terrorismeSept ans après Magnanville, les policiers « en parlent encore »

Attentat de Magnanville : « Les collègues en parlent encore »… Un traumatisme dans la mémoire des policiers

terrorismeL’assassinat par un terroriste de Jean-Baptiste Salvaing et de Jessica Schneider, en juin 2016 dans les Yvelines, a suscité un vif émoi au sein des forces de l’ordre et de leurs familles
Un policier dépose une fleur à côté de la maison des policiers tués à Magnanville.
Un policier dépose une fleur à côté de la maison des policiers tués à Magnanville. - Thibault Camus / AP/SIPA
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Le 13 juin 2016, Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, commandant adjoint du commissariat des Mureaux (Yvelines), et sa compagne Jessica Schneider, 36 ans, agent administratif dans un commissariat voisin, sont assassinés à leur domicile dans les Yvelines, en présence de leur fils alors âgé de 3 ans.
  • L’assaillant, Larossi Abballa, est tué par le Raid après avoir revendiqué l’attaque au nom du groupe Etat islamique (EI) en direct sur les réseaux sociaux. Sept ans plus tard, seul un accusé, Mohamed Lamine Aberouz, comparaît à partir de lundi devant la cour d’assises spéciale pour complicité d’assassinats terroristes.
  • L’assassinat du couple a suscité un vif émoi au sein des forces de l’ordre : pour la première fois, deux des leurs ont été visés par une attaque djihadiste à leur domicile.

13 juin 2016. Le commandant Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, quitte le commissariat des Mureaux et monte dans sa voiture. Une vingtaine de kilomètres séparent son lieu de travail de son domicile situé à Magnanville, dans les Yvelines. Il est 20h20 lorsque le policier arrive et stationne son véhicule dans l’allée des Perdrix. Il en sort et franchit le portail en bois de sa maison. Soudain, un homme se jette sur lui, un couteau à la main, et le poignarde à plusieurs reprises dans l’abdomen. Il tente de s’enfuir, mais son agresseur le poursuit et lui porte d’autres coups.

La victime à terre, son meurtrier se retranche dans le petit pavillon blanc. A la fenêtre, il annonce avoir agi au nom de Daesh et détenir des otages : il s’agit de Jessica Schneider, la compagne de Jean-Baptiste Salvaing, qui est adjointe administrative du commissariat de Mantes-la-Jolie, et de leur fils de 3 ans et demi.

Quelques heures plus tard, les agents du Raid donnent l’assaut. Au rez-de-chaussée de la maison du couple de policiers, ils découvrent le corps de la jeune femme de 36 ans, qui a été égorgée. Le terroriste, Larossi Aballa, 25 ans, est tué lors de l’opération, après avoir posté sur Facebook une vidéo de revendication et d’allégeance à Daesh. La justice le soupçonne d’avoir été aidé par un complice, Mohamed Aberouz. Ce dernier, qui laissé de l’ADN sur le repose poignet de l’ordinateur du couple, serait parvenu à prendre la fuite. Il comparaîtra, à partir de lundi, devant la cour d’assises spéciale pour complicité d’assassinats terroristes.

Les victimes ont-elles été choisies par hasard ? Ou le terroriste connaissait-il leur profession ? L’enquête n’a pas permis de le déterminer avec certitude bien que plusieurs éléments alimentent cette dernière hypothèse. Larossi Aballa s’était plaint à de nombreuses reprises de contrôles d’identité répétés et avait exprimé sa haine des policiers devant plusieurs témoins. D’autre part, il avait effectué des recherches sur Internet sur Jessica Schneider et s’était rendu à plusieurs reprises à proximité du domicile du couple.

« Personne n’est à l’abri »

Dans les rangs policiers, l’assassinat de Jessica Schneider et Jean-Baptiste Salvaing a causé un traumatisme qui, sept ans plus tard, est toujours présent dans les mémoires. « L’attentat nous a beaucoup choqués. Dans les services, les collègues en parlent encore aujourd’hui », explique à 20 Minutes Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat Unité SGP Police-FO, une organisation qui s’est portée partie civile au procès. Les policiers, poursuit-elle, avaient déjà l’habitude, avant le drame, de prendre un certain nombre de précautions. « On évite d’habiter dans les circonscriptions où l’on travaille, on demande aux enfants de ne pas parler du travail de leurs parents. » Mais depuis l’attentat de Magnanville, les fonctionnaires savent « que ça peut arriver, même sans commettre d’imprudence, que personne n’est à l’abri ».

Les familles des policiers ont, elles aussi, été « très choquées, et on a toujours ça en tête », confie à 20 Minutes Aurélie Laroussie, présidente de l’association Femmes de forces de l’ordre en colère (FFOC). « On s’est tous identifié à ce couple, on a compris que cela pouvait aussi nous arriver. Même à la maison, on n’est plus en sécurité », raconte-t-elle. Avant d’ajouter : « On a toujours peur pour nos conjoints lorsqu’ils sont en service. Mais maintenant, on a aussi peur chez nous. » Depuis le drame, les familles des fonctionnaires ont changé certaines habitudes. « On fait plus attention quand on rentre chez nous, on est plus attentifs aux passages réguliers devant nos maisons. » Sur les réseaux sociaux, « beaucoup de policiers ne montrent plus leur visage, utilisent des pseudos », pour éviter d’être reconnus. Plus aucun policier ne prend le risque de rentrer chez lui en tenue.

« Mon compagnon rentre désormais avec son arme »

Dans les semaines qui ont suivi le double assassinat de Magnanville, le gouvernement a pris plusieurs mesures pour renforcer la sécurité des policiers. Un arrêté du 25 juillet 2016 les autorise à porter leur arme, même quand ils ne sont pas en service. « Mon compagnon rentre désormais avec son arme à la maison. Ça a été une avancée », estime Aurélie Laroussie. Par ailleurs, la loi du 28 février 2017 leur donne la possibilité d’être identifiés, dans les procédures judiciaires sensibles, par un numéro administratif. Ces affaires concernent des crimes ou des délits punis de plus de trois ans de prison.

Pour Linda Kebbab, il faut désormais aller plus loin. « Nous demandons l’anonymisation dans toutes les procédures, souligne la syndicaliste. Il nous paraît important aussi de ne plus publier l’identité des agents qui réussissent le concours de gardien de la paix. Ils ne sont pas encore policiers, mais sont déjà exposés. »

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