business Aérien« Air colis », un vaste réseau de livraisons par drones en prison démantelé

Il s'appelait « Air colis »... Un vaste réseau de livraisons par drones en prison démantelé

business AérienSuspectés d'avoir organisé plus d'une cinquantaine de livraisons illégales jusqu'aux fenêtres de détenus, quatre hommes ont été interpellés mardi. Ils sévissaient à Nantes, Lorient, Le Havre et Poitiers
L'arrestation des suspects s'est déroulée mardi aux abords de la maison d'arrêt de Nantes (illustration)
L'arrestation des suspects s'est déroulée mardi aux abords de la maison d'arrêt de Nantes (illustration) - S.Salom-Gomis / Sipa
Frédéric Brenon

Frédéric Brenon

L'essentiel

  • Le trafic permettait de livrer des téléphones ou des produits stupéfiants, par les airs, au sein même des cellules.
  • La livraison coûtait 400 euros le colis de 500 grammes. Le marchandise était confiée aux malfaiteurs par des proches des détenus.
  • La gendarmerie a pu saisir chez les suspects neuf drones, de la cocaïne et du cannabis

«La délinquance ne recule devant aucune innovation technologique pour son business », constate Cécilia Agez, commandante de la compagnie de gendarmerie de Nantes. Quatre personnes ont été arrêtées et placées en garde à vue pour leur rôle actif dans un important réseau de livraison de marchandises au profit de détenus de l’ouest de la France, annonce ce vendredi soir le parquet de Nantes et la gendarmerie nationale. Plus d’une cinquantaine de livraisons ont ainsi été effectuées, parfois jusqu’à dix par jour, depuis le mois de mai dans quatre établissements pénitentiaires : Nantes, Le Havre, Lorient et Poitiers.

L’originalité réside dans le fait que ces livraisons s’effectuaient au moyen de drones pilotés jusqu’à la fenêtre des détenus. Les colis étaient remis en pleine nuit pour ne ne pas alerter les surveillants de prison. « Les malfaiteurs avaient détourné le système électronique du drone afin de désactiver les voyants lumineux. L’appareil était également équipé d’une pince permettant de saisir le colis puis de le lâcher », explique Cécilia Agez.

« Un commerce organisé et professionnel »

Le réseau permettait de passer commande, par téléphone, via un compte Snapchat baptisé « Air colis ». Tarif de la livraison : 400 euros les 500 grammes. La marchandise était confiée aux livreurs par des proches des détenus. Elle était pesée, vérifiée, puis acheminée aux clients à une heure de rendez-vous précise. Le pilote du drone était guidé jusqu’à la bonne fenêtre grâce à un signal lumineux et des échanges téléphoniques en direct. « Ils agissaient le plus rapidement possible. Ils disposaient d’un drone et d’une batterie de secours. C’est un commerce organisé et professionnel », souligne Cécilia Agez.

L'un des drones ayant été utilisé par le trafic baptisé "Air colis"
L'un des drones ayant été utilisé par le trafic baptisé "Air colis" - Gendarmerie nationale

Cette activité illégale a été interrompue après des signalements de l’administration pénitentiaire et un travail d’enquête de plusieurs services de gendarmerie. Mardi dernier, trois suspects ont ainsi été arrêtés en flagrant délit aux abords de la maison d’arrêt de Nantes. Un quatrième suspect a été interpellé, à son domicile, à La Baule, le même jour. Les quatre hommes étaient âgés de 21 à 26 ans. Trois d’entre eux étaient des frères originaires de la région toulousaine et déjà connus des services de police.

Au total, les enquêteurs ont saisi chez eux neuf drones, 500 grammes de cocaïne, un kilogramme de résine de cannabis, près d’un millier d’euros en espèces, ainsi que du matériel technique (brouilleurs…). Pas moins de 36 téléphones portables et 1,6 kg de cannabis ont également été découverts lors de fouilles récentes au sein de la maison d’arrêt de Nantes.

Une première à ce niveau en France

« Ce sont des faits tout sauf anodins. A ma connaissance, il n’y a jamais eu une affaire [de livraison par drones] d’une telle envergure en France », insiste le procureur de la République, Renaud Gaudeul, lequel évoque la probabilité d’une organisation parallèle de réception des marchandises « au sein même de la maison d’arrêt de Nantes ».

Cécilia Agez, commandante de la compagnie de gendarmerie de Nantes, et Renaud Gaudeul, procureur de la République de Nantes.
Cécilia Agez, commandante de la compagnie de gendarmerie de Nantes, et Renaud Gaudeul, procureur de la République de Nantes. - F.Brenon/20Minutes

Les quatre suspects seront poursuivis pour survol de zone interdite, introduction irrégulière d’objets à des détenus et trafic de stupéfiants. Ils encourent jusqu’à 10 ans de prison. Les détenus et proches impliqués s’exposent, eux aussi, à des poursuites, précise le procureur. « Il est bon que les malfaiteurs sachent que les services d’enquête se sont mis à niveau », prévient Renaud Gaudeul.

Les survols de prisons par drones sont en augmentation dans toute la France. En 2022, l’administration pénitentiaire a constaté 68 survols par drone en France. Trente-sept avaient été recensés en 2021, 39 en 2020 et 40 en 2019.

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