COMMERCEStrasbourg ou la tentative de sauver les petits commerces des franchisés

Strasbourg ou la tentative de sauver les petits commerces face aux grandes enseignes

COMMERCELa ville de Strasbourg met en place le dispositif du droit de préemption pour lutter contre l’uniformisation des commerces
Illustration. Une rue commerçante de Strasbourg, le28 septembre 2023
Illustration. Une rue commerçante de Strasbourg, le28 septembre 2023 - G. Varela / 20 Minutes / 20 Minutes
Gilles Varela

Gilles Varela

L'essentiel

  • Comme d’autres grandes villes en France qui souhaitent faire face à une standardisation grandissante des commerces de leur centre-ville, Strasbourg souhaite bénéficier d’un droit de regard sur les changements d’enseignes afin de protéger le commerce local.
  • Le conseil municipal strasbourgeois vient d’adopter à l’unanimité l’instauration du droit de préemption des fonds de commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux.
  • En clair, la mairie aura son mot à dire quand une boutique sera achetée, « même si ce dispositif est puissant, souligne Joël Steffen, adjoint à la maire en charge du commerce, il est à manier avec précaution et parcimonie puisque la collectivité s’immisce dans les affaires privées. »

Une ancienne brasserie alsacienne au cœur de Strasbourg prochainement remplacée par un Foot locker. Des fast-foods nationaux, des banques… A bien y regarder, hormis la restauration, l’hôtellerie et les commerces spécialement dédiés au tourisme, l’offre commerciale se déséquilibre, ou tout du moins se standardise. Les petits commerces de proximité, d’habillement, des artisans, de services, ceux qui donnent vie aux villes fondent comme neige au soleil, laissant bien souvent place à de grandes enseignes nationales. A Strasbourg comme dans d’autres communes, les centres-villes se perdent, leur authenticité se noie peu à peu dans une uniformisation commerciale. Aussi, pour soutenir ses commerces locaux plutôt qu’implanter de grandes franchises, Strasbourg a choisi lors de son tout dernier conseil municipal de mettre en place un périmètre de sauvegarde et un droit de préemption sur l’installation des commerces.

Un dispositif qui existe déjà depuis longtemps dans des villes comme Lille, Marseille ou Nantes, avec des secteurs de préemption plus ou moins grand. A Strasbourg, contrairement à ce qui avait été envisagé en 2019, ce périmètre ne se limitera pas à la Grande-Ile et va bien au-delà. De nombreuses rues et secteur entier, dans plusieurs quartiers, sont concernés. Du quartier Gare, des Halles, de la Petite France, de l’Elsau, de Cronenbourg, du Neuhof, de la Krutenau… Une décision qui s’appuie sur une étude récente menée par la ville, et qui sans surprise dans la capitale européenne, montre la représentation importante des secteurs de l’alimentaire et de la restauration, notamment de la restauration rapide et à emporter, ou bien encore le développement des enseignes nationales dans le prêt-à-porter, malgré un effondrement de ce marché. Cafés, hôtels-restaurants représentent en effet à eux seuls plus d’un quart de l’offre du centre-ville strasbourgeois et plus encore dans l’hypercentre ou certaines rues ont même développé des monoactivités sectorielles. « Une dynamique qui peut avoir tendance à isoler et faire doucement disparaître le commerce indépendant, de proximité et de bouche, les secteurs d’activité moins rentables de la culture et des loisirs, relève l’étude. Pourtant ces activités restent tout particulièrement importantes pour conserver un centre-ville attractif et équilibré, qui réponde aux attentes des habitants, actifs, visiteurs et touristes. »

Un levier pour la diversification des commerces

Adopté à l’unanimité par l’assemblée municipale, « dans un contexte d’accélération des mutations du commerce, a souligné Joël Steffen, adjoint à la maire en charge du commerce, de l’artisanat et du tourisme, l’instauration du droit de préemption des fonds de commerce, fonds artisanaux et baux commerciaux, devrait être « un levier supplémentaire » pour diversifier l’offre. « Un levier supplémentaire contre cette standardisation du commerce », grâce à un périmètre où la ville aura concrètement la priorité sur d’éventuels acheteurs. En clair, la mairie aura son mot à dire quand une boutique sera achetée. Toute cession d’un local ou d’un bail commercial devra être déclarée en mairie si le commerce se trouve dans le périmètre de préemption. Reste alors à la ville, de déclarer son intention de préempter ou pas, c’est-à-dire de racheter le commerce avant de le rétrocéder à un commerçant ou un artisan. A charge pour elle, dans un délai d’un an, de trouver un nouvel acquéreur.

Facile sur le papier, plus dur à mettre réellement en pratique. Déjà, parce que « par retour d’expérience d’autres collectivités, on sait que ce droit de préemption est puissant mais qu’il est à manier avec précaution et parcimonie puisque la collectivité s’immisce dans les affaires privées. Nous en ferons une évaluation avec les partenaires au fur et à mesure de sa mise en œuvre dans les années à venir », conclut Joël Steffen. Une mise en œuvre difficile peut-être aussi parce qu’il faut en avoir les moyens. Dans les faits, la ville doit s’aligner sur le prix du vendeur ou négocier un compromis… Un dispositif qui peut s’avérer coûteux pour les finances municipales et qui pourrait se résumer finalement à préempter surtout lorsqu’un commerce est sur le point de vraiment changer de nature. Le prix à payer certainement pour un commerce diversifié.

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