EDUCATIONLa rentrée scolaire en août pour les élèves en difficulté, une bonne idée ?

Annonces d’Emmanuel Macron sur l’école : La rentrée scolaire le 20 août pour les élèves en difficulté, une bonne idée ?

EDUCATIONLe chef de l’Etat a émis ce souhait dans son interview au « Point », qui ne semble guère remporter les suffrages des enseignants
Selon le ministère de l'Education, en 2021-2022, plus de 150.000 élèves ont bénéficié d'un stage de réussite.
Selon le ministère de l'Education, en 2021-2022, plus de 150.000 élèves ont bénéficié d'un stage de réussite. - Canva / Canva
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Ce jeudi dans une interview au Point, le chef de l’Etat dit vouloir que les élèves « qui en ont besoin » puissent rentrer à l’école « dès le 20 août » pour « faire du rattrapage ».
  • Une proposition qui a fait bondir les syndicats enseignants. La faisabilité d’un développement des stages de prérentrée qui existent déjà se pose, selon eux.
  • Ils pointent aussi des freins psychologiques à la mesure et s’interrogent sur son efficacité.

Une petite bombe médiatique avant la rentrée. Ce jeudi dans une interview au Point, Emmanuel Macron s’est attaqué au sujet explosif des rythmes scolaires, sur lequel le gouvernement Hollande s’était pourtant cassé les dents. Qu’à cela ne tienne, le chef de l’Etat, a émis le souhait que les élèves « qui en ont besoin » puissent rentrer à l’école « dès le 20 août » pour « faire du rattrapage ».

Une suggestion qui s’appuie sur un dispositif existant : les stages de réussite, proposés pendant les petites vacances ou avant la rentrée, aux élèves en difficulté pour combler leurs lacunes dans les principales matières. Selon le ministère de l’Education, en 2021-2022, 8.020 écoles, collèges ou lycées ont organisé des stages mobilisant 15.576 professeurs du premier et second degré au bénéfice de plus de 150.000 élèves. L’ambition du président serait donc d’accueillir davantage d’élèves avant l’été.

Des soucis organisationnels

Une idée qui ne convainc pas les enseignants. D’abord parce qu’une généralisation de ce dispositif à tous les élèves en difficulté ne semble guère possible sur le terrain. En effet, à l’heure actuelle, les enfants participant à ce dispositif le font sur la base du volontariat. « On ne peut pas les contraindre à y participer, car le texte sur l’obligation scolaire ne porte pas sur ce type de dispositif », rappelle Elisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa. Par ailleurs, certaines familles refusent que leurs enfants y participent, car cela désorganiserait leurs vacances.

Coté logistique, le bât blesse aussi. « Les écoles accueillent déjà les centres de loisirs l’été », pointe Guislaine David, secrétaire générale de la FSU-Snuipp. Pas évident non plus de trouver suffisamment d’enseignants pour animer ces semaines de soutien. Car même s’ils ne crachent pas sur une source de revenus supplémentaire, se libérer fin août n'est pas toujours aisé, d’autant que c’est le moment où les profs préparent leurs cours. Difficile aussi en cette période de canicule d’imaginer des enfants plancher dans des locaux qui ne sont pas isolés et ventilés pour pouvoir bien protéger les élèves de la chaleur.

« Ces stages sont comme une forme de punition »

Les freins à une extension de ces stages de prérentrée sont aussi psychologiques. « Ce dispositif stigmatise les élèves en difficulté, qui ont droit aux vacances comme les autres. Ces stages sont comme une forme de punition », estime ainsi Guislaine David. Un avis partagé par Elisabeth Allain-Moreno : « Les pointer du doigt ainsi, ce n’est pas améliorer leur confiance en eux, si nécessaire à leur réussite. » Les syndicats enseignants s’interrogent aussi sur l’état de fatigue de ces enfants juste avant la Toussaint, après avoir fourni un gros travail de concentration dès la fin de l’été.

L’efficacité pédagogique de ces stages de réussite pose également question. « Ils fonctionnent pour résoudre des difficultés scolaires passagères, pas pour des lacunes très importantes. D’ailleurs, s’ils marchaient si bien que ça, on n’aurait pas tant d’élèves en difficulté à l’entrée en 6e », constate Guislaine David. Au lieu de ce type de remise à niveau ponctuelle, les enseignants réclament plutôt des dispositifs plus pérennes. « Pour combattre les difficultés scolaires, on a surtout besoin de réduire la taille des classes et d’augmenter le nombre de Rased (enseignants spécialisés dans la prise en charge des élèves en difficulté) », estime Elisabeth Allain-Moreno. Le nouveau ministre de l’Education, Gabriel Attal, visitera ce vendredi à Torcy un stage de réussite. L’occasion pour lui de préciser le projet d’extension du dispositif…

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