procèsDeux hommes face à la justice et aux « quatre nanas » du chauffeur de bus tué

Chauffeur de bus tué à Bayonne : Un acharnement contre « une figure d’autorité », pour l’avocat de la famille

procèsWyssem Manai et Maxime Guyennon sont jugés devant la cour d’assises de Pau à partir de ce vendredi pour avoir, le 5 juillet 2020, tabassé Philippe Monguillot, chauffeur de bus à Bayonne, qui est décédé cinq jours plus tard
Chauffeur de bus tué à Bayonne : Les deux suspects jugés devant les Assises
Elsa Provenzano

Elsa Provenzano

L'essentiel

  • A partir de ce vendredi et jusqu’au 21 septembre se tient le procès des agresseurs de Philippe Monguillot, chauffeur de bus tué le 5 juillet 2020 à Bayonne. Ils sont jugés pour homicide involontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
  • A cause d’un différend sur la validation de leurs titres de transport et sur le port du masque, alors obligatoire, le conducteur de 59 ans a d’abord été roué de coups par les deux jeunes hommes avant un coup de poing fatal, administré par l’un d’eux.
  • L’accusé principal se serait défait de l’étreinte de son compagnon qui essayait de le retenir, pour porter le dernier coup. Un geste qui fait dire à l’avocat des parties civiles qu’il y a eu un « acharnement ».

Ce vendredi, un dossier sensible s’ouvre devant les assises de Pau jusqu’au 21 septembre. Deux jeunes hommes de 25 ans, Wyssem Manai et Maxime Guyennon, y sont renvoyés pour violences involontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Le 5 juillet 2020 à Bayonne, ils montent à bord d’un bus conduit par Philippe Monguillot, 59 ans. Après des tensions autour de la validation de leurs titres de transport et du port du masque, alors obligatoire, des témoins assistent à un déchaînement de violence, qui conduira au décès du conducteur cinq jours plus tard.

Entre 6.000 et 8.000 personnes avaient participé à une marche blanche organisée à Bayonne, après que la victime a succombé à ses blessures. Un autre accusé est aussi jugé pour avoir logé les deux agresseurs, leur permettant de se soustraire aux recherches.

Une escalade de la violence

Sur le banc des parties civiles, « ses quatre nanas », comme les appelait Philippe Monguillot, sa femme et ses trois filles. « Sur les faits en eux-mêmes, elles ne s’attendent pas à l’expression de regrets par les auteurs », livre leur conseil Alexandre Novion, qui dénonce « l’élaboration d’une défense contre la victime, dans la façon dont on veut borner la chronologie de cette dramatique journée du 5 juillet 2020 ». Pour lui, elle commence quelques heures avant l’agression, à 14h10. A ce moment-là, l’avocat décrit une « rencontre sous tension », autour de la validation de tickets et du port du masque, sans qu’on en vienne aux mains. Le retour des deux jeunes hommes dans le bus vers 19 heures, sans ticket ni masque, sonne pour lui comme une volonté d’en découdre.

Philippe Monguillot a essayé de leur montrer la sortie, selon les dires de son conseil qui rapporte des images captées par la caméra du bus. Mais le ton monte vite, des injures et des crachats sont lancés par des jeunes gens « éméchés et turbulents ». « Il est responsable de la sécurité des usagers, il est allé au-devant du danger dans l’exercice de son métier », ajoute maître Novion pour expliquer la raison pour laquelle le chauffeur est sorti de sa cabine. Se sentant peut-être acculé, le conducteur décroche un coup de tête au plus énervé des deux jeunes, Wyssem Manai. La défense note bien qu’il donne le premier coup.

A partir de ce moment, les choses s’enchaînent, ils descendent tous les trois du bus et les deux passagers rouent de coups de poing et de pied le chauffeur, qui se retrouve à terre. Il est frappé « particulièrement au niveau du visage, comme s’il fallait détruire cette figure d’autorité », analyse Alexandre Novion.

Deux rôles différents pour les accusés

Après son passage à tabac, Philippe Monguillot parvient à se mettre debout et essaie de rejoindre la cabine du bus. « Pour se relever, il n’a besoin de personne et ne s’appuie sur rien, insiste maître Frédéric Dutin, l’avocat de Maxime Guyennon, l’un des accusés. Selon les enregistrements et les témoins de la scène, mon client tente de retenir Wyssem Manai mais ce dernier se défait de son étreinte et va donner un dernier coup au chauffeur, qui chute et se fracasse le crâne. » Au regard de cette scène, le conseil estime que la qualification retenue contre son client n’est pas adaptée. « S’il n’y a pas le coup de Wyssem Manai, que n’a pas voulu Maxime Guyennon, il n’y a pas de chute et donc pas de décès », résume-t-il.

« La défense minimise les faits parce que Philippe Monguillot se relève mais il ne chute pas à cause du coup de poing », réagit l’avocat de la famille de la victime. Le médecin légiste quand on l’interroge sur la capacité de la victime à esquiver le coup après avoir été frappé à de nombreuses reprises parle d’un état « pseudo-ébrieux ». En clair, il n’est plus à même d’éviter le coup. « Il est tombé très lourdement parce qu’il avait été tabassé. Les deux scènes de violences sont indissociables », en conclut maître Alexandre Novion.

Mais l’avocat de Maxime Guyennon a une autre analyse. Son client n’a pas voulu ce coup de poing fatal, il a participé aux violences qui précèdent mais pas à celles ayant entraîné la mort. « On conçoit l’émotion qu’a créé le dossier et on sait qui sont les victimes mais si on reste sur l’émotion, la défense n’a plus rien à dire, insiste maître Frédéric Dutin. Un procès d’assises, c’est aussi le moment d’évoquer des questions de droit ».

Une requalification des faits

Selon son conseil, Thierry Sagardoytho, Wyssem Masai assume les faits. « Je soutiens depuis le début de cette dramatique affaire, que l’accusé principal a asséné un coup de poing au visage de Philippe Monguillot alors qu’ils sont face à face sur la plateforme du Tram, sous l’œil de la caméra qui a restitué la scène. Ce coup unique a provoqué la chute fatale qui a conduit au décès. » Durant l’instruction du dossier, les accusations d’homicide aggravé (pour lequel on encourt la perpétuité) ont été requalifiées en homicide involontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner (pour lequel on encourt trente ans de réclusion maximum).

« Suivant ma thèse, la juge d’instruction de Bayonne, puis la cour d’appel de Pau saisie par le parquet et les parties civiles, ont écarté sèchement l’accusation de meurtre, commente l’avocat du principal accusé. Sur ce plan, la messe est dite. Ce que j’entends raconter sur les plateaux TV et ailleurs n’est que fantasme et provocation à la haine contre un jeune homme qui a toujours admis sa culpabilité sur ce geste fatal. » De son côté l’avocat des parties civiles ne comprend pas la requalification, pour au moins « le plus jusqu’au boutiste des deux. Il y a eu un acharnement : il lui est insupportable qu’il puisse se relever. »

Devant les jurés populaires de la cour d’assises, les avocats de la défense devront composer avec des profils de récidivistes, dont l’un avait même interdiction par la justice de se trouver à Bayonne, ce jour-là. La victime, elle, a un « dossier professionnel nickel » si on en croit son avocat, sans aucun problème de violence. Le presque sexagénaire travaillait depuis l’âge de 14 ans et avait un deuxième boulot de chargé de livraison. Il était à un an de partir à la retraite.

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