gros creuxAu pays du cassoulet, la production de haricots fond comme neige au soleil

Sécheresse : Au pays du cassoulet, la production de haricots fond comme neige au soleil

gros creuxPour cause de sécheresse, la récolte des haricots lingots, ingrédient essentiel du célèbre cassoulet de Castelnaudary, est en chute
Cet haricot blanc est séché naturellement sur le champ pendant une grosse semaine avant d'être récolté. Illustration.
Cet haricot blanc est séché naturellement sur le champ pendant une grosse semaine avant d'être récolté. Illustration. - Wikicommons media / Wikicommons media
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Alors que la très folklorique Fête du cassoulet bat son plein à Castelnaudary (Aude), les producteurs du cru jouent les funambules.
  • Soumis à des restrictions d’eau en raison de la sécheresse hivernale, ils ont dû arbitrer, privilégier le rendement d’autres cultures à celui du délicat haricot qui fait la célébrité du plat emblématique.
  • Ils se refusent à parler de « fin des haricots » mais traversent une passe compliquée.

Jusqu’à dimanche, la Fête du cassoulet bat son plein à Castelnaudary (Aude), la « capitale mondiale » du plat emblématique. Malgré la chaleur, il est prévu d’y servir sur les grandes tablées jusqu’à 25.000 assiettes de la célèbre et consistante recette. « Celle qui est bonne, mijotée avec amour », souligne avec malice Michel Koehl, le grand chambellan de la Confrérie. Comprenez pas celle du voisin toulousain qui commet le sacrilège d’y rajouter de la tomate ou de la chapelure. A Castelnaudary, on ne fait pas son « vrai » cassoulet avec des haricots tarbais. On utilise les haricots blancs lingots du Lauragais, jugés « moins farineux », et dont la peau très fine est plus agréable en bouche.

Cultivés dans les environs, séchés au vent et au soleil sur le champ – contrairement à ses rivaux argentins, canadiens ou égyptiens – ils font l’or de la version chaurienne du plat, l’authenticité que recherchent les grands chefs dans leurs cassoles. Ils ont même atteint la consécration en 2020 en décrochant une Indication géographique protégée (IGP) pour une quinzaine d’exploitations audoises.

Des quotas d’eau divisés par deux

Mais en pleine période de récolte, et même si les quantités gargantuesques englouties en ce moment à Castelnaudary ne le laissent pas soupçonner, le haricot lingot se fait aussi plus rare. Pour cause de sécheresse. « On a fait des arbitrages », explique Marc Cauhopé, qui a choisi avec son fils, qui dirige désormais l’exploitation familiale, de ne cultiver que trois hectares de haricots lingots au lieu des dix habituels. Leur décision remonte à la période janvier-février, à l’heure où les lacs de la Ganguise et de Montbel (dans l’Ariège), principaux réservoirs d’irrigation dans le Lauragais, atteignaient des niveaux historiquement bas. « Les autorités nous ont indiqué que nos quotas d’arrosage allaient être globalement divisés par deux », raconte le jeune retraité.

« Pour gérer une ressource qui se fait rare », il a misé sur le maïs semences, au rendement sûr, au détriment d’un haricot « parfois capricieux et fragile », très gourmand en eau après sa floraison et très exposé dans les champs lors de sa grosse semaine de séchage. Au final, juillet a été plutôt pluvieux et un soleil de plomb arrive pile pour la récolte, mais il aurait fallu être voyant. Selon Marc Cauhopé, certains de ses confrères IGP n’ont pas cultivé de haricots du tout. Et il n’y a qu’une soixantaine d’hectares de haricots à récolter cette année, contre parfois 200. Une sacrée baisse quand « un hectare représente en moyenne deux tonnes » de lingots.

« Ce n’est pas la fin des haricots mais il en manquera »

« Ce n’est pas la fin des haricots, mais, oui, il va en manquer », reconnaît David Marty, le président du Syndicat des producteurs de haricot de Castelnaudary. D’autant que, même s’il se conserve remarquablement en chambre froide, les stocks étaient déjà bas après une « très mauvaise récolte 2022 ». Grosse déveine au moment où l’IGP produit son effet et booste la demande. Mais le responsable tient à rassurer les restaurateurs fidèles. « On va tout mettre en œuvre pour que personne ne reste sur la touche », dit-il. Pour lui, la consolidation de la filière « passera forcément par la sécurisation des ressources en eau » mais aussi peut-être, par la recherche scientifique, avec la mise au point de semences lauragaises « plus performantes et plus résistantes ».

Hydrologie, prix, rendement… Le grand chambellan, entre deux installations de tréteaux, évacue le sujet qui pourrait perturber la digestion des fêtards. « On en parlera le reste de l’année. Pour l’instant on fait la fête ! »