait des gens qui sont venus pour visiter le village. Ça s’est enchaîné, et ça n’a jamais cessé. Et c’est à partir de là que le village a évolué », se rappelle-t-il. Quelques touristes passent encore le village en souvenir du sketch, d’autres restent pour y vivre.

Une question d’équilibre, toujours

Car si le village est devenu un lieu de villégiature de l’été, Montcuq n’en demeure pas moins vivant l’hiver. C’est sûrement ce qui fait la force de cette commune qui contrairement à d’autres se meurent davantage quand les randonneurs rentrent chez eux. Ici, il y a des restaurants à l’année, des commerces en tout genre, des établissements scolaires jusqu’au collège et les médecins ne manquent pas. « C’est rare, voire extraordinaire », se réjouit Alain Lalabarde qui mise sur l’attractivité de la commune, tout en gardant son « esprit rural ». « Tout est une question d’équilibre », souligne-t-il.

Plus bas dans la rue Petit rapporteur, dans sa boutique « Quercycles », Philippe loue et vend des vélos… été comme hiver, sept jours sur sept. Arrivé dans le village il y a cinq ans pour « la qualité de vie », le commerçant n’est en rien déçu : « c’est vivant toute l’année. On a de la chance d’avoir des artisans de qualité, des commerçants de qualité. Et surtout les gens restent là. » Mais très vite, il est interrompu par l’arrivée de Gaëlle, peinée par le poids de son sac de courses dans la rue en pente. Ancienne enseignante, la jeune femme a décidé après la crise sanitaire de tout quitter pour se reconvertir dans l’upcycling : « je suis surtout spécialisée dans la rénovation de meubles. » Depuis fin novembre, elle occupe la petite boutique - qui lui sert également d’atelier - en face de la mairie et rien ne la fera désormais quitter Montcuq : « c’est l’endroit parfait, car il y a pas mal de touristes mais aussi beaucoup d’activités avec les locaux. »

La fougue des commerçants

Alors forcément, si de plus en plus de commerçants décident de s’installer dans le bourg, l’espace y est de plus en plus limité. « C’est compliqué de trouver un local commercial », estime Gaëlle. « Ouais c’est une galère », renchérit Philippe. D’autres ont été un peu plus chanceux dans leur quête. C’est le cas de Stéphane, Lotois d’origine, qui a décidé en 2015 d’ouvrir sa propre brasserie artisanale « La Rapiette »*, située à l’extérieur du bourg.

Fatigué de son entreprise, l’impression de pousser les murs, cet ancien ingénieur a décidé de se reconvertir d’abord en brassant la bière chez lui pour la vendre aux copains du boulot. « Pas pour faire de l’argent, mais pour voir s’il y avait vraiment un marché », se souvient-il. Puis, rassuré par son succès, l’autoditacte quitte définitivement son travail pour augmenter sa production. « C’est quelqu’un qui a la tête sur les épaules », le décrit le maire qui, rassuré par la solidité du projet, l’appellera vingt-quatre heures plus tard pour lui proposer une ancienne grange sur le chemin du Cayrel.

Stéphane, devant ses trois cuves, arbore fièrement son tablier de brasseur.
Stéphane, devant ses trois cuves, arbore fièrement son tablier de brasseur. - Lina Fourneau

Huit ans après le lancement, Stéphane vend désormais six bières différentes et sa production lui permet d’en vivre : « l’an dernier on a fait 730 hecto, soit 73.000 litres. Avec l’autre cofondateur, Charles, ça nous fait pas mal de boulot. Mais dans le Lot, nous n’avons pas des gros besoins. » Avec seulement trois cuves, il faut toutefois faire gaffe. Parfois, la demande est plus forte que l’offre. « Il est nécessaire de rester prudent quand on prend un magasin supplémentaire. » Il est 16 heures et Stéphane doit filer, il faut aller chercher le pain au fournil. Un nouveau gars, un agriculteur vient de s’installer pas loin de sa brasserie et il fait son pain : « c’est aussi ça la force de ce coin, on arrive à bien vivre sans être régi par la finance, mais sans être délaissé pour autant. »

« On finit par l’oublier »

De retour dans le bourg, il nous reste une dernière rencontre, celle pour qui les mots ont un sens. Dans sa coquette librairie/salon de thé, ouverte il y a quatre ans, Nathalie reste d’abord prudente quant à prononciation du nom de sa commune : « parfois, on nous donne des cours de diction, en nous expliquant que le Q ne se prononce pas. Mais on ne dit bien pas un coq et pas un co. » Qui plus est, tous rappellent que Montcuq doit seulement son nom à sa géographie, car le village est situé sur une petite colline.

Près de sa grosse machine à café, Nathalie - francilienne de naissance - essaye toutefois de réfléchir à ce qui ferait la force de son village. Quelques notes de jazz résonnent en fond. Des clients vont et viennent entre les deux étages de librairie et le joli jardin où prendre le thé. « C’est difficile de savoir. Mais quand on balade des gens dans la journée, à la fin, ils disent "si je veux habiter quelque part, c’est à Montcuq et pas à Castellnau ou dans un autre village". » Puis reviennent les mêmes réponses que les autres habitants. Le côté vivant à l’année. La vitalité des commerces. Mais pour Nathalie, il y a autre chose : « la beauté du lieu. » « Il y a un charme car c’est un joli village sans être complètement parfait. Nous ne sommes pas à Gordes, dans le Vaucluse. Nous n’avons pas cette impression que si on déplace le pot de géranium de cinq centimètres, ça va être horrible », compare-t-elle.

Le petit coin paisible de Nathalie.
Le petit coin paisible de Nathalie. - Lina Fourneau

Alors si ces atouts permettent au village d’être attractif, il n'est pas garanti d'y trouver de la place. Il y a désormais très peu de maisons vacantes à Montcuq. En témoigne Jean-Yves qui cherchait à s’installer dans le bourg. Mais celui-ci voulait un très grand espace. « Deux trois hectares ». Il aura finalement trouvé plus loin, mais vient profiter chaque jour de l’ambiance montcuqoise. « Ici, on ne s’ennuie pas. On arrive même à sortir au moins une fois par semaine », rit-il en chœur avec son copain de location de vélo, Philippe. Quant au nom, on finit par l’oublier. « On n’y fait plus forcément attention », avouent les Montcuqois.

* L'abus d'alcool est dangereux pour la santé

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