Baronne noireSégolène Royal et les insoumis tentent un coup pour les européennes

Européennes 2024 : Ségolène Royal et les insoumis tentent un coup politique

Baronne noireSégolène Royal s’est déclaré candidate pour mener une liste d’union avec les insoumis aux européennes
Ségolène Royal et Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise, lors des universités d'été 2023, vendredi 25 août.
Ségolène Royal et Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise, lors des universités d'été 2023, vendredi 25 août.  - JEFF PACHOUD / AFP / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Pour une surprise : Ségolène Royal se verrait bien candidate d’une liste d’union avec les insoumis aux européennes.
  • On ne sait pas très bien si les insoumis le veulent aussi, en tout cas tout ce beau monde tente un coup pour l’union aux européennes.
  • Ou, à défaut, démarrer leur campagne par un coup d’éclat, dont on a un peu de mal à voir encore s’il est sans lendemain ou plus sérieux.

De notre envoyée spéciale à Châteauneuf-sur-Isère (Drôme)

Il se passe toujours quelque chose avec Ségolène Royal. Et donc, en soi, l’invitation de l’ancienne candidate socialiste à la présidentielle à l’événement de rentrée de La France insoumise (LFI), les Amfis d’été, avait de quoi attirer l’œil. Mais on ne s’attendait pas à ressortir de la salle avec une déclaration de candidature pour une liste unitaire aux européennes de juin prochain avec LFI. « Il s’agit de lancer une dynamique d’union », a-t-elle déclaré à des journalistes un peu décontenancés. Et pas n’importe quelle dynamique d’union : avec elle à sa tête. Rappelons tout de même que EELV a désigné sa tête de liste (Marie Toussaint), ainsi que le PCF (Léon Desfontaines). Le patron du PS, lui, ne voit plus de chemin pour l’union aux européennes. Le chantier de l’union n’est pas immense, il est presque déjà terminé.

Les insoumis pris de vitesse

Depuis quelque temps, la rumeur – déjà extravagante – d’une Ségolène Royal en tête de liste des insoumis en cas de division de la Nupes, une sorte de plan B de luxe, courait. Son soutien à Jean-Luc Mélenchon lors de la présidentielle de 2022 a été particulièrement apprécié par les insoumis, qui y voient un des tournants de la campagne. Il y a quelques semaines, en privé, un chef à plume insoumis lui tressait des louanges émues, rares pour une ministre de François Hollande. D’ici à ce que ce soit la nouvelle stratégie des insoumis pour tenter d’imposer l’union de la gauche, on ne l’avait pas vu venir.

Peut-être que les insoumis eux-mêmes non plus. Après les déclarations de l’ancienne ministre de l’Ecologie, le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, a temporisé, se félicitant simplement qu’elle soutienne « comme Benoît Hamon ou Jérôme Guedj » une liste d’union aux européennes. « Pour ce qui est de la tête de liste, nous avons déjà dit que nous étions prêts à ce qu’elle ne soit pas issue de nos rangs. Bien sûr, il faut pour cela qu’elle soit en capacité de réunir les forces de la Nupes et de porter son programme. » Ségolène Royal a fait cette annonce toute seule ? « Oui, c’est ça », dit très directement Manon Aubry, la tête de liste LFI de 2019.

« Les Unitaires »

A mots couverts, un cadre du mouvement reconnaît être pris de vitesse, mais pas à revers : « Elle a été plus loin qu’on pensait, mais ça nous va très bien qu’elle soit disponible. » L’après-midi au scénario déjà haut en couleur a finalement versé dans le « Baron noir » quand, après une énième défense passionnée d’une liste Nupes aux européennes, Jean-Luc Mélenchon lance : « Nous voulons une victoire, c’est à ça qu’on travaille ! Alors ou bien il y aura une liste d’union ou bien il y aura une liste des ''Unitaires''. Méditez ! » Hein ? « La liste d’union, c’est celle qu’on veut faire avec toutes les composantes de la Nupes. La liste des ''Unitaires'', on la ferait avec tous ceux qui sont disponibles pour la faire avec nous », précise peu après Manuel Bompard.

Une liste des « Unitaires » avec Ségolène Royal, donc ? « Elle ou un•e autre éléphant social-démocrate, c’est un coup tactique susceptible de nous porter un petit commando au Parlement européen. Tant qu’on a Marina Mesure et Manon Aubry, et qu’on leur rajoute deux collègues aussi malins, on y mettra le souk. » Le voilà, le plan B de luxe. Avec une telle prise de guerre LFI pense pouvoir dire que l’union est chez eux, pas ailleurs : « Avec elle et nous, on couvre toute la Nupes ! », ose le même cadre. Voilà le récit.

Changer la donne

Franchement, on ne sait pas trop ce qu’il restera de ce « coup » du 25 août 2023 à Châteauneuf-sur-Isère le 9 juin prochain, au soir des élections européennes. « Rien du tout » reste l’option la plus probable. On a du mal à imaginer des insoumis, dont on se demande s’ils ne feignent pas de maîtriser des événements qui leur échappent en partie, aller en campagne avec une Ségolène Royal difficilement contrôlable à leur tête. Et puis ça peut faire bouger qui dans la Nupes ? Probablement pas grand monde.

Mais il y a des gens qui dans une situation politique bloquée savent créer l’événement : littéralement tenter de changer la donne. La politique, c’est aussi l’art de prendre le risque d’initiatives pour casser ou impulser des dynamiques, de saisir des opportunités que personne d’autre n’a aperçues. Ségolène Royal et Jean-Luc Mélenchon, avec tous leurs défauts, sont de ces gens-là. Avant de savoir si ça rate ou ça marche, vu de près, ça reste bluffant.

Sujets liés