reportageA Toulouse, des maraudes pour aider les sans-abri contre la canicule

« Ça me rend fou cette chaleur ! » A Toulouse, des maraudes pour aider les sans-abri en pleine canicule

reportageAlors que Toulouse subit une forte canicule, les sans-abri en sont les premières victimes… Des maraudes sont organisées pour leur apporter de l’eau tous les jours
Laura, une jeune sans-abri de 32 ans, préfère rester sous le soleil brûlant plutôt que bouger malgré les conseils des bénévoles du Secours catholique.
Laura, une jeune sans-abri de 32 ans, préfère rester sous le soleil brûlant plutôt que bouger malgré les conseils des bénévoles du Secours catholique. - L.T. / 20 Minutes
Lucie Tollon

Lucie Tollon

L'essentiel

  • La Haute-Garonne fait partie des 19 départements en alerte rouge canicule. A Toulouse, on attend des températures allant jusqu’à 42 degrés jusqu’à la fin de la semaine.
  • Si certains peuvent se rafraîchir en intérieur, ce n’est pas le cas des sans-abri qui subissent de plein fouet les températures écrasantes dans les rues de la Ville rose.
  • Des maraudes sont organisées depuis juillet par le Secours catholique en lien avec la préfecture pour distribuer des bouteilles d’eau aux sans-abri. 20 Minutes a accompagné Andrew et Sébastien durant leur tournée.

Au pied du Burger King, place Wilson, en plein cagnard, les passants courent pour échapper à la chaleur étouffante de Toulouse. S’ils prenaient un peu plus le temps, ils pourraient observer une jeune femme, à moitié déshabillée, sueur au front, qui reste immobile. Elle, c’est Laura. A 32 ans, cette sans-abri ne bouge pas de ce coin de rue, hiver comme été, jour comme nuit. Sur la bouche de métro quand les températures sont négatives ou sous soleil de plomb… « On n’arrête pas de lui dire d’aller à l’ombre. Mais elle ne se déplace jamais », souffle Andrew Nguyen The Hien, coordinateur du Pôle errance du Secours catholique. Avec son compère Sébastien Leffrey, il traverse la ville tous les jours pour donner de l’eau aux sans-abri, comme à Laura qui s’endort sous l’effet de substances illicites sans prêter attention aux températures qui l’écrasent.

« Nous n’avons pas attendu l’alerte canicule pour aider les personnes dans la rue », explique Andrew. Un territoire qu’il connaît bien puisqu’il a décidé, il y a une dizaine d’années, de s’y confronter directement. « Huit mois en immersion pour comprendre les codes. Je voulais connaître davantage ce milieu pour mieux les aider ». En laissant sa femme et ses enfants, il a donc tout lâché par solidarité. Aujourd’hui, il a retrouvé son logement mais passe ses journées à accompagner ceux qu’il connaît mieux maintenant.

Un « Tonton » qui attend de dormir à l’hôpital

Caddies en mains remplis de bouteilles fraîches fournies par la préfecture, c’est un parcours précis qui démarre à 12h30 au départ de la place Arnaud-Bernard. « Chaque sans-abri à son spot particulier que les bénévoles connaissent bien », développe Sébastien, qui a lui aussi connu l’errance. Sous sa casquette « Stade Toulousain », les SDF le reconnaissent à chaque fois. Un signe distinctif pour celui qui s’est retrouvé dehors pendant deux ans avant de se réinsérer « à cause d’un accident de la vie », comme beaucoup d’autres…

Le "Tonton" de la rue du Taur accueille toujours avec plaisir les bouteilles d'eau offertes par les maradeurs.
Le "Tonton" de la rue du Taur accueille toujours avec plaisir les bouteilles d'eau offertes par les maradeurs.  - L.T.

C’est le cas de Thierry, dit « Tonton », qui attend tout sourire les deux bénévoles, rue du Taur. A l’ombre, profitant des brises dans cette artère toulousaine sur son fauteuil roulant, le bon élève a « arrêté l’alcool » depuis qu’il fait très chaud et écoute les conseils avisés d’Andrew, ancien infirmier. A la rue depuis sa sortie de prison, « Tonton » dégouline sous cette chaleur. Son pied fracturé, qui le force à rester assis dans son fauteuil, gonfle sous ces 38 degrés. Il n’attend qu’une chose : « dormir au frais à l’hôpital et qu’on puisse guérir mon pied. Ça me rend fou cette chaleur ! ». Le vieux briscard de la rue du Taur reste tout de même positif – comme les températures – : « On a de la volonté, c’est le principal ».

Dans ce trajet bien aiguillé, Andrew et Sébastien se font accoster tout le long de la maraude par des habitués. Tout le monde est reconnaissant. « Heureusement que vous êtes là ! Ça fait du bien de boire de l’eau », lâche un groupe de marginaux. « On le fait pour ça, ils sont toujours polis, toujours un merci ou un mot gentil », souligne le retraité bénévole motivé et souriant au quotidien. Avec Sébastien, pendant cette pause méridienne, ils s’arrêtent toujours pour discuter avec ceux qui en ont besoin. Alexandre a pu en profiter. Durant vingt minutes, ce SDF solitaire a pu échanger avec les bénévoles pour trouver des solutions. Après avoir avalé sa bouteille d’eau fraîche, l’ancien habitant de l’Ain s’est lâché auprès d’Andrew. « Je veux m’en sortir, je veux arrêter de mendier mais je ne sais pas quoi faire… ». Rendez-vous est pris dès mercredi, s’il le souhaite, le Secours catholique pourra l’aider à trouver un travail.

Certains sans domicile fixe s'arrêtent en reconnaissant Andrew et Sebastien.
Certains sans domicile fixe s'arrêtent en reconnaissant Andrew et Sebastien.  - L.T.

« On meurt plus l’été que l’hiver »

Du temps, de l’écoute et surtout de la prévention. « Les plus précaires pensent qu’ils peuvent s’hydrater avec de la bière. On leur explique qu’il faut vraiment boire de l’eau sinon, ils se mettent en danger. Pas plus tard qu’hier, on a eu un malaise parce que ce monsieur, âgé, n’avait pas bu et mangé depuis deux jours… » Selon le référent de la maraude, « on meurt plus l’été que l’hiver. On se doit d’être davantage vigilants ».

Notre direct canicule

Une course contre la montre pour Andrew et Sébastien qui ne ménagent pas leur effort sous la chaleur pour fournir le plus de bouteilles d’eau possible. Et du travail, il y en a. « Notre dernier recensement en février avec la mairie et l’Insee comptabilise à peu près 1.000 personnes à la rue et près de 7.000 sans domicile fixe. Ça ne fait qu’augmenter », alarme le coordinateur du Secours catholique. Une bouteille à la mer…

Sujets liés