InstitutionsMais pourquoi les Français se fichent-ils des élections sénatoriales ?

Mais pourquoi les Français se fichent-ils des élections sénatoriales ?

InstitutionsLe 24 septembre, la moitié du Sénat sera renouvelée par un vote de 160.000 grands électeurs. Un événement qui ne passionne pas les foules, d’abord parce qu’il s’agit d’un scrutin indirect, mais aussi par méconnaissance du rôle de cette assemblée
Les grands électeurs votent pour les élections sénatoriales dans le Nord en 2011. (Illustration)
Les grands électeurs votent pour les élections sénatoriales dans le Nord en 2011. (Illustration) - M.Libert/20 Minutes / 20 Minutes
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • A la fin du mois de septembre auront lieu les élections sénatoriales, qui vont renouveler la moitié des sièges du Sénat.
  • Il s’agit d’une élection au suffrage universel indirect à laquelle participent de manière obligatoire quelque 160.000 grands électeurs.
  • Ce scrutin ne suscite pas un grand intérêt pour les Français, qui y voient plutôt une élection « entre personnes qui font de la politique ».

EDIT 24 SEPTEMBRE 2023 : Alors que les grands électeurs sont appelés aux urnes ce dimanche, 20 Minutes remet en avant cet article publié au mois de juin.

Les taux de participation à la dernière élection présidentielle prouvent qu’il y a un désintérêt certains des Français pour la politique, du moins pour les politiques. Si certains scrutins sortent leur épingle du jeu, comme les municipales, d’autres en revanche souffrent d’une abstention déconcertante, plus de 50 % pour les législatives de 2022. Qu’en est-il alors pour les élections sénatoriales ? Alerte spoiler : c’est encore pire ! 20 Minutes a tenté de savoir pourquoi les Français se fichent éperdument de ce pilier de nos institutions.

« Ah bon, c’est bientôt les élections sénatoriales », s’étonne Christine, une retraitée de 67 ans. Cette Lilloise trouve cela un peu étrange de n’avoir pas été sollicitée pour ce scrutin. Même chose pour Alexia, 20 ans, pour qui l’échéance de septembre est une découverte. « J’ai lu quelque part que cette élection se tenait bientôt », assure Jean-Pierre, 67 ans lui aussi. Sauf qu’il sèche sur les modalités du scrutin. Inutile de jeter la pierre à ces trois Lillois en particulier puisque aucun des passants rencontrés ce mardi dans le centre-ville de Lille n’a été en mesure de nous répondre.

« Un scrutin entre personnes qui font de la politique »

« Cela n’intéresse personne parce qu’il s’agit d’une élection indirecte, par des grands électeurs », explique Pierre Mathiot, politologue et directeur de Sciences Po Lille. En effet, les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect pour un mandat de six ans. Cette assemblée est renouvelée par moitié tous les trois ans. Et, surtout, ce ne sont donc pas les Français qui seront appelés aux urnes, mais de « grands électeurs », désignés ou élus au sein des collectivités territoriales, chez les députés et les sénateurs. « C’est une élection considérée par les Français comme un scrutin entre personnes qui font de la politique », analyse le politologue.

On peut donc comprendre que le vote en lui-même ne passionne pas les foules. Cela étant dit, l’institution en elle-même reste un mystère pour les personnes interrogées. « Il y a un vrai décalage entre le désintérêt pour cette élection et l’importance objective du Sénat », déplore Pierre Mathiot. « On a notamment vu, lors du vote de la réforme des retraites, que le Sénat avait un rôle important, poursuit-il. La manière dont sont conduits les débats est très différente de l’Assemblée, plus posée. » C’est l’idée que s’en fait Jean-Pierre, lequel estime que les sénateurs « sont en mesure d’apaiser les tensions au contraire de l’Assemblée où les députés se battent comme des laquais ».

« La politique est mal enseignée »

Ce qui ressort aussi auprès de nos témoins, c’est une méconnaissance du fonctionnement des institutions. Alexia le regrette : « En terminale, on a eu juste un petit chapitre là-dessus, ce n’est pas suffisant. La politique est mal enseignée, si on ne s’y intéresse pas, on ne comprend rien », reconnaît-elle. Du coup, sur le rôle du Sénat, tous répondent globalement que le Sénat « sert à voter les lois ». Ce n’est pas faux. Du moins en partie.

Il y a cette histoire de navette législative qui fait qu’un projet de loi passe d’une assemblée à l’autre jusqu’à ce qu’un texte consensuel en ressorte et soit voté. « Ce qu’il faut savoir aussi, c’est qu’en cas de désaccord entre les deux chambres, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot », remarque le politologue. C’est le contenu de l’article 44 de la Constitution. D’où la question de l’utilité du Sénat. « Bien sûr on pourrait faire une réforme, soit pour supprimer le Sénat, soit pour changer sa représentativité. Mais je n’y crois pas, ça ne bougera pas », tranche le patron de l’IEP.

En gros, si le Sénat à la même couleur politique que la majorité à l’Assemblée, ce n’est pas un contre-pouvoir. Et si sa couleur est différente, l’Assemblée peut se passer de son consentement. Pour la réforme des retraites, le Sénat, majoritairement de droite et centre-droit, a voté le texte du gouvernement sans beaucoup l’amender, exception faite de l’aménagement du dispositif « carrières longues ». Mais un sénat à gauche n’aurait pas forcément été un gage d’ouverture : « En 1920, le Sénat, qui avait alors le dernier mot sous la IIIe République, avait bloqué le droit de vote des femmes qui avait été adopté par la chambre des députés », rappelle Pierre Mathiot.