REPORTAGEUne mère en grève de la faim après la mort de sa fille fauchée par un bus

Lyon : « Si ça ne marche pas, ça sera la corde au cou », prévient Sandrine en grève de la faim après la mort de sa fille

REPORTAGECinq ans après le décès de sa fille Johanna, percutée par un bus à Lyon, Sandrine Barthélémy a entamé une grève de la faim pour dénoncer les lenteurs de la justice
Cinq ans après le décès de sa fille Johanna, percutée par un bus à Lyon, Sandrine Barthélémy a entamé une grève de la faim pour dénoncer les lenteurs de la justice.
Cinq ans après le décès de sa fille Johanna, percutée par un bus à Lyon, Sandrine Barthélémy a entamé une grève de la faim pour dénoncer les lenteurs de la justice. - Caroline Girardon/20 Minutes / 20 Minutes
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Cinq ans après le décès de sa fille Johanna, Sandrine Barthélémy a entamé une grève de la faim pour dénoncer les lenteurs de la justice.
  • La lycéenne a été percutée par un bus le 16 janvier 2019 à Lyon alors qu’elle traversait la rue de la République pour rejoindre sa mère à l’heure du déjeuner.
  • Depuis, l’instruction est toujours en cours. Aucune date de procès à l’horizon.

EDIT : Victime de maux de tête et de nausées, Sandrine Barthémy a mis fin le vendredi 29 septembre à sa grève de la faim qu’elle avait entamée la veille, tout en se disant déterminée à poursuivre son combat.

« N’oublie pas d’aller manger ». Dans un geste amical d’au revoir, elle salue Marie-Danielle, son « amie spirituelle » qui lui promet en retour de repasser « plus tard ». Depuis mercredi minuit, Sandrine Barthélémy a entamé une grève de la faim, « remontée comme un soldat », afin de dénoncer les lenteurs de la justice et « combattre » pour sa fille. Johanna avait à peine 16 ans lorsqu’elle est décédée, percutée par un bus à Lyon alors qu’elle traversait la rue de la République pour rejoindre sa mère à l’heure du déjeuner. C’était le 16 janvier 2019.

Sandrine s’est installée sur les marches de l’opéra, à quelques mètres du lieu du drame. « Ce n’est pas pour rien que je me suis mise là », justifie-t-elle d’un regard. Pour tenir, elle est venue avec sa banderole « trop petite » à son goût, une « photo de Jojo », quelques coussins, de l’eau et un bouillon qu’elle nous fait sentir. Son poids, qu’elle réactualisera régulièrement, est inscrit sur une pancarte : « 61,5 kg », souligne-t-elle.

Une instruction qui « piétine »

Depuis près de cinq ans, « ça piétine », dénonce la mère de famille. L’instruction est toujours en cours malgré l’expertise en accidentologie, obtenue après une première grève de la faim en 2021, et les vidéos versées au dossier. Un dossier « facile ». Mais pas la moindre date de procès à l’horizon. La reconstitution de l’accident a été refusée car « jugée inutile », explique-t-elle. « Parce que la mort d’un enfant est inutile ? La justice ne me voit pas en tant que victime. Vous trouvez ça normal ? Si ma fille avait été celle de Collomb [l’ancien maire de Lyon] ou de Macron, il y a longtemps que les choses seraient réglées. Mais j’irai jusqu’au bout pour ma fille. Elle n’était pas un bout de carton qu’on a percuté. »

Dans le dossier, seul le conducteur du bus a été mis en examen pour homicide involontaire. Keolis, l’exploitant du réseau des transports en commun, et la mairie de Lyon n’ont pas été poursuivis. Alors sous un soleil de plomb, Sandrine Barthélémy laisse éclater sa détresse, assume de « faire la méchante », se dit « prête à dégainer sa kalachnikov invisible » mais rectifie être « une gentille fille dans la vie ».

« Cinq ans d’attente, c’est beaucoup trop long »

« C’est à croire que Johanna vaut moins qu’un pot de peinture », glisse-t-elle en montrant le passage piéton tracé sur le bitume après l’accident. « J’ai pris perpétuité. Je suis tombée dans un gouffre, chaque jour, un peu plus. Quand je remonte la pente, il y a toujours une vague pour me faire redescendre. Ce conducteur a tué mon enfant mais lui, il a repris sa vie et son travail. Ce n’est pas normal », dénonce l’aide soignante, précisant « n’avoir jamais eu d’excuses » : « Mais de toute façon, je n’en veux pas, c’est trop tard. »

Sylviane s’approche à son tour. Il s’agit de sa sœur venue la soutenir. « Cinq ans d’attente c’est beaucoup trop long, abonde-t-elle. Au départ, j’étais contre cette idée de la grève de la faim car j’ai déjà perdu ma nièce. Mais elle a raison car c’est inhumain. C’est grave aujourd’hui de devoir venir s’asseoir ici pour quémander la justice. C’est grave de devoir en arriver là. » « Si ça ne marche pas, ça sera la corde au cou », prévient Sandrine.

Devant les deux femmes, les passants défilent d’un pas pressé, d’autres s’arrêtent pour lire la pancarte. « Courage à vous, Madame », l’encourage une maman, tenant de la main son petit garçon de 5 ans. « La justice est très longue, je connais une proche qui a aussi perdu son enfant », glisse-t-elle, invitant le petit bonhomme à « faire un câlin à la dame ». « Il est autiste et on ne fait rien pour lui. Je vous comprends », précise-t-elle. Et de lancer avant de s’en aller : « Je prierai pour vous. »