COMPTE RENDUAu procès de l’attentat de Magnanville, l’accusé « réitère » être innocent

Attentat de Magnanville : « Je réitère mon innocence », jure Mohamed Lamine Aberouz, complice présumé de l'assaillant

COMPTE RENDUAu premier jour de son procès, l'accusé a tenté de se démarquer de Larossi Abballa, l’assassin d’un couple de policiers en juin 2016 dans leur pavillon de Magnanville
De son box, l'accusé regarde le banc des parties civiles où ont pris place la mère et la soeur de Jessica Schneider, 36 ans, et les parents de son compagnon Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans.
De son box, l'accusé regarde le banc des parties civiles où ont pris place la mère et la soeur de Jessica Schneider, 36 ans, et les parents de son compagnon Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans.  - Benoit PEYRUCQ / AFP
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Le 13 juin 2016, Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, commandant adjoint du commissariat des Mureaux (Yvelines), et sa compagne Jessica Schneider, 36 ans, agent administratif dans un commissariat voisin, sont assassinés dans leur pavillon de Magnanville (Yvelines), sous les yeux de leur fils âgé alors de 3 ans.
  • Si l’assaillant, Larossi Abballa, a été tué par le Raid, Mohamed Lamine Aberouz, 30 ans, est jugé devant la cour d’assises spécialement constituée, à Paris, pour « complicité d’assassinat sur personne dépositaire de l’autorité publique », « association de malfaiteurs terroriste criminelle » et « complicité de séquestration en relation avec une entreprise terroriste ».
  • Au premier jour de son procès, l’accusé s’est catégoriquement démarqué de l’assassin du couple de policiers. La cour a également entendu sa compagne et son ex-fiancée, deux femmes radicalisées passées par la case prison.
  • Son procès doit durer jusqu’au 10 octobre. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

A la cour d’assises spécialement constituée,

La salle Voltaire, qui accueille les grands procès criminels, est ce lundi remplie de policiers émus. Au premier rang, sont notamment assis Céline Berthon, la directrice centrale de la sécurité publique, et des représentants du syndicat Unité SGP Police-FO, qui s’est porté partie civile. Tous sont venus soutenir les proches de Jean-Baptiste Salvaing et de Jessica Schneider, deux fonctionnaires assassinés à leur domicile de Magnanville (Yvelines), le 13 juin 2016, par Larossi Abballa.

Le terroriste, qui s’était retranché à l’intérieur du pavillon du couple, a été tué lors de l’assaut donné par le Raid pour libérer l’enfant du couple qu’il retenait en otage. Mais la justice le soupçonne d’avoir été aidé par un complice, dont l’ADN a été retrouvé sur le repose-poignet de l’ordinateur familial. Sept ans plus tard, Mohamed Lamine Aberouz, 30 ans, est seul à prendre place dans le box des accusés.

Tee-shirt blanc, lunettes noires, longue barbe, cheveux bruns attachés en chignon, l’accusé est invité à prendre la parole avant l’ouverture des débats. « En premier lieu, je veux exprimer toute ma compassion pour les familles des victimes », débute-t-il. « J’ai bien conscience des attentes qu’elles peuvent avoir de ce procès », poursuit-il, ajoutant qu’il partage leur désir de « recherche de vérité ». « J’espère y participer. » Néanmoins, il espère « être écouté » lors du procès qui doit durer jusqu’au 10 octobre, car « cela n’a pas été le cas durant l’instruction ». Mohamed Lamine Aberouz assure qu’il condamne fermement « l’acte monstrueux » commis par Larossi Abballa et jure qu’il « désavoue totalement » son ancien voisin et ami d’enfance. « Je réitère mon innocence », insiste-t-il, promettant d’éclaircir « certains éléments qui ont été tronqués, déloyaux, et même falsifiés » au cours des investigations.

Fiancées radicalisées

Les experts qui ont examiné l’accusé se succèdent à la barre pour livrer leur analyse concernant son profil. L’enquêtrice de personnalité, qui l’a rencontré au printemps 2017, note que Mohamed Lamine Aberouz a commencé à s’intéresser à la religion lorsqu’il avait 17 ans. « Il considère avoir une pratique modérée » et estime important « de pratiquer, et de respecter les obligations liées à l’islam ». L’accusé est issu d’une famille « plutôt pratiquante », complète l’un des psychiatres qui l’a entendu. Son frère aîné, qu’il prenait pour modèle, à même fait un séjour en prison après avoir tenté de rejoindre les Talibans au Pakistan. L’accusé, lui, est parti vivre en Mauritanie, en 2010, durant un an pour parfaire ses connaissances de l’arabe et de la religion. La pratique du jeune homme, qui se décrit comme « salafiste », est « rigoriste », observe l’une des psychiatres qui lui a parlé. Il lui avait indiqué qu’il « adhérait aux principes de l’Etat islamique » mais qu’il s’opposait « aux méthodes » du groupe terroriste.

Les relations que Mohamed Lamine Aberouz entretient avec les femmes en disent long sur son rapport à la religion. En début d’après-midi, la cour entend Sarah Hervouët en visio depuis sa prison où elle purge une peine de vingt ans de réclusion. Elle a été condamnée pour avoir poignardé un agent de la DGSI, en septembre 2016, après une tentative d’attentat aux bombonnes de gaz près de Notre-Dame de Paris. L’accusé, lui, avait écopé dans ce dossier de cinq ans de prison pour « non-dénonciation de crime ». A l’époque, le couple, qui ne s’était jamais rencontré, envisageait de se marier. « Avec Mohamed, on parlait religion, de la vie en général et de l’adaptation à vivre en France », explique la fine silhouette noire, bras croisés, qui apparaît sur les écrans vidéos. Contrairement à elle, Aberouz n’avait « absolument pas » l’intention de partir en Syrie rejoindre Daesh. « C’est quelqu’un qui m’apaisait beaucoup », poursuit-elle, ajoutant ne « rien avoir à dire de négatif » sur lui.

« Je sais que je suis une femme et que je n’ai pas à combattre »

Vers 18 heures, c’est au tour de sa Janna C., sa compagne actuelle, de faire son apparition dans la salle d’audience. Les tourtereaux se sont « mariés religieusement » le 20 juin 2021. Mais ce lundi, dans l’intimité d’une cour d’assises pleine à craquer, ils se rencontrent pour la première fois en vrai. Appelée à témoigner à la barre, elle refuse de prêter serment. « Non désolé je ne fais pas ça. Je ne suis pas une menteuse, je vais dire la vérité dans tous les cas. » Voilée de la tête aux pieds dans un jilbab vert, elle est sortie de prison le 14 septembre, après une condamnation à 7 ans d’emprisonnement pour un projet d’attentat en juillet 2016. S’est-elle déradicalisée en détention ? Si elle jure avoir « mûri et beaucoup évolué », sa réponse fait froid dans le dos. « Avant comment je voyais les choses ? C’était en mode si je voulais commettre une action violente c’est parce qu’on tuait mes frères et sœurs » en Syrie ou en Irak. « A l’heure actuelle, dans ma religion je sais que je suis une femme et que je n’ai pas à combattre. »

Dans son box, Aberouz mime des baisers avec ses lèvres. L’accusé se lève, tout sourire. « Je peux lui poser une question ? » Le président Christophe Petiteau lui donne son autorisation. « On nous fait passer pour des êtres incapables d’aimer mais tu sais combien je t’aime. » « Ce n’était pas une question », déplore le magistrat qui l’invite à s’asseoir. L’audience reprend mardi matin avec l’interrogatoire de personnalité de l’accusé.