Procès« L’inconnu de la poste » s’invite de nouveau aux assises

Lyon : « L’inconnu de la poste » s’invite de nouveau aux assises

ProcèsAcquitté en avril 2022, Mamadou Diallo sera rejugé dès jeudi pour le meurtre de Catherine Burgod. Un meurtre dont a longtemps été soupçonné l’acteur Gérald Thomassin
Le village de Montréal-la-Cluse où le corps de Catherine Burgod a été retrouvé le 19 décembre 2008.
Le village de Montréal-la-Cluse où le corps de Catherine Burgod a été retrouvé le 19 décembre 2008.  - PHILIPPE DESMAZES / AFP / AFP
Caroline Girardon

Caroline Girardon

L'essentiel

  • Mamadou Diallo, acquitté du meurtre de Catherine Burgod en avril 2022, sera rejugé devant la cour d’appel de Lyon à partir de ce jeudi.
  • Le corps de cette mère de famille qui travaillait à la poste de Montréal-la-Cluses avait été retrouvé lardé de 28 coups de couteau, le matin du 9 décembre 2008.
  • Si les parties civiles sont convaincues de culpabilité de Mamadou Diallo, la défense évoque d’autres pistes, comme celle du comédien Gérald Thomassin ayant fait figure de suspect numéro un avant de mystérieusement disparaître.

«L’enjeu de ce procès est d’éviter l’une des plus grandes erreurs judiciaires de ce siècle ». A la veille des débats, l’avocat Sylvie Noachovitch donne le ton. Son client, Mamadou Diallo, sera rejugé à partir de jeudi à Lyon devant la cour d’assises du Rhône pour le meurtre de Catherine Burgod, un meurtre dont il avait pourtant été acquitté l’an dernier « au bénéfice du doute ». Mais le parquet général a fait appel de cette décision, estimant qu’il tenait là le véritable « inconnu de la poste ».

Qui a tué la postière de Montréal-la-Cluse ce matin du 19 décembre 2008 en la lardant de 28 coups de couteau, alors qu’elle attendait son troisième enfant ? Du côté des parties civiles, l’implication de Mamadou Diallo ne fait aucun doute. Leur avocat Jean-François Barre entend bien le démontrer. « Au regard des charges qui pèsent contre lui, au regard de ses déclarations fluctuantes et de ses explications fuyantes, on a la conviction que sa culpabilité est avérée », explique-t-il.

L’ADN, « une preuve précise »

L’accusé se trouvait sur les lieux le jour du drame. Il s’est rendu à la poste du village pour acheter un billet de train. C’est là qu’il aurait découvert la victime, vu une liasse de billets qu’il va empocher avant de paniquer au point de s’enfuir sans appeler les secours. Une version des faits qui ne tient pas la route, selon Jean-François Barre. Son ADN, qui a matché dix ans plus tard, a été retrouvé à l’intérieur d’un sac noir laissé à côté de la mère de famille. Mais aussi sur l’une des poignées d’un tiroir-caisse. « C’est une preuve précise », estime l’avocat.

« Compte tenu du court laps de temps au cours duquel a été tuée Madame Burgod, environ une demi-heure, cela signifierait que Mamadou Diallo serait arrivé seulement dix à quinze minutes après le meurtrier. S’il avait appelé à l’aide, je crois qu’on ne l’aurait pas accusé de meurtre. Tout cela paraît alambiqué et cette conjonction des faits nous laisse perplexe », poursuit-il, avançant la thèse du « braquage qui a mal tourné ».

La thèse du « braquage qui a mal tourné »

« Peut-être qu’au début il est venu avec ce sac pour prendre l’argent et n’avait pas l’intention de tuer, que Madame Burgod s’est opposée et ça s’est enchaîné », argumente-t-il. Une théorie balayée par Sylvie Noachovitch ayant acquis la « certitude » que son client est « innocent ».

« Il est rentré, il voit cette scène horrible mais il avait 19 ans. Il était tout jeune », argumente l’avocate de la défense, avançant que l’accusé a paniqué sous l’effet d’une « anesthésie traumatique ». « Quand on est en état de choc, on commet des actes irraisonnés. Lui s’est essuyé les mains dans le sac après avoir vérifié si la victime était encore vivante. Puis, il a volé l’argent et s’est sauvé. Mais est-ce qu’un coupable laisserait son ADN sur place ? », questionne-t-elle.

La piste Thomassin qui refait surface ?

« Il n’a pas été acquitté par hasard en première instance. Les experts ont confirmé que tout ce que dit Mamadou Diallo est vrai mais la justice ne veut pas laisser un meurtre non résolu », reprend l’avocate dénonçant ainsi un « horrible acharnement judiciaire ».

La défense entend orienter les jurés sur d’autres pistes « négligées » par les enquêteurs « qui ne sont pas allés jusqu’au bout ». Celle du « mari jaloux » qui n’aurait pas supporté d’être « quitté quelques mois avant le drame » et qui « n’a pu justifier son emploi du temps ». Celle de Gérald Thomassin, acteur révélé dans « Le Petit criminel » devenu un marginal. L’homme, qui a « livré des aveux troublants » a longtemps été suspecté avant de mystérieusement disparaître alors qu’il se rendait à une convocation chez le juge d’instruction. « Je n’accuse personne mais tout est possible. Il y a d’autres suspects numéro 1 », plaide Sylvie Noachovitch.

« Dans ce dossier, une seule personne a été renvoyée devant les assises et c’est Mamadou Diallo, répond Jean-François Barre. L’ADN c’est celui de Diallo, pas celui de Thomassin. Chez Thomassin, on n’a jamais retrouvé du sang de la victime. Thomassin, c’était un peu le vagabond qui faisait peur, celui qui intriguait, qui habitait à côté de la poste. C’est un fantasme… très utile pour la défense. »

Le verdict est attendu le 20 octobre.