etats-unisProcès en série, primaire, élection… La folle année à venir de Donald Trump

Présidentielle américaine 2024 : Procès en série, primaire, élection… La folle année à venir de Donald Trump

etats-unisL’ancien président américain reste le favori pour affronter Joe Biden, mais sa campagne pourrait tourner au casse-tête avec des procès qui risquent de le bloquer pendant des semaines cruciales
La juge Tanya Chutkan, Donald Trump et le procureur spécial Jack Smit (photomontage)
La juge Tanya Chutkan, Donald Trump et le procureur spécial Jack Smit (photomontage) - AFP / AFP
Philippe Berry

Philippe Berry

L'essentiel

  • La campagne de Donald Trump pour 2024 risque d’être interrompue par quatre procès à risque.
  • Mais malgré des inculpations à répétition, l’ancien président reste le grand favori de la primaire républicaine.
  • Selon le stratégiste républicain Barrett Marson, même la présidentielle s’annonce très serrée, face à un Joe Biden affaibli par l’inflation.

De notre correspondant aux Etats-Unis,

« Monsieur Trump, comme n’importe quel prévenu, devra s’arranger avec la date du procès indépendamment de son calendrier. » En fixant le début des hostilités pour le procès fédéral de Donald Trump, jugé pour interférence électorale, au 4 mars 2024, la juge Chutkan a insisté : « Il y a un intérêt sociétal pour un procès rapide. » Pour la justice américaine, une course contre la montre est engagée afin de juger Donald Trump à quatre reprises avant la présidentielle du 5 novembre 2024. L’ancien président risque d’être coincé sur le banc des accusés pendant des semaines en pleine primaire républicaine, puis avant une éventuelle revanche face à Joe Biden. Sans que cela semble forcément compromettre ses chances, avec une résistance aux scandales à toute épreuve. On fait le tour des prochains mois pour y voir plus clair.

Quel est le calendrier actuel ?

Les dates des procès risquent de changer, mais voici le calendrier actuel :

  • 15 janvier 2024 : Début de la primaire républicaine avec le caucus de l’Iowa.
  • 4 mars : Procès fédéral à Washington pour interférence électorale.
  • 5 mars : « Super Tuesday », avec 15 scrutins organisés le même jour.
  • 25 mars : Procès à New York dans l’affaire « Stormy Daniels », qui sera sans doute repoussé.
  • 20 mai : Procès fédéral en Floride sur les documents classifiés.
  • 15-18 juillet : Convention du parti républicain à Milwaukee.
  • 5 novembre : Election présidentielle.
  • Indéterminé : Procès en Géorgie pour Trump et 18 co-accusés, accusés d’avoir tenté de renverser le verdict des urnes en bande organisée.

Comment les procès vont-ils se dérouler ?

Les avocats de Donald Trump jouent la montre avec de multiples motions pour retarder les échéances, espérant faire de la présidentielle le juge de paix. Pour Brad Moss, avocat de Washington spécialiste des questions de sécurité nationale, « les deux procès fédéraux ont toutes les chances d’être les plats de résistance judiciaires au printemps prochain. »

Avec un acte d’accusation resserré ne visant que Donald Trump, notamment inculpé de « complot contre les Etats-Unis », le procureur spécial Jack Smith veut aller droit au but. Selon son estimation, le procès pourrait être expédié en quatre à six semaines. A Manhattan, le procureur a déjà dit qu’il était prêt à accepter un report du procès pour fraude bancaire visant Donald Trump dans l’affaire Stormy Daniels, pris en sandwich entre les deux poursuites fédérales, avec le procès des documents classifiés qui doit démarrer en mai en Floride.

La grande inconnue vient donc de la Géorgie, avec une inculpation tentaculaire contre Donald Trump et 18 proches, accusés d’avoir tenté de renverser le verdict des urnes. En s’appuyant sur des statuts issus d’une loi contre le crime organisé, la procureure Fani Willis prend le risque d’un procès-fleuve. Par le passé, rien que la sélection des jurés a traîné pendant des mois. Plusieurs accusés ont demandé un procès express qui pourrait avoir lieu dès octobre. Mais vu la complexité du dossier, Brad Moss estime peu probable que Donald Trump soit jugé en Géorgie avant « juin 2024 ».

Quel impact sur la primaire républicaine ?

Pour Donald Trump, pas question de zapper ces procès pour faire campagne. « Il n’a pas besoin d’être présent aux audiences préliminaires, mais il devra être là pendant les procès », note l’avocat. Si celui à Washington démarre bien le 4 mars, ce serait donc la veille du « Super Tuesday », où un tiers du total des délégués de la primaire est en jeu le même jour. De quoi torpiller les chances de n’importe quel candidat à une primaire. Mais Donald Trump n’est pas un animal politique comme les autres.

« Il a été inculpé quatre fois et son avance n’a pas vacillé, à plus de 40 points sur DeSantis. Il a été pris en photo en prison, et il a battu un record de levée de fonds. Donald Trump continue de contrôler le news cycle et ses adversaires n’arrivent pas à en profiter », note Barrett Marson, un stratégiste républicain de l’Arizona. Selon lui, Trump n’a pas besoin de battre le pavé comme les autres candidats, qui luttent pour se faire connaître des électeurs. Même avec une campagne entrecoupée par des procès, il pourra effectuer des allers-retours rapides en avion le week-end et galvaniser des milliers de supporteurs. Et s’il remporte les trois ou autre premiers scrutins de la primaire avec 20 points d’avance en janvier-février, l’affaire pourrait être vite pliée – pas mathématiquement, mais au moins politiquement –, avec des adversaires préférant jeter l’éponge.

Quel impact sur la présidentielle ?

La présidentielle aura lieu dans 14 mois. « Une éternité dans la vie, et encore plus en politique », rappelle Barrett Marson. Donald Trump sera-t-il acquitté ou condamné à de la prison ? De nouveaux détails dommageables émergeront-ils dans l’un des procès ? Où en sera l’économie américaine, et surtout l’inflation ? Impossible de spéculer à ce stade. Mais pour l’expert, attention à ne pas enterrer Trump, surtout face à un Joe Biden particulièrement impopulaire, avec seulement 42 % d’Américains satisfaits.

Dans l’Arizona, où Biden l’a emporté d’un cheveu – un peu plus de 10.000 voix – en 2020, « les électeurs indépendants voteront sur l’économie quotidienne : le prix de l’essence, du lait, des loyers et des crédits immobiliers », prédit Marson. « Si Trump peut arrêter de parler de l’élection ''volée'' de 2020 et simplement demander aux électeurs, comme Ronald Reagan l’avait fait, si leur situation s’est améliorée ou a empiré en quatre ans, il aurait de bien meilleures chances de battre Biden. »

Reste le scénario apocalyptique : une victoire de Donald Trump combinée à une condamnation à une lourde peine de prison. Si c’était devant la justice fédérale, il pourrait en théorie se gracier. Mais il serait normalement tenu de purger une peine imposée par un Etat comme la Géorgie, un potentiel cauchemar constitutionnel. On n’en est pas là. Dans l’immédiat, Donald Trump a rendez-vous le mercredi 6 septembre à Atlanta pour la lecture de l’acte d’accusation. Et pour la première fois, cela sera devant les caméras de télévision.

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