LA DIAGONALE DU LOL (1/4)Cajarc, ville du « Schmilblic » de Coluche… et de bien d’autres personnages

Cajarc, ville du « Schmilblic » de Coluche… et de bien d’autres personnages

LA DIAGONALE DU LOL (1/4)En 1975, le sketch du « Schmilblic » marque un petit village du Lot, déjà bien connu par la présence d’autres personnages célèbres, Françoise Sagan et le couple Pompidou
Cajarc as'est fait connaître par Coluche, mais aussi grâce à deux autres personnages célèbres, Françoise Sagan et Georges Pompidou.
Cajarc as'est fait connaître par Coluche, mais aussi grâce à deux autres personnages célèbres, Françoise Sagan et Georges Pompidou. - SOULOY FREDERIC/DEVILLE CHRISTIAN/HIOGLU / SIPA/Canva
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Il y a les noms de villes ridicules, ou celles qui, malgré elle, entrent dans l’histoire pour une raison absurde sur les réseaux sociaux… En tout cas, la France regorge de lieux LOL.
  • Toute la semaine, avec sa série d’articles « La diagonale du LOL », 20 Minutes part à la découverte de ces villes qui ont un paragraphe « Culture Internet » sur leur fiche Wikipédia.
  • Aujourd’hui, Cajarc, jolie commune du Lot célèbre pour un sketch de Coluche, mais pas seulement.

De notre envoyée spéciale à Cajarc,

La pluie s’abat sur les jolies rues pavées de Cajarc, ce mardi. Le ciel est gris et le vent souffle. Si ce n’est pas commun ici au mois d’août, ce n’est pas pour autant que le petit village touristique du Lot s’arrêtera de vivre. Malgré le mauvais temps, randonneurs et cyclistes continuent de se pavaner dans la ville étape du chemin de Compostel. Et dans une ruelle au-dessus de la place du Forail, Jacques Borzo - chemise bleu foncé et chapeau de paille vissé sur la tête - fait découvrir à une vingtaine de touristes la façade d’une demeure historique.

Ancien maire de la ville de 2008 à 2020, le retraité est désormais guide local : « je ne suis pas historien, mais j’adore cette ville qui m’a adopté il y a trente-deux ans. » Chaque mardi, il explore le patrimoine de sa commune avec les visiteurs d’un jour, ou peut-être d’une vie. Qui sait. « Nous avons un centre médiéval intéressant, même s’il y a quelques erreurs de restauration. Mais quand je balade ces personnes, ils sont heureux et surpris en disant "on ne pensait pas que Cajarc renfermait autant de richesse architecturale" », raconte-t-il après sa visite.

En cette fin d’après-midi, le soleil est revenu sur le village, de quoi retrouver un peu d’optimisme. « Je me régale à vanter tout ce qu’on a pu mettre en place dans la commune », célèbre-t-il tout en commandant un Perrier tranche à la terrasse de la brasserie « Le Président ». Un nom qui n’est pas choisi au hasard. Mais nous y reviendrons.

Jacques Borzo a été maire de Cajarc de 2008 à 2020.
Jacques Borzo a été maire de Cajarc de 2008 à 2020. - L.F.

Coluche, papi Mougeot et Monsieur Moulino

Car au-delà du charme du village dont l’histoire a été préservée, « un des seuls à avoir gardé sa structure médiévale intacte », souligne l’ancien maire, Cajarc doit surtout sa renommée non pas à un, mais à trois personnages célèbres. Pour le grand public, c’est sûrement Coluche qui en sera le plus significatif avec son sketch culte du Schmilblic, en 1975, mettant en scène « Cajarc dans l’Aveyron ». Il y imite plusieurs personnages aussi folkloriques que stéréotypés. Parmi eux, Monsieur Moulino, un marchand d’articles de pêche à Cajarc et Papy Mougeot, vieux retraité vivant dans le même village. D’autres jouent des visiteurs de passage, montrant déjà l’importance du tourisme dans la commune.

Coluche est un peu partout dans le village
Coluche est un peu partout dans le village - L.F.

Un peu de fact checking s’impose toutefois ici pour Benjamin, conseiller pour l’Office de tourisme du grand Figeac : « dans son sketch, il dit "Cajarc dans l’Aveyron". Mais il s’est trompé. Il ne savait sûrement pas que Cajarc était dans le Lot, car l’Aveyron se trouve de l’autre côté du pont. » Qu’importe, depuis Coluche a laissé sa trace dans le village. Un restaurant appelé « Monsieur Moulino » s’est installé place du Forail, le bureau de presse porte le nom du « Schmilblic », tout comme le bateau faisant naviguer les touristes sur le Lot. Outre son sketch, l’humoriste était également attaché à ce village. « Sa femme avait une maison pas loin, à Sainte-Croix. Alors il revenait souvent, cinq six fois par an », se souvient l’ancien maire.

