BOULANGERIEOn a enfin percé le mystère du pain aux raisins (et de ceux qui l’aiment)

On a percé le mystère des pains aux raisins et on sait (enfin) pourquoi certains les aiment

BOULANGERIEIl faut de tout pour faire un monde, même des personnes qui aiment les pains aux raisins. A notre grande surprise, ils sont même plutôt nombreux. « 20 Minutes » est allé à la rencontre de cette engeance amatrice de fruits secs viennoisés
Le pain aux raisins, « banger » des boulangeries ou surcote totale ?
Le pain aux raisins, « banger » des boulangeries ou surcote totale ?  - Canva et un léger craquage / Canva et un léger craquage
Jean-Loup Delmas

Jean-Loup Delmas

L'essentiel

  • Il est là, dans chaque boulangerie. Indéboulonnable malgré son goût qui divise. On parle bien sûr du pain aux raisins, que ni les stars solidement installées - pain au chocolat et croissant - ni la nouvelle vague - babkazana et cannelés - ne semblent capables de faire flancher.
  • Après moult recherches sur notre idée reçue, surprise ! Le produit est en réalité franchement apprécié : 41 % des Français en consomment, selon un sondage Ifop de 2019.
  • Alors à l’heure où le gouvernement plaide plus que jamais pour « faire Nation », 20 Minutes a tenté de réconcilier la France des pains aux raisins et celle qui les déteste.

La loi du sport est impitoyable : des titulaires brillent sur le terrain, des remplaçants s’ennuient sur le banc. C’est un peu le sort qu’on imaginait réservé aux pains aux raisins dans les boulangeries. On voyait ces pauvres bougres patienter seuls en vitrine pendant que croissants, babkas et chocolatines - oui, on dit chocolatine, mais un seul débat à la fois, s’il vous plaît - attiraient les projecteurs.

Pour être tout à fait franc, on trouvait même ce triste destin un peu mérité, tant pour l’auteur de ces lignes, le goût du pain aux raisins l’empêche de s’asseoir à la table des autres bangers de la viennoiserie. Mais il est là, bien visible dans toutes les boulangeries de France. Et force est donc de constater que papy raisin fait plus de résistance que prévu.

Incroyable mais vrai, 41 % des Français en consomment

Après avoir minutieusement enquêté, nous avons découvert l’invraisemblable vérité. Oui, des gens aiment le pain aux raisins et en achètent de leur plein gré. Accrochez-vous bien : nombreux sont celles et ceux qui le placent sur leur podium, voire le considère comme leur viennoiserie favorite (oui, oui). C’est notamment le cas de Laura, qu’on surprend la main dans le sac, un pain aux raisins dans le gosier. « Vous êtes bien gentil, mais je n’ai plus 5 ans à me satisfaire d’un pain au chocolat », nargue la trentenaire un poil méprisante (cette enquête a été réalisée à Paris). « Le pain aux raisins, ça a un goût plus subtil, plus de caractère, et la texture est moins dégueu qu’un chausson aux pommes ».

Laura n’est pas seule. Selon un sondage Ifop datant de 2019, « Le croissant et les Français », 41 % de nos concitoyens consommeraient du pain aux raisins (!), le plaçant en quatrième viennoiserie préférée derrière les indéboulonnables croissants (74 %), chocolatines (70 %) et brioches (63 %), mais devant les chouquettes (40 %). Loin de faire consensus dans le désamour donc, le pain aux raisins est un « soit on déteste, soit on adore », au même titre que le Spritz, la réglisse ou la coriandre. « Faites plutôt un sujet sur le croissant tout fade », conseille un autre fan en train de croquer dedans. Brève présentation de Thierry : 35 ans, professeur, un amour inconditionnel pour le pain aux raisins - il en prend chaque matin.

