TACTIQUELa polémique sur le Hamas, nouvel exemple de l’enlisement de LFI

Attaque du Hamas en Israël : Polémique après polémique, comment LFI s’enlise dans ses travers

TACTIQUECe lundi, La France insoumise a plus clairement condamné l’offensive terroriste du Hamas en Israël, mais sa volonté subversive tous azimuts commence à lui coûter cher
Le coordinateur de la France insoumise, Manuel Bompard, et la présidente du groupe parlementaire insoumis, Mathilde Panot.
Le coordinateur de la France insoumise, Manuel Bompard, et la présidente du groupe parlementaire insoumis, Mathilde Panot.  - Bertrand Guay  / AFP
Rachel Garrat-Valcarcel

Rachel Garrat-Valcarcel

L'essentiel

  • Après le lancement de l’offensive terroriste du Hamas en Israël autour de Gaza, LFI a été accusée de relativiser la gravité de la situation.
  • Malgré un rétropédalage qui ne dit pas son nom, la stratégie du mouvement de gauche est à nouveau montrée du doigt. Au grand dam de ses alliés.

C’est une de ces polémiques dont on ne sait plus trop si la France insoumise (LFI) adore tomber dedans ou s’il est si facile pour ses adversaires de l’y faire tomber. Samedi, à 13h29, quelques heures à peine après le début de l’offensive terroriste du Hamas en Israël autour de la bande de Gaza, le groupe parlementaire de LFI à l’Assemblée diffuse un communiqué de presse qui démarre ainsi : « L’offensive armée de forces palestiniennes menée par le Hamas intervient dans un contexte d’intensification de la politique d’occupation israélienne à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Nous déplorons les morts israéliens et palestiniens. Nos pensées vont à toutes les victimes. »

L’absence de condamnation claire de l’attaque du Hamas, et l’absence du mot « terroriste » pour qualifier le groupe islamiste palestinien, font polémique tout le week-end. De la gauche anti-Nupes à la majorité en passant la Première ministre, qui dénonce « les ambiguïtés révoltantes » des insoumis. Mais aussi chez des socialistes très pro-Nupes, comme le député Jérôme Guedj, qui a déclaré pour la première fois : « la question de rester dans la Nupes se pose ». Dernier acte ce lundi matin, Manuel Bompard, coordinateur du mouvement mélenchoniste, assure sur France 2 que son degré de « condamnation » de l’offensive du Hamas est « total ». Il la qualifie même de « crime de guerre ».

« Un procès d’intention »

Une sacrée nuance apportée en deux jours pour un parti qui n’en a pas l’habitude. Mais à la direction de la France insoumise, on nie complètement avoir changé de pied, ou même précisé les choses : « L’interview [de Manuel Bompard] est dans la continuité de notre communiqué de samedi, qui appelait déjà à l’arrêt de toutes les violences », estime Paul Vannier, député du Val-d’Oise. Mais est-ce que la condamnation manquait samedi ? Non, il s’agit d'« un procès d’intention », poursuit-il. « Ce matin, Manuel Bompard a simplement pu dire plus longuement notre position. Je serai satisfait qu’elle soit mieux comprise et qu’on sorte de cette polémique abjecte. »

Voilà pour la théorie. Car on a pu remarquer que ce communiqué de samedi n’a pas été très repris par les membres du groupe. Certains francs-tireurs habituels, comme François Ruffin ou Alexis Corbière - mais pas seulement –, s’en sont même distingués sans le dire. Et plusieurs, restés silencieux, ont en revanche repris l’interview de Manuel Bompard ce lundi matin. « Disons que le communiqué a été un peu fait à la va-vite, et qu’on est un certain nombre à se retrouver davantage dans la position de ce (lundi) matin qui est plus claire, assure à 20 Minutes un membre de la direction de LFI. Il n’y avait pas eu de consultation large ni de recul suffisant, je pense, au moment de l’écriture du communiqué. »

Liberté d’action à double tranchant

Ce fonctionnement de la France insoumise la distingue des « vieilles organisations », syndicats et partis. Un député insoumis l’expliquait il y a quelques semaines : « On ne se rend pas compte de l’énergie qu’on dépense pour convaincre les autres de faire telle ou telle chose dans les vieilles organisations. Chez nous, à partir du moment où vous êtes dans les clous du programme, vous pouvez y aller. On passe moins de temps à voter pour désigner des gens ou décider des choses, et beaucoup plus à agir. » LFI doit sans aucun doute une partie de son leadership à gauche à cette méthode. Mais la Nupes lui doit aussi ses polémiques à n’en plus finir depuis un an, et sans doute celle de ce week-end.

Une partie des députés LFI ont passé le week-end à relayer sur les réseaux sociaux les prises de parole de la gauche israélienne qui, comme eux, dénonce la responsabilité de la politique de colonisation israélienne et du gouvernement de Benyamin Netanyahou. Ça se défend. La preuve : le communiqué du groupe communiste de l’Assemblée est passé entre les gouttes alors qu’il dit globalement la même chose que celui de LFI, à un détail près : il « condamne sans réserve » l’attaque du Hamas. Comme lors des violences en banlieue au début de l’été, les insoumis se rendent donc, en grande partie seuls, inaudibles.

Sur le sujet, les insoumis en ligne avec la direction répondent toujours que, de toute façon, ils ne cherchent ni à convaincre les médias, ni la bourgeoisie de gauche, qui s’indigne de leurs manières. Qu’ils s’adressent au peuple et que jusque-là, aux trois dernières présidentielles, ça n’a pas si mal marché. « Souvenez-vous : après l’épisode des perquisitions à l’automne 2018, on devait être morts. Et regardez, 22 % (en 2022) », répètent-ils en boucle. Ce n’est pas faux. Mais c’est aussi un argument d’autorité très confortable : ça va marcher parce que ça a déjà marché. Un député de la Nupes un peu dépité décrit l’alternative : « Pour des partis antisystèmes, il y a toujours une tension entre la conformation et la subversion. Et s’ils sont trop subversifs, ils peuvent s’exclure du système politique. » LFI en est peut-être là.

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