PRÉCARITÉQuel bilan pour le « RSA jeunes », « dispositif extraordinaire mais méconnu » ?

« RSA jeunes » : Quel bilan pour ce « dispositif extraordinaire mais pas assez connu » ?

PRÉCARITÉLancé en 2021 pour Lyon et en 2022 pour la Loire-Atlantique, le revenu de solidarité jeune a permis à des personnes de moins de 25 ans « sans solution immédiate » de toucher quelques centaines d’euros par mois
Plusieurs départements, généralement pilotés par des partis politiques de gauche, ont lancé des expérimentations pour attribuer une aide mensuelle aux jeunes entre 18 et 25 ans, qui ne peuvent bénéficier d'autres dispositifs. La métropole de Lyon affirme avoir été la pionnière et fait aujourd'hui le bilan après deux ans de lancement/ (Illustration)
Plusieurs départements, généralement pilotés par des partis politiques de gauche, ont lancé des expérimentations pour attribuer une aide mensuelle aux jeunes entre 18 et 25 ans, qui ne peuvent bénéficier d'autres dispositifs. La métropole de Lyon affirme avoir été la pionnière et fait aujourd'hui le bilan après deux ans de lancement/ (Illustration) - Mathieu Pattier/SIPA / Sipa
A Nantes, Julie Urbach et, à Lyon, Elise Martin

A Nantes, Julie Urbach et, à Lyon, Elise Martin

L'essentiel

  • La métropole de Lyon a lancé en mai 2021 une expérimentation d’un « revenu de solidarité jeune », allant jusqu’à 420 euros par mois, destiné aux 18-25 ans qui ne sont pas éligibles aux dispositifs existants. En deux ans, près de 2.000 personnes en ont profité.
  • Si la métropole de Lyon a été la pionnière dans ce type d’expérimentation, elle a rapidement été suivie par d’autres départements, comme en Loire-Atlantique. Le conseil départemental a aidé 418 jeunes en un an d’expérimentation.
  • Contrairement aux critiques des opposants, ce « filet de sécurité » n’a pas été utilisé comme une mesure « d’assistanat ». En Loire-Atlantique par exemple, Michel Ménard, président du conseil départemental, misait sur un millier de bénéficiaires dès la première année.

«Sans le RSJ [revenu de solidarité jeune], ça aurait été compliqué. » Eloïse, 24 ans, raconte encore avec émotion un « épisode très difficile de sa vie ». « En 2022, j’ai été hospitalisée à deux reprises pendant des périodes assez longues, explique-t-elle. J’étais en deuxième année de master en recherches et en parallèle, je m’étais lancée en tant qu’autoentrepreneuse. Comme je n’ai pas pu aller aux partiels, j’ai perdu mes bourses et comme je n’avais pas assez cotisé du côté de ma société, je n’ai rien pu toucher. Malgré quelques économies, je ne pouvais plus subvenir à mes besoins. »

Prise de panique face à la possibilité de se retrouver à la rue, elle parle de sa situation à des infirmières qui lui conseillent de se rendre à la mission locale de Villeurbanne, près de Lyon. « J’ai été écoutée et extrêmement bien accompagnée, lance-t-elle. On a alors fait les démarches pour le RSJ et quasiment instantanément, j’ai pu avoir 420 euros par mois. Ça correspondait au montant de mon loyer. » La jeune femme a pu en bénéficier pendant six mois, jusqu’à « avoir la reconnaissance du statut de travailleuse handicapée », précise-t-elle. « Grâce au revenu de solidarité jeune, j’ai pu garder mon appartement mais surtout, bénéficier d’un accompagnement dans mon processus de guérison, ajoute-t-elle. C’est un dispositif extraordinaire qui est nécessaire, j’en parle à tout le monde autour de moi, ce n’est pas assez connu ! »

« Une source d’économie pour plus tard »