Les défauts de ses qualités

Pour nous apprendre la tolérance et à respecter les préférences de notre prochain, comptons sur Marie-Eve Laporte, enseignante-chercheuse à l’IAE Paris-Sorbonne et spécialiste de l’évolution du comportement alimentaire. « Le pain aux raisins a les défauts de ses qualités, décortique-t-elle. C’est un produit moins calorique que le pain au chocolat, avec plus de saveur que le croissant, comptant sur des fruits secs plutôt que le chocolat ou la pomme, des goûts plus consensuels et régressifs. Sa forme en escargot peut également séduire, il est plus facilement mangeable qu’un pain au chocolat par exemple ».

S’il a donc ses aficionados, le pain aux raisins reste à des années-lumière de faire l’unanimité - faut pas déconner non plus. Selon les estimations à la grosse louche de Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie, pour 3 pains aux raisins, un établissement proposera en moyenne 10 croissants et 8 chocolatines. C’est que le monde de la boulangerie se rapproche plus d’un duopole que du Variété Club. Bernard Boutboul, président de Gira, cabinet spécialisé dans les ventes hors domicile, signale que 60 % des viennoiseries consommées en France sont des pains au chocolat ou des croissants, laissant des miettes aux autres. « Ils ont les goûts les plus consensuels et possèdent une portée d’identité nationale et une renommée internationale. Vous n’imaginez pas ouvrir une boulangerie à l’étranger avec comme argument marketing des pains aux raisins made in France, alors que ça marcherait avec des croissants ou des pains au chocolat », image-t-il.

« Pas un best-seller, mais un incontournable »

A l’image de Mimie Mathy au classement préféré des Français, ou bien du PSG en Ligue des champions, le pain aux raisins n’est donc jamais premier, mais toujours présent. « Ce n’est pas un best-seller, mais c’est un incontournable, confirme Dominique Anract. Si une boulangerie n’en a pas, elle n’est pas très crédible, même si elle en vend peu. »

A la Boulangerie du Sentier, on fait l'éloge de la modernité, mais on garde aussi les valeurs sûres.
A la Boulangerie du Sentier, on fait l'éloge de la modernité, mais on garde aussi les valeurs sûres. - JLD/20 Minutes

Passage à la Boulangerie du Sentier, à Paris. Le gérant, Yariv, reconnaît qu’il s’agit - point de vue personnel - du produit vendu qu’il apprécie le moins. Mais même ici, une vingtaine de pains aux raisins sont produits chaque jour - contre 200 croissants et 200 pains au chocolat environ. « Il en faut bien, certains clients viennent uniquement pour ça. Souvent des quadragénaires », acquiesce le gérant. Mais on ne parle pas d’exclusivité. « Si on n’en a plus, le client qui en voulait va généralement se reporter sur un autre produit. Si on n’a plus de croissant ou de pain au chocolat et que la personne en voulait, elle ira dans une autre boulangerie ».

La concurrence de la modernité

Définitivement incapable de boxer dans la même catégorie que les deux géants, le pain aux raisins se bat donc avec le chausson aux pommes, les chouquettes… mais aussi de plus en plus de viennoiseries « modernes », comme la babkazana, les New York Rolls ou les pains à la cannelle, qui lui pique de plus en plus de parts de marché. « On fait moins de pain aux raisins qu’avant, pour laisser la place à ces nouveaux produits qui rencontrent beaucoup de succès et se vendent à toute heure », reconnaît Yariv, là où les achats de pain aux raisins se concentrent très tôt le matin ou en toute fin d’après-midi, après le boulot.

10h30. Il ne reste qu'un pain aux raisins contre beaucoup de babkazanas. Papy fait définitivement de la résistance.
10h30. Il ne reste qu'un pain aux raisins contre beaucoup de babkazanas. Papy fait définitivement de la résistance. - JLD/20 Minutes

Aurait-on à peine percé le secret du pain aux raisins que ce dernier serait déjà menacé de disparition ? « On aura toujours du pain aux raisins, contrecarre Yariv. On veut être une boulangerie moderne, certes, mais il faut aussi respecter les traditions ». Preuve que le produit n’est pas condamné, il n’en restait déjà plus qu’un dans la vitrine à 10h30. Plutôt décisif, le remplaçant.

Sujets liés