votre vie votre avisNos lecteurs pas favorables à la hausse du prix de livraison des livres

« Une mesure faite pour les bobos »… La hausse du prix de livraison des livres sur Internet passe mal

votre vie votre avisDepuis samedi, il faut compter 3 euros de plus pour toute commande de livres neufs de moins de 35 euros. Une mesure qui ne ravit pas nos lecteurs notamment ceux qui ont des difficultés à se déplacer
Le but du décret de la loi Darcos est de favoriser les librairies indépendantes aux plateformes du types Amazon et la Fnac. (Photo d'illustration).
Le but du décret de la loi Darcos est de favoriser les librairies indépendantes aux plateformes du types Amazon et la Fnac. (Photo d'illustration). - PIXABAY / PIXABAY
Anna Geslin

Anna Geslin

L'essentiel

  • L’entrée en vigueur du décret de la loi Darcos impose des frais de livraison de 3 euros pour toute commande de livres inférieure à 35 euros.
  • Le but : protéger les libraires indépendants contre les plateformes comme Amazon ou la Fnac.
  • Ruralité, personnes en situation de handicap, livres spécialisés… Nos lecteurs nous expliquent ce qu’ils pensent de cette nouvelle mesure et ce que cela va changer pour eux.

Cela fait plusieurs semaines que vous entendez parler du livre de Panayotis Pascot, aka la nouvelle sensation littéraire, et vous avez prévu de le commander sur Internet. Si vous l’aviez fait il y a plusieurs jours, vous payerez 19,50 euros, soit le prix du livre. En revanche, si vous l’avez acheté à partir de samedi 7 octobre, comptez le prix du livre + celui de la livraison qui s’élèvera à 3 euros, soit un total de 22,50 euros. En effet, l’entrée en vigueur du décret de la loi Darcos impose des frais de livraison de 3 euros pour toute commande de livres inférieure à 35 euros. Cette mesure favoriserait les librairies contre les géants de la vente en ligne comme Amazon et la Fnac. Si l’idée semble bonne (favoriser le local plutôt que les multinationales), on est allé sonder nos lecteurs pour connaître leur avis et savoir si cela allait changer leur mode de consommation. Et le moins que l’on puisse dire est que celle-ci ne fait pas l’unanimité !

« Encore une mesure faite pour les bobos ! » Bernard tonne le ton et met en lumière la fracture que produit le décret entre les citadins et les ruraux. En effet, celui-ci n’a pas le même impact pour ceux qui habitent près de librairies, en ville, et les autres qui doivent parcourir parfois plusieurs kilomètres en voiture pour se rendre dans leur commerce. Devi enfonce le clou : « C’est une mesure pensée par ''des gens de la ville'', déconnectés du monde réel de millions d’autres. La première librairie est à 30 km de chez moi et je ne trouve jamais ce dont j’ai besoin. » Même son de cloche pour Silver : « Encore une loi pour les Parisiens. Je refuse de faire deux heures de route jusqu’en ville pour, une fois arrivé, que l’on me dise qu’il n’y a plus de stock et qu’il faut commander. » Philippe met en avant l’argument de l’essence : « Sur Amazon, je suis sûr de trouver ce que je cherche. Pas besoin de me déplacer pour rien, pas de frais d’essence et de stationnement ! » Michel synthétise : « Encore une fois on pense global et non local. Pour les habitants des villes ce n’est pas bien grave car l’accès à la culture est facile. Pour ceux qui habitent à la campagne ou dans les petits bourgs, cet accès se fait bien souvent par Internet. Trois euros pour un livre de poche, c’est 50 % du prix en plus ! »

« Rien n’est fait pour les personnes handicapées »

Parmi les lecteurs qui témoignent, plusieurs personnes en situation de handicap évoquent « la double peine ». Celle d’être en mobilité réduite et d’être « pénalisé financièrement » pour cela. C’est le cas de Patrick pour qui « [se] déplacer dans une librairie n’est pas facile » et qui en plus, se « prend des livres spécialisés » que sa librairie n’a pas en stock. Il n’a d’autre choix que de commander sur Internet, « je suis doublement pénalisé par cette loi ». Jean, également en situation de handicap, va être « obligé de regrouper [ses] achats, ce [qu’il faisait] déjà pour des raisons écologiques. » Il trouve néanmoins dommage que d’autres personnes dans sa situation qui achètent moins de livres se retrouvent lésées et soient contraintes de réduire leurs achats littéraires. Aurélien, lui, a fait le choix de ne plus commander sur Internet. Lui qui a l’habitude de « recevoir des livres dans sa boîte aux lettres ». Il regrette la manière dont les personnes dans sa situation sont traitées : « Absolument rien n’est fait dans ce pays pour les handicapés, plus de bancs dans Paris, métro inaccessible, bus inaccessible et maintenant livres trop chers… »

Si la question du déplacement revient souvent, nos lecteurs sont aussi préoccupés par la recherche des livres spécialisés, en langue étrangère, ou moins mainstream. Alain, hypnothérapeute de profession, achète fréquemment ses livres sur Amazon. « Il est vrai que les librairies offrent l’avantage de feuilleter les livres avant de les acheter, mais malheureusement, les ouvrages que je recherche ne sont souvent pas disponibles en magasin, ce qui nécessite de les commander. » Il prévoit de continuer à privilégier la plateforme, car « dans ces conditions, [il] ne [voit] pas vraiment l’intérêt de faire [ses] achats en librairie ». Pareil pour Noémie, fervente lectrice en VO, qui a l’habitude d’acheter ses livres sur Internet comme dans la ville où elle se trouve « les librairies n’ont de VO que les Harry Potter ou le programme des prépas ». Avec la hausse du prix de livraison, elle va sans doute passer par une librairie en ligne américaine : « Ça pendra un mois mais ça sera moins cher ».

Les achats impulsifs font place aux grosses commandes

Alors, à partir de samedi, comment nos lecteurs vont-ils réagir ? Pour la plupart, fini les achats impromptus d’un livre sur Internet, la règle est désormais à la grosse commande. « Je vais juste regrouper mes achats pour dépasser les 35 euros et continuer à ne pas payer les frais de port », explique Marion. « La mesure va juste casser l’achat de livre à l’unité sur un coup de tête et vu la conjoncture actuelle, je ne suis pas sûre que beaucoup de personnes monteront à 35 euros d’achat », regrette-t-elle. « J’ai peur que les ventes de livres ne pâtissent de cette nouvelle taxe, parce que je doute qu’elle bénéficie tant que ça aux librairies. » Pierre-Hugo* reste positif : « Avec la livraison à 3 euros, j’achèterai plusieurs livres pour arriver à 35 euros. Ça ne sera pas perdu puisque je lis tous les jours ». Thelma aussi pense « faire des paniers en attente et déclencher la commande à 35 euros ». « Mais quoi qu’il arrive, je pense que je vais moins en acheter car je vais faire moins d’achats impulsifs ! »

Cyril, jeune libraire de 23 ans interroge ses concitoyens : « Maintenant que des frais de port s’appliqueront systématiquement, pourquoi se priver de payer moins cher et de contribuer au dynamisme des librairies indépendantes françaises ? » Il insiste notamment sur les conseils personnalisés des libraires qui font la différence. « De mon point de vue, c’est donc une mesure qui ne changera pas forcément grand-chose, si ce n’est qu’elle est tout de même une incitation supplémentaire à se détourner des grandes sociétés qui monopolisent le commerce en ligne. »

*Le prénom a été modifié


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