ReportageAu village marocain d’Adebdi, plus une maison n’est habitable

Séisme au Maroc : A Adebdi, village coupé du monde, plus une maison n’est habitable

ReportageUne semaine jour pour jour après le séisme qui a ravagé la région du sud de Marrakech, dans le Haut Atlas, « 20 Minutes » s’est rendu dans un village presque entièrement coupé du monde
Séisme au Maroc : Reportage avec les secouristes français dans le Haut-Atlas
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • Dans la nuit de vendredi à samedi, un puissant séisme de magnitude 7 a touché le Maroc. L’épicentre de la secousse se situait dans la province d’Al-Haouz, au sud-ouest de la ville Marrakech.
  • Jeudi soir, des pompiers humanitaires du Groupe de secours catastrophe français (GSCF) se sont envolés d’Orly pour Agadir et apporter 250 kg de matériel à distribuer aux sinistrés. 20 Minutes les accompagne dans leur mission humanitaire.
  • Ce vendredi, une semaine jour pour jour après le séisme, les « pompiers humanitaires » se sont rendus dans un village presque entièrement coupé du monde. Outre la seule route devenue impraticable et l’effondrement de toutes les maisons, les habitants d’Adebdi ont aussi enterré dix des leurs.

De notre envoyé spécial au Maroc,

C’est tout un peuple qui souffre du tremblement de terre même si certains sont plus touchés que d’autres. A Tirknit, où 20 Minutes se trouvait jeudi, le bilan humain est très lourd, le village ayant perdu 82 de ses 400 habitants. Sur les hauteurs de cette commune, un hameau perdu dans la montagne, Adebdi, pleure la mort de dix personnes, dont quatre enfants. Et ce n’est pas le seul drame que vivent les survivants. La seule piste qui reliait Adebdi au monde est désormais quasiment impraticable. Des pans entiers de la route ont été emportés par les secousses jusqu’au fond d’un profond ravin. Ce qu’il reste de la piste est jonché d’éboulis, voire d’imposants rochers rendant impossible le passage de véhicules.

« Avant le séisme, les camions montaient ici souvent pour approvisionner les habitants, c’est impossible maintenant », déplore Hamid, un chauffeur de taxi franco-marocain. Alors l’aide est acheminée à pied, en mobylette ou plus souvent à dos de mule. Dans un ballet incessant, les convois de bêtes gravissent la route dangereuse, chargés de ce que les camions d’aide humanitaire ont balancé sur le côté faute de pouvoir aller plus loin.

Des mules à un train d’enfer au bord du précipice

Avec une équipe de l’ONG française GSCF, nous entamons un périple hasardeux pour livrer des tentes et du matériel de survie. Une ascension de 7km, sous un soleil de plomb, qui nous permet de constater l’étendue des dégâts. « Un orage sur cette route fissurée de partout et ce qui en reste finira par tomber », estime l’un des pompiers. Une inquiétude que ne semble pas partager les gamins qui mènent leurs mules a un train d’enfer au bord du précipice.

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Peu avant d’arriver au village, après trois heures de marche, nous tombons sur les maisons des oncles d’Hamid. Ici, neuf personnes vivaient dans cinq habitations rassemblées en une sorte de petit lotissement. Plus aucune n’est habitable. « J’ai toujours connu ces maisons et, là, il n’y a plus rien », constate le chauffeur de taxi. Murs affaissés, toits effondrés, fissures béantes. Le fils de l’un de ses oncles venait à peine de terminer la sienne, moderne, en parpaings et béton. « Elle a mieux tenu que les autres, mais le sol a bougé, on ne peut plus y habiter », explique le jeune homme.

En continuant l’ascension, un homme sans âge nous prévient que plus rien ne tient debout à Adebdi, « walou », lance-t-il avant de dévaler la piste au pas de course. Effectivement, lorsque l’on pénètre dans la petite bourgade, le spectacle est effroyable. « Ici, il y avait une route », explique un habitant, désignant un tas de gravats.

« Ça va prendre des mois »

L’armée est passée quelques jours plus tôt, pour livrer des tentes. Insuffisant et, de toute façon, inenvisageable lorsque l’hiver arrivera. Parce que si le paysage de ces montagnes est époustouflant, le climat y est particulièrement rude en fin d’année. « Ici, on est à 1.500 mètres, il neige souvent sur les sommets, mais aussi parfois dans le village », promet un autre habitant, un bandage sur la tête, stigmate du séisme.

Les hommes du GSCF ont marché plus de trois heures pour rejoindre le village d'Adebdi et y livrer des tentes aux habitants qui n'ont plus de toit.
Les hommes du GSCF ont marché plus de trois heures pour rejoindre le village d'Adebdi et y livrer des tentes aux habitants qui n'ont plus de toit. - Mikaël Libert

Ce qui inquiète le plus les villageois, c’est le temps que va mettre le gouvernement pour réparer la route. « Il faut venir évaluer les dégâts et, ça, partout où la terre a tremblé. Ça va prendre des mois », regrette Mohamed, l’instituteur du village. Outre les difficultés d’approvisionnement, c’est la crise économique que craignent les habitants d’Adebdi. « Ils vivent tous de la culture de l’argan, des amandes, de l’olive ou des pois de caroube, confie Hamid. Mais les champs sont dévastés, les arbres se sont couchés avec le tremblement de terre. Pour eux, l’avenir est très sombre. »