Comme Eloïse près de 2.000 jeunes vivant dans la métropole de Lyon ont eu recours à ce « filet de sécurité » depuis son lancement, en mai 2021. Pour Bruno Bernard, président (EELV) de la métropole, ces chiffres « montrent qu’on avait besoin de cette solution ». Cette aide, possible pour les personnes disposant de moins de 400 euros de ressources d’activité par mois et ne bénéficiant d’aucun autre dispositif, peut être attribuée pour une durée maximale de vingt-quatre mois répartis sur quatre ans. Après deux ans d’expérimentation, la métropole a conclu qu’en moyenne, les bénéficiaires en profitaient pendant neuf mois.

« Il n’y a pas un jeune qui veut rester dans une telle situation et se contenter de 400 euros par mois. Le RSJ évite de tomber dans l’extrême pauvreté, c’est une main tendue qui sécurise les parcours et évite les cassures. On est très satisfait de sa mise en place et on continuera d’aider, appuie le président de la métropole. De plus, nous ne sommes pas en concurrence avec les mesures nationales, au contraire, nous sommes là en secours face à un manque, un vide, pour toute une catégorie de la population. »

D’après une enquête de la Fondation Jean-Jaurès, les bénéficiaires sont « très hétérogènes ». Malgré ce point, ils partagent tous un « certain nombre de difficultés aux freins périphériques à l’emploi (logement, santé, mobilité, problèmes familiaux) » avec 65 % des jeunes qui expriment « au moins un frein ou plus ».

Un « vrai effet rebond » grâce à cette aide financière

Selon l’élu EELV, ce dispositif permet également « une source d’économie pour plus tard ». « Si on accompagne plus tôt un public en difficulté temporairement, on évite des situations qui s’aggravent », résume-t-il. Il souligne d’ailleurs « le faible effort financier » [dix millions d’euros de prévus et quatre réellement dépensés en deux ans] que demande la mise en place du dispositif. Bruno Bernard pousse ainsi le gouvernement à se saisir du dossier.

Si la métropole de Lyon a été la pionnière dans ce type d’expérimentation, elle a rapidement été suivie par d’autres départements, comme en Loire-Atlantique. Sur les bords de l’Erdre, le bilan d’étape après un an, est jugé « positif ». Ici, c’est le conseil départemental qui pilote le dispositif, qui a déjà bénéficié à 418 jeunes exactement.

« C’est une réponse rapide aux ruptures de parcours, explique Jérôme Alemany, vice-président (PS) insertion et lutte contre l’exclusion. On est satisfaits car il a permis de capter beaucoup de jeunes qui n’étaient pas connus des institutions, ni de Pôle emploi. » Des bénéficiaires « sortis des radars », dont la grande majorité (90 %) a un niveau égal ou inférieur au bac, et qui peuvent ainsi obtenir une aide mensuelle entre 150 et 500 euros, pendant quatre mois, renouvelables. « L’autre satisfaction, c’est que la moitié des jeunes concernés sortent du dispositif après cette première phase, le temps d’apurer une situation, poursuit Jérôme Alemany. Il y a donc un vrai effet rebond grâce à cette aide financière et à l’accompagnement proposé. »

Un constat qui permet à la collectivité de répondre aux critiques de l’opposition, qui pointait un risque d’assistanat. C’est finalement une autre limite qui est apparue : celle de toucher les nombreux jeunes en situation de précarité qui pourraient y prétendre, mais qui ne se signalent pas. « On s’attendait à être davantage sollicités, notamment chez les étudiants qui ne sont que quelques dizaines », reconnaît Michel Ménard, président du conseil départemental, qui misait sur un millier de bénéficiaires dès la première année. Le revenu jeune devrait « monter en puissance » ces prochaines années en Loire-Atlantique. Si une évaluation finale sera effectuée en 2025, l’objectif est aussi d’alimenter la réflexion autour de la pertinence d’un revenu jeune au niveau national.