EDUCATIONComment parler du harcèlement scolaire à de jeunes enfants ?

Harcèlement scolaire : Comment les parents peuvent en parler à leur enfant quand il est petit ?

EDUCATIONAborder le sujet de manière préventive est très utile, pour limiter à son enfant les risques d’être victime ou harceleur
Dès l'école élémentaire, les parents ont tout intérêt à aborder la question des violences scolaires avec leur enfant.
Dès l'école élémentaire, les parents ont tout intérêt à aborder la question des violences scolaires avec leur enfant.  - Canva / Canva
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Selon le rapport parlementaire d’Erwan Balanant paru en 2020 sur le sujet, 12 % des élèves de primaire sont harcelés à l’école.
  • Alors que le ministre de l’Education, Gabriel Attal, annoncera un plan d’actions lundi prochain pour lutter contre ce fléau, les parents sont de plus en plus préoccupés par ce sujet.
  • D’où l’importance de faire de la prévention auprès de leur enfant. Les experts du harcèlement scolaire leur livre quelques conseils.

Ce n’est pas parce qu’ils sont petits qu’ils sont épargnés : les élèves d’élémentaire sont eux aussi victimes de harcèlement scolaire. Selon le rapport parlementaire d’Erwan Balanant paru en 2020 sur le sujet, 12 % des élèves de primaire sont touchés par ce fléau. En cette rentrée, plusieurs tristes affaires ont remis le sujet au cœur de l’actualité, et il le sera encore la semaine prochaine puisque le ministre de l’Education, Gabriel Attal, annoncera un plan d’actions mercredi prochain.

La forte attention de l’opinion publique à ce problème de société rejaillit sur les parents, qui se demandent s’ils doivent aborder le sujet avec leurs enfants lorsque ceux-ci sont à l’école élémentaire et encore petits (entre 5 ans et demi et 10-11 ans). Pour Elsa Maudet, qui vient de publier une BD* sur le sujet à l’attention des enfants de cet âge, il est important de les sensibiliser tôt : « Les adolescents harcelés au collège l’ont souvent été à l’école. Si, dès le plus jeune âge, on désamorce ces situations, cela permettra aux enfants de grandir sans perdre confiance en eux », explique-t-elle.

« Il faut en parler par petites touches, sans être trop lourd »

Aborder ce sujet de manière préventive, Marie Quartier **, enseignante à Lyon-2 et psychologue, estime aussi que c’est nécessaire. A condition de la faire avec tact : « Il faut en parler par petites touches, sans être trop lourd. Et ne pas employer le mot de harcèlement, mais plutôt demander à son enfant, quand l’occasion se présente, s’il a déjà vu un camarade subir régulièrement le rejet, des bousculades, des ricanements, des médisances de la part des autres élèves », suggère-t-elle.

Pas évident, en effet, d’utiliser le bon ton. Car les récents suicides d’adolescents ont tétanisé certains parents, qui peuvent manquer de recul pour aborder la question avec leur enfant. « Il ne faut pas lui donner l’impression d’être en hypervigilance anxieuse, en cherchant à savoir à tout prix et tout le temps s’il est victime de harcèlement. Car si le climat est anxiogène, l’enfant aura tendance à anticiper les problèmes. En revanche, les parents doivent montrer leur disposition constante à écouter leur enfant, laisser la porte ouverte aux confidences », insiste le psychopédagogue Bruno Humbeeck ***.

Faire de la prévention

Pour aider les parents à trouver les mots, la BD d’Elsa Maudet répond à des questions très concrètes que se posent les enfants telles que : « C’est quoi la différence entre des blagues et des moqueries ? ». « Comment prendre confiance en moi ? ». Une manière de poser un cadre : « Les enfants comme les adultes voient du harcèlement là où il n’y en a pas et parallèlement, certains faits graves sont considérées comme des chamailleries et passent sous les radars. D’où l’importance de rappeler ce que c’est. A savoir : embêtez un camarade de façon répétée via des moqueries, des insultes, des coups… »

Le rôle des parents est aussi primordial pour faire en sorte que leur enfant ne devienne pas harceleur ou témoin inactif. Mais bien souvent, lorsqu’ils abordent la question du harcèlement scolaire avec leur enfant, c’est uniquement pour savoir s’il n’en est pas victime. « Il existe un déni, car c’est douloureux pour les parents de s’imaginer que leur enfant peut être un agresseur. Ce qui les inciterait à penser qu’ils ont commis une erreur dans l’éducation qu’ils ont donnée », commente Elsa Maudet. Pourtant, des études ont montré que des élèves harcelés peuvent devenir harceleurs. Et qu’il n’existe pas de profil spécifique d’agresseurs.

D’où l’importance de développer chez l’enfant le sens de l’empathie dès le plus jeune âge : « Les leçons de morale ne sont pas très utiles, mais il faut l’inciter à se mettre à la place de l’autre lorsqu’il a blessé quelqu’un. Et que les parents soient cohérents en incarnant eux-mêmes au quotidien des valeurs de bienveillance », souligne Marie Quartier. « Pour éveiller son intelligence émotionnelle, il faut l’inviter à prendre le point de vue de son frère ou de sa sœur, à se mettre à la place du personnage d’un dessin animé », complète Bruno Humbeeck.

Bien réagir quand la situation se pose

Mais souvent, les familles n’ont pas le temps de faire de la prévention. Et le sujet du harcèlement s’impose dans les discussions car un enfant en est la cible. La réaction des parents est alors primordiale. « Il ne faut ni dramatiser, ni minimiser les faits. Il est aussi impératif de ne pas ajouter d’émotions négatives à l’enfant, en dénigrant l’école par exemple, ou en se montrant démuni. Mais lui dire que l’on va trouver des solutions et lui faire part des démarches que l’on va entreprendre. Car c’est la capacité d’action du parent qui va rassurer l’enfant », soutient Bruno Humbeeck.

Obtenir son aval est aussi important, affirme Marie Quartier : « Les parents doivent lui demander qui il souhaite informer à l’école, afin de ne pas créer une gêne supplémentaire ». Autre impératif : aider son enfant à ne pas culpabiliser. « On peut être harcelé pour n’importe quel motif : parce qu’on est jugé trop grand, trop petit, mal habillé, qu’on n’écoute pas la bonne musique… », observe Elsa Maudet. Car cela procède de jeux de pouvoirs et d’effets de groupe. « L’Important est de ne surtout pas décrédibiliser les émotions de l’enfant en lui disant qu’il est trop sensible ou trop fragile », insiste Bruno Humbeeck.

* Dis, c'est quoi le harcèlement scolaire, Elsa Maudet et Laure Lacour, La cour des loulous, 15 euros.

** Marie Quartier est coautrice avec Sandra Laboucarie de l’ouvrage Le harcèlement scolaire et pas moi, l’essentiel pour y faire face, Hygée éditions, 13,90 euros.

*** Le Harcèlement scolaire, Bruno Humbeeck, Odile Jacob, 14,90 euros.