« La mémoire de Pompidou est encore très vive ici »

Mais ce n’est pas le seul à avoir magnifié la ville. Une autre femme célèbre y est même née, Françoise Sagan. Dans sa maison vêtue de lierres sur le « tour de ville » - des anciennes douves médiévales bien conservées - l’autrice y a grandi et s’est émancipée en écrivant son célèbre livre Bonjour Tristesse, à seulement 18 ans. « C’est une maison bourgeoise de deux étages, au toit d’ardoises noires, avec un petit jardin. Autant que je me souvienne, ses murs épais la protégeaient de la chaleur tout en la rendant agréable l’été », décrira-t-elle dans l’ouvrage édité par Christian Vallée Le pays où je suis née. Désormais, la maison est conservée au sein de la famille. Son fils et sa nièce séjournent à Cajarc de temps en temps. Sur son village natal, Sagan y écrira finalement ces mots : « Il y a la non chalance, la tolérance de ses habitants. »

Serait-ce ce qui a attiré également le couple Pompidou qui occupant déjà une maison secondaire dans le Cantal décidera de s’installer dans le Lot ? Peut-être. Mais une chose est sûre, alors Premier ministre, Georges Pompidou ne manquera pas de s’investir dans la vie de la commune. A titre gracieux, il deviendra même conseiller municipal, avant de devoir quitter le poste cinq ans plus tard pour se consacrer à la présidentielle. « Si j’avais commencé ma carrière politique plus tôt, j’aurais pu être Président », ricane Jacques Borzo. Continuant de siroter son Perrier, l’ancien maire remarque : « La mémoire de Pompidou reste encore très vive ici »… en témoigne parfaitement le nom de l’établissement.

Quelques rues plus loin, l’ancienne maison du couple présidentiel est désormais un centre d’art contemporain. « De manière générale, l’offre culturelle est importante pour la taille de notre commune », ajoute Jacques Borzo, citant par exemple le Centre d’enseignement artistique - qu’il a créé - ou encore le festival Africajarc dédié aux cultures africaines.

Conserver son authenticité

Mais si au fil du temps, Cajarc a surfé sur leur notoriété, tout ne leur est pas dû. « Du temps de nos trois personnages, certains visiteurs ont vu que le village était quand même très sympa entre ce cirque de falaise et les rives jouxtant le Lot. Et ils se sont dit que ça donnait envie de rester ». Car pour Jacques Borzo, la situation géographique compte également, au-delà du charme. « C’est moins beau que Saint-Cirq-Lapopie [un village à quelques kilomètres considéré comme un des plus beaux de France], mais ici ça vit ». Pour l’ancien maire, Cajarc se distingue ainsi des autres communes avoisinantes. « A moins de 25 kilomètres, il n’y a pas de ville. Donc on s’est créé notre propre économie ». Hiver comme été, il y a des restaurants, des bouchers, des magasins de vêtement, une pharmacie. « Et même un Ehpad et tout le corps médical nécessaire », souligne Jacques Borzo.

Pour l’ancien maire, l’authenticité compte également énormément : « pendant mon mandat, beaucoup m’ont demandé de faire venir plus d’entreprises, et même une zone industrielle. » Mais appartenant déjà à la communauté de communes du Grand Figeac, l’édile n’y voit aucun intérêt. « Gardons notre principal atout, le tourisme, les personnages célèbres et le paysage fait de falaises », martèle-t-il avant d’ajouter : « Maintenant, il faut qu’on préserve cette image. »

Protéger le patrimoine

Ici, Jacques Borzo fait surtout référence au futur projet de centrale photovoltaïque de 19 hectares au cœur du Parc naturel régional des Causses du Quercy. « Ils vont massacrer le territoire. Je suis pour l’énergie renouvelable, mais il faut des projets mesurés. Nous ne pouvons pas faire n’importe quoi de ces paysages qui nous font vivre grâce au tourisme », fustige l’ancien élu. Dimanche 13 août, les opposants se réunissaient une nouvelle fois pour protester contre ce projet qui risquerait de mettre en péril le parc naturel que Françoise Sagan décrivait ainsi : « Ces Causses, c’est l’impression fantastique, rassurante que la France est vide. C’est l’extraordinaire tranquillité de l’esprit, l’extraordinaire et fréquente gaieté de ces solitudes perpétuelles. »

Des habitants de Cajarc sont vent debout face au projet de centrale photovoltaïque de Total.
Des habitants de Cajarc sont vent debout face au projet de centrale photovoltaïque de Total. - Lina Fourneau

Toujours en terrasse du « Président », Jacques Borzo finit d’engloutir son Perrier. Le passionné d’histoire pourrait encore parler de son village pendant des heures. La résistance de Cajarc face à la prise des Anglais pendant le règne d’Aliénor d’Aquitaine. Les vingt-quatre dolmens du Néolithique. Le lion de Cajarc retrouvé dans les gisements de phosphate. Mais il est l’heure de se quitter. L’ancien maire vient de croiser ses visiteurs du matin. « Oh tu as changé de tenue toi ! Vous êtes toujours d’accord pour la maison ?, demande-t-il au couple. « Je les charrie. Ce matin, ils avaient l’air tellement intéressés par le village que je leur avais promis une remise de 30 % sur les maisons. »

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