sportL’incontinence urinaire des sportives, un problème fréquent mais « tabou »

« Les femmes n’en parlent pas entre elles… » L’incontinence urinaire des sportives, un problème fréquent mais tabou

sportDe nombreuses sportives, de haut niveau ou de loisirs, subissent des fuites urinaires pendant l’effort. Méconnue, la pathologie n’est « pas une fatalité », assure l’urologue Pierre Nevoux
Des femmes s'adonnant à la course à pied dans un parc.
Des femmes s'adonnant à la course à pied dans un parc. - B.Cawthra/Sipa / Sipa
Frédéric Brenon

Frédéric Brenon

L'essentiel

  • L’incontinence urinaire à l’effort touche essentiellement les femmes, quel que soit l’âge.
  • Les disciplines nécessitant une forte pression abdominale, comme la gymnastique, l’athlétisme, le trampoline ou les sports de raquette, sont plus exposées.
  • Des solutions sont possibles grâce à la rééducation périnéale ou la chirurgie.

«J’ai beau essayer de me retenir, c’est comme si mon corps ouvrait les vannes. » Diane, 29 ans, est passionnée de course à pied, que ce soit sur route ou chemins. Pour se préparer aux compétitions, elle effectue jusqu’à cinq sorties par semaine, pour une moyenne d’environ 70 km hebdomadaire. Mais « depuis deux-trois ans », son entraînement est régulièrement perturbé par des « fuites urinaires ou impossibilités à se contrôler ». « C’est surtout quand je fais du fractionné et des courses à haute intensité que ça se produit. Même en allant aux toilettes juste avant, ça survient », déplore-t-elle. Surprise, d’autant plus qu’elle n’a « jamais eu de grossesse », elle cherche à comprendre sur Internet. « J’ai vu que ça pouvait arriver. Les femmes n’en parlent pas entre elles. Moi, en tout cas, je n’en ai jamais parlé autour de moi. »

C’est justement pour lutter contre le « tabou » de cette pathologie largement méconnue que Pierre Nevoux, chirurgien au sein de la Clinique Urologique Nantes-Atlantis, souhaite aujourd’hui sensibiliser le public féminin pratiquant du sport. « L’incontinence urinaire chez les femmes, c’est vraiment un point faible, beaucoup plus répandu que ce qu’on pourrait croire. Il concerne tous les âges, y compris des jeunes sportives. On estime qu’environ 15 % des pratiquantes de sport loisirs sont concernées. Un chiffre qui peut grimper à 70 % chez certaines athlètes de haut niveau. » Des disciplines sont beaucoup plus exposées que d’autres : la gymnastique, l’athlétisme, les sports de raquette, le volley-ball, le handball, la course à pied… « En fait, ce sont tous les sports à fort impact et forte pression abdominale. La pathologie est, par exemple, extrêmement répandue chez les pratiquantes de trampoline, nettement moins en natation. », constate Pierre Nevoux.

« Il ne sert à rien de cesser de s’hydrater »

Mais de quoi parle-t-on au juste quand on évoque l’incontinence des sportives ? « Il s’agit d’incontinence à l’effort, provoquée par un relâchement des structures de soutien de l’urètre, qui conduit à une ouverture du col de la vessie. Le symptôme, c’est la fuite urinaire, soudaine, qui se manifeste par quelques gouttes ou plus selon les cas. Elle survient généralement lors d’une contraction importante, voire lors d’une toux ou d’un éternuement », explique l’urologue.

Les troubles alimentaires, le tabagisme, l’alcool, le café et les épices sont considérés comme des facteurs aggravants. En revanche, il n’y a pas de lien avec la quantité d’eau consommée. « Même une vessie presque vide peut rencontrer un problème de fuite. Donc il ne sert à rien de cesser de s’hydrater pendant le sport. Au contraire, c’est dangereux pour l’organisme », prévient Pierre Nevoux.

Pierre Nevoux, urologue et chirurgien à la Clinique urologique de Nantes.
Pierre Nevoux, urologue et chirurgien à la Clinique urologique de Nantes. - F.Brenon/20Minutes

Lorsqu’elles sont confrontées à l’incontinence, la plupart des sportives s’adaptent comme elles le peuvent, le plus souvent en ayant recours aux protections périodiques. Mais certaines vont baisser les bras et stopper toute activité physique. « Il faut savoir que si ça survient, ce n’est pas une fatalité. Il y a des solutions, insiste le spécialiste. Quand on se tord une cheville ou qu’on se casse un bras, on en parle sans problème, on sait à qui s’adresser. Mais quand il s’agit de fuite urinaire, on garde ça pour soi. C’est pour cela qu’il faut oser aller consulter un médecin ou un urologue. » Il s’écoule en moyenne sept ans entre les premiers symptômes et la prise de rendez-vous.

Exercices de kiné ou opération

Une fois l’incontinence à l’effort avérée (le diagnostic médical peut révéler un autre type d’incontinence), la réponse médicale est souvent une rééducation périnéale avec un kinésithérapeute. « Le kiné va apprendre à la patiente à mieux connaître son corps et proposer un programme d’exercices visant à remuscler le périnée. Des exercices qui pourront ensuite être répétés au quotidien », expose Pierre Nevoux. Une thérapie comportementale peut également se révéler « utile ».

En cas d’échec, la solution réside presque toujours dans la chirurgie. « La technique la plus pratiquée consiste à poser une bandelette, c’est-à-dire un fragment de tissu souple d’une dizaine de centimètres qui va soutenir le canal de l’urètre. » L’opération s’effectue sous anesthésie et ne nécessite une demi-journée d’hospitalisation. « Ça marche super bien. Les fuites cessent quasiment du jour au lendemain », assure le praticien.

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Angelina, accro au fitness et au running, confirme. « Deux semaines après l’opération, je faisais du char à voile et du surf. Au terme de la quatrième semaine, j’ai repris mes entraînements comme avant. Je n’ai plus aucun problème, c’est le jour et la nuit. » Diane, elle, a entrepris des exercices de rééducation du périnée seule de son côté, après avoir regardé sur Internet. « Je ne suis pas certaine que ça marche. Il faudrait que je me décide à consulter », confie-t-elle.

Et les hommes ? Eprouvent-ils, eux aussi, des difficultés à maîtriser leur vessie durant l’effort ? « Très très peu, rapporte Pierre Nevoux. Ils sont beaucoup moins exposés car leur soutien périnéal est beaucoup plus fort. Ils n’y sont pour rien, c’est simplement une question d’anatomie. »