ange ou démonLa place dans la fratrie a-t-elle un impact sur notre caractère ?

Famille : Aîné, cadet… La place occupée dans la fratrie a-t-elle un impact sur notre caractère ?

ange ou démonDes vidéos intitulées « first child vs second child » (premier enfant contre second enfant) se multiplient sur les réseaux sociaux et mettent en scène des aînés sages et raisonnés et des cadets perçus comme de véritables petits démons
Une aînée calme et sérieuse versus une cadette légèrement plus déjantée.
Une aînée calme et sérieuse versus une cadette légèrement plus déjantée. - Canva / Canva
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • Des vidéos intitulées « first child vs second child » (premier enfant contre second enfant) se multiplient sur TikTok et mettent en scène des aînés sages et raisonnés et des cadets perçus comme de véritables petits démons.
  • La place occupée dans la fratrie a-t-elle un impact sur notre caractère ? Les avis divergent.
  • « C’est l’investissement des parents qui est surtout déterminant.  », estime Bernard Golse, pédopsychiatre, psychanalyste et professeur à l’Université Paris Cité.

Elles se multiplient sur TikTok. Les vidéos « first child vs second child » (premier enfant contre second enfant) mettent en scène l’aîné et son petit frère ou sa petite sœur. Alors que les premiers-nés jouent du piano, peignent, jupe et chemise repassées et grand sourire, les seconds courent dans tous les sens, hurlent, tentent des choses improbables, ont de la purée dans les cheveux et du feutre sur les joues. Le postulat : l’aîné serait sage et raisonné et le cadet, un véritable petit démon.

Parce que cette croyance est répandue (et a généré un débat au sein de la rédaction), 20 Minutes a voulu en savoir plus. Les deuxièmes sont-ils vraiment des énergumènes sans foi ni loi ? Et plus globalement, la place occupée dans la fratrie a-t-elle un impact sur notre caractère ?

Un aîné responsable et un second voulant attirer l’attention

Une étude * à ce sujet a beaucoup fait parler d’elle. Réalisée en 2015 par l’institut de sondage YouGov auprès de 1.782 adultes britanniques sur la vision qu’ils ont d’eux-mêmes et de leurs frères et sœurs, elle montre que les aînés se voient ou sont perçus comme responsables et organisés tandis que les benjamins sont considérés comme drôles et détendus.

Pour Nina Bataille, coach professionnelle et autrice de Frères et sœurs, de la rivalité à la complicité **, ce constat à propos du tempérament du premier-né semble logique. « Même s’il faut faire attention car l’être humain est complexe, on remarque que l’aîné est souvent l’enfant avec lequel les parents sont les plus stressés parce qu’ils n’ont pas d’expérience. Ils ont peur qu’il n’arrive pas à marcher, à devenir propre, à lire. Ils lui mettent donc plus la pression qu’aux suivants, ce qui fait que les premiers de fratrie vont être plus autoritaires, leaders, rigides. »

Inversement, pour elle, le second serait plus flexible, habitué à être réveillé de sa sieste pour aller chercher le premier à l’école, par exemple. « Le cadet a davantage d’adaptabilité, mais ressent aussi le besoin d’être unique parce que l’aîné a déjà tout fait et que les parents s’émerveillent moins des progrès du deuxième. Cela donne des enfants ayant besoin de se démarquer, d’attirer l’attention, en faisant du bien ou des bêtises. » La solution, selon elle : accorder du temps, seul, au cadet et souligner ce qu’il a de particulier.

« Ce sont des conneries »

Bernard Golse, pédopsychiatre, psychanalyste et professeur à l’Université Paris Cité, ne croit pas en ces théories. Il reconnaît tout de même que « l’aîné est celui envers qui les parents ont la plus grande dette, car c’est celui-là qui leur a permis de devenir parents. » Selon lui, ces derniers « risquent d’être très, voire trop attentifs et exigeants », avant de relativiser : « mais, ces différences restent infimes. »

En 2015, des chercheurs de l’Université de Leipzig ont analysé les données de trois études nationales sur le sujet. L’une d’elles a consisté à faire passer un test de QI à 20.000 personnes. L’étude, publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS), conclut que les aînés présentent un quotient intellectuel plus élevé que ses petits frères et sœurs et que ce QI diminuerait de 1,5 point entre chaque nouvel enfant. « Des conneries », tranche le pédopsychiatre. A contrario, Nina Bataille trouve le constat de l’étude « logique ». « Les parents ont davantage poussé l’aîné, qui a bénéficié d’une attention exclusive. Mais quotient intellectuel n’est pas quotient émotionnel. »

« C’est l’investissement des parents qui est surtout déterminant. »

Pour le pédopsychiatre, « c’est l’investissement des parents qui est surtout déterminant. » Un avis partagé par Nina Bataille. « Ce sont seulement de petites tendances qui ont été observées, mais certainement pas des vérités absolues, d’autant plus lorsque des accidents de la vie comme un divorce ou le décès d’un enfant se produisent et viennent rebattre les cartes. » Selon la coach, le but est surtout de « rendre les parents plus conscients et donc en capacité de faire attention à l’éducation qu’ils donnent ».

Car, d’après elle, ces différences comportementales vont s’atténuer si les parents sont très attentifs à chaque enfant et qu’ils ne créent pas de rivalité entre eux. Et Bernard Golse de conclure : « Dans une fratrie, il n’y a aucune place idéale. »

* Etude réalisée du 12 au 13 janvier 2015 par YouGov auprès de 1.782 adultes britanniques

** « Frères et sœurs, de la rivalité à la complicité », Nina Bataille, Larousse, 192 pages.