INTERVIEWDans les Landes, à la rencontre du serial inventeur Jacques Pitoux

Passionné « par le bricolage et l’encyclopédie Tout l’Univers », Jacques Pitoux est devenu un « serial inventeur »

INTERVIEWAujourd’hui installé dans les Landes, Jacques Pitoux, 56 ans, a neuf médailles d’or au concours Lépine et une quarantaine de brevets pour des inventions en tout genre à son actif
L'inventeur installé dans les Landes Jacques Pitoux a déjà décroché neuf médailles d'or au Concours Lépine
L'inventeur installé dans les Landes Jacques Pitoux a déjà décroché neuf médailles d'or au Concours Lépine - Mickaël Bosredon / 20 Minutes
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Jacques Pitoux vient de commercialiser l’une de ses dernières inventions, la Block’Fire, une boule extinctrice de feu équipée d’un système de déclenchement automatique, pour lequel il a obtenu une médaille d’or au Concours Lépine.
  • Passionné par les inventions en tout genre depuis plus d’un quart de siècle, il collectionne les récompenses et a déjà déposé une quarantaine de brevets.
  • Parallèlement, il travaille dans son atelier de Biscarosse sur des drones anti-incendie, au profit de la Sécurité civile.

Une ribambelle de coupes et de médailles dans une vitrine. Des prototypes de machines plus ou moins complets. Des pièces détachées partout. Ce bric-à-brac, c’est un peu plus d’un quart de siècle d’inventions en tout genre signées Jacques Pitoux, un baroudeur aux mille vies installé depuis six ans à Mimizan (Landes).

C’est en imaginant, il y a vingt-sept ans, un bouchon de champagne révolutionnaire, que Jacques Pitoux a tout plaqué pour se lancer dans une frénétique course à la création qui continue de l’animer. Et de le faire vivre. Pour sa dernière en date, la block’fire, une boule extinctrice d’incendie à déclenchement automatique, il a même créé une société. Parallèlement, il développe aussi des drones anti-incendie pour les pompiers. 20 Minutes est allé à la rencontre de ce « Géo Trouvetou » des Landes, dans son atelier de Biscarosse.

Vous êtes en train de finaliser un nouveau concept de drone anti-incendie embarquant une boule extinctrice qui éclate au-dessus du feu, dans le cadre de la lutte contre les feux de forêt. Qu’est-ce qui vous a amené à travailler sur ce concept ?

Nous avions déjà créé il y a quelques années avec ma société Flight Control, devenue Block’Fire International, le premier drone pompier qui larguait des boules extinctrices, mais sans système embarqué de télémétrie. Nous l’avons désormais équipé d’un système télémétrique permettant de faire éclater la boule à la hauteur souhaitée, pour une plus grande efficacité dans la lutte contre les départs d’incendie. Mais nous travaillons aussi sur la surveillance des zones après extinction du feu, car cela mobilise beaucoup de pompiers au sol, qui ne peuvent pas intervenir ailleurs durant ce temps. Nous avons ainsi mis au point un drone équipé d’une caméra thermique qui détecte le ou les points chauds subsistant après un incendie, et sur lesquels on lance une boule extinctrice. Le drone donne aussi le point GPS pour une intervention plus rapide des pompiers au sol, qui n’ont pas à sillonner des dizaines voire des centaines d’hectares.

Cela c’est pour le domaine de la Sécurité civile, mais vous avez aussi une activité commerciale, puisque la Block’Fire est commercialisée auprès du grand public ?

Ces boules extinctrices à déclenchement automatique, grâce à son système choc and start qui a été médaille d’or au concours Lépine en 2021, sont commercialisées depuis le 1er juillet. On vise effectivement le marché du particulier, qui peut s’en servir comme d’un extincteur en jetant la boule sur le feu, elle va alors éclater et disperser son produit, ou de manière passive, c’est-à-dire en la positionnant à proximité d’un point sensible comme un tableau électrique. En cas de départ d’incendie, le feu va entrer en contact avec la boule ce qui va la faire éclater et lui permettre de l’éteindre immédiatement, avant qu’il ne se propage au reste de la maison. La majorité de ces incendies sont dus à un problème électrique - compteur, tableau… - d’où l’intérêt de disposer d’un tel dispositif de prévention.

La boule extinctrice Block'Fire et son système choc and start inventée par Jacques Pitoux.
La boule extinctrice Block'Fire et son système choc and start inventée par Jacques Pitoux. - Mickaël Bosredon

Votre boule extinctrice à déclenchement automatique a remporté une médaille d’or au concours Lépine en 2021. C’était votre neuvième récompense. Vous êtes ce qu’on appelle un serial inventeur ?

Oui, cela a commencé en 1996, j’avais fait le buzz avec un bouchon de champagne qui permettait, en tirant sur une petite cordelette, de retirer la surpression qu’il y a entre le haut du niveau du vin et le bas du bouchon. Il y a ceux qui aiment faire sauter le bouchon, mais il y a aussi ceux que cela gêne, ou qui ont peur, alors l’idée était de tirer sur la ficelle pour ouvrir la bouteille comme un vin tranquille. C’était ma première invention et j’ai fait médaille d’argent, mais cela m’a surtout valu de faire quasiment toutes les télés… Et j’ai adoré cela !

Ce bouchon a été commercialisé par la suite ?

Deux marques de champagne ont commercialisé le produit, mais les ventes ont été trop faibles. On touchait à la tradition. J’ai tout de même revendu le brevet un million de francs.

Et vous avez poursuivi avec des inventions en tout genre ?

En 2011, j’ai remporté le concours Lépine avec une machine à café multidosettes, qui utilise toutes les dosettes que vous trouvez sur le marché. Cela n’a pas été commercialisé non plus, par manque de fonds. Ensuite, je suis passé à un robot ouvreur d’huîtres. L’idée était de placer la machine au milieu de la table, et chacun y déposait son huître qui s’ouvrait en quatre secondes en refermant l’appareil. En 2012, j’ai inventé les premiers prototypes de couvre-verre avec paille intégrée, qu’on appelle aussi couvercle anti-intrusion, même si je n’ai jamais touché un centime là-dessus, car je l’avais fait pour rendre service à un ami et partenaire commercial, et personnellement je n’y croyais pas du tout…

Le prototype de machine à café multidosettes inventée par Jacques Pitoux
Le prototype de machine à café multidosettes inventée par Jacques Pitoux - Mickaël Bosredon

D’où vous est venue cette passion pour l’invention ?

Je suis bricoleur depuis tout petit. Je lisais aussi l’encyclopédie Tout l’Univers, dans laquelle il y avait toutes les inventions. Cela m’a passionné. Mais j’ai rapidement voulu travailler pour gagner de l'argent, sans diplôme j'ai fait plusieurs métiers, DJ, assistant de production musicale, puis je suis arrivé dans la publicité à La-Roche-sur-Yon. Un jour, alors que j’habitais à Nantes, on ouvre une bouteille de champagne avec des amis, et en faisant sauter le bouchon on perd un quart de la bouteille. Tout le monde s’agace, ça crie, « c’est nul », « au prix où on la paye »… Le soir je me couche et je réfléchis, et je me dis qu’il y a forcément quelque chose à faire. Je suis allé acheter toute la littérature sur le champagne, puis je suis allé trouver un vigneron à Saumur qui faisait de la méthode champenoise et qui m’a tout expliqué.

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C’est là que j’ai commencé à bricoler un truc avec une petite soupape à l’intérieur, une cordelette, et ça a fonctionné. J’ai écrit à 32 maisons de champagne, j’ai reçu plein de réponses sympathiques mais négatives, et finalement trois ont accepté de me suivre dans l’aventure et de me sponsoriser pour la Foire de Paris. Aujourd’hui j’ai en tout neuf médailles d’or au concours Lépine, et j’ai déposé une quarantaine de brevets. Et ce n’est pas terminé.